CHAPITRE 2

7.1K 522 119
                                    

" Quelque fois le matin je sursaute et je crie,
C'est rapide c'est très bref mais là j'ai vraiment mal ;
Je m'en fous et j'emmerde la protection sociale. " - Houellebecq

Je me réveille en sueur. Ma couverture a glissé au sol et mes draps sont trempés. Je fixe le plafond, la respiration coupée. C'est la cinquième fois cette semaine que les cauchemars m'attrapent. Soit un jour où j'ai été tranquille. On est vendredi aujourd'hui. Enfin pour moi, ça n'a pas grande importance.

Je me lève péniblement, et trébuche sur un oreiller. J'ai envie de me passer la tête sous l'eau. J'ai envie d'effacer toutes les traces de cette nuit. Je ne me rappelle plus mon rêve. Je ne m'en rappelle jamais. Ma chambre est plongée dans le noir et je tâtonne pour trouver la porte de ma salle de bain. C'est pratique. Comme un renfoncement dans un petit placard, mais pratique quand même.

Je fais couler l'eau glacée du robinet et j'y glisse mes mains. Ça gèle le bout de mes doigts. Je me frotte le visage et les cheveux. Je mouille un peu ma peau, au niveau du torse. Puis j'ouvre le premier tiroir sur ma droite – geste mécanique et totalement contrôlé – pour y prendre ma boîte de médicament. Une gélule. Je la pose sur ma langue et je sors mon gobelet. J'avale.

J'entends le téléphone qui sonne dans le salon. J'hésite un instant à y aller, et puis j'entends des bruits de pas. Bon. De toute façon, ça ne devait pas être pour moi puisque mon anniversaire est passé. Je referme la porte de ma minuscule salle d'eau et je commence à faire mon lit. Dans le noir, c'est compliqué. Je me bats avec la couette et trébuche à nouveau, mais sur un livre cette fois. J'espère que je n'ai pas corné la couverture.

" Louis ? Tu es réveillé ?

La porte s'ouvre et je cligne des yeux. J'ai l'impression d'avoir les paupières encore gonflé de sommeil. Comme je ne réponds rien, Jeanne entre tout à fait. Elle a deux ans de moins que moi. De toute mes sœurs, c'est celle avec qui je m'entends le mieux.

- Tess a appelé.

J'hoche lentement la tête. Ah. Oui.

- Elle voulait te dire qu'elle passerait sûrement cette après midi.
- Je ne veux pas la voir.

J'ai grogné ça entre mes dents mais Jeanne a très bien entendu. Elle contourne mon lit et s'y assoit sans façon. Je n'ai pas fini de rabattre la couette.

- Vous vous êtes disputé ?
- Tu es assise sur mon lit.
- Elle t'as larguée ?
- Lèves toi, je dois remettre la couette comme il faut.
- Je t'avais dit qu'elle n'était pas pour toi.
- Personne n'est pour moi.

Jeanne hausse les épaules et son sourire me fait clairement comprendre qu'elle n'est pas de mon avis. Ou qu'elle me trouve ridicule. Je laisse tomber mon bout de couette et j'ouvre mon armoire pour enlever mon t-shirt et en passer un propre. Lorsque je me retourne, elle est toujours là, les jambes croisées.

- Tu n'as pas des choses à faire, au lieu de rester là à me regarder ?
- Y a rien à la télé.
- Il y a d'autres choses que la télé dans la vie.

Je soupire et lui désigne ma bibliothèque d'un coup de menton. Mais Jeanne ne lit jamais, c'est peine perdu. D'ailleurs elle ne me répond même pas, préférant m'ignorer pour rejoindre ma fenêtre et pousser les rideaux sur le côté. Il ne fait pas beau dehors, le ciel est tout gris. Elle referme presque aussitôt et me fait un petit sourire.

Sensations - Larry StylinsonWhere stories live. Discover now