CHAPITRE 5

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Tant que tu n'es pas là, je t'attends, je t'espère ;

C'est une traversée blanche et sans oxygène.

Les passants égarés sont bizarrement verts ;

Au fond de l'autobus, je sens craquer mes veines. - Houellebecq

Le samedi, c'est mon jour de corvée. Enfin, corvée, je ne devrais pas dire ça, parce que ce n'en est pas vraiment une. Je m'occupe d'Alice. Je ne l'ai jamais vraiment demandé, c'est juste que ça s'est fait naturellement. D'habitude c'est Jeanne qui joue a la maman mais le samedi elle dort généralement jusqu'à trois heures de l'après midi alors... je prends la relève. Et puis c'est cool parfois, de passer du temps avec sa petite soeur. En tout cas, moi, ça me détends.

Ma mère travaille dans une grande entreprise de cosmétique. Elle est ce qu'on appelle " une directrice " autrement dit " une femme tellement occupé qu'elle oublie souvent qu'elle a des enfants ". Enfin, personne ne s'en plaint a la maison, moi le premier.

Alice et moi avons pris l'habitude d'aller au parc lorsqu'il fait beau, ou d'aller au cinéma quand il pleut. Aujourd'hui, c'est la première solution qui s'impose. Le soleil est radieux.

On sort. Il est bientot treize heures. Il n'y a personne dans les rues, parce que les vieux de mon quartier sont devant les infos. On marche et Alice me tient par la main. Elle ne cesse de parler, et moi je lui réponds a coté. C'est tout le temps comme ça. Je regarde le ciel, et je me perds dans son immensité bleu. J'oublie. Et Alice n'aime pas ça. Elle tire sur ma main avec insistance.

" Louis ? On achète des crêpes ?
- Quand on sera au parc bébé.
- On est au parc. "

Elle me fait les gros yeux et moi je remarque enfin que oui, on est au parc. En plein milieu d'une allée. Il fait un peu froid sous le couvert des arbres.

Pour m'excuser, j'achète la crêpe. Alice se met du nutella autour de la bouche, et même sur le nez. Elle veut aller aux jeux, j'acquiese. On prend le raccourci, celui où il y a mon banc. Enfin le notre, à l'inconnu et moi.

Et aujourd'hui, il y a quelqu'un. Pas assis. Debout. Un garçon qui se tient sous le réverbère, et qui fume une cigarette. Alice tire sur ma main, il tire sur sa clope, je traîne des pieds. Je ne peux pas m'empêcher de le regarder, parce que c'est la première fois que je vois quelqu'un approcher du banc. Non pas qu'il soit maudit ou un truc débile du genre, non, c'est juste qu'il est loin et que l'emplacement n'est pas génial. On ne voit qu'un gros chêne lorsqu'on s'y assoit, et presque personne ne passe. L'endroit est peu fréquenté. Pourtant, il est là. Et il fume tranquillement.

On se regarde. Ses pupilles sont un tourbillon de tons verts. Couleur de l'Italie au soleil. Et je sais que je l'ai déja vu quelque part, ce regard, sans être capable de me rapeller ou.

Ensuite, il fait tomber sa cigarette et il m'adresse un drôle de sourire penché. Je ne sais pas comment réagir. J'ai l'impression qu'il me juge ou qu'il se moque. Peut être qu'il a lu les mots sur le banc lui aussi. Peut être qu'il a deviné que c'était moi, le con qui espérait une réponse d'un inconnu. Peut être. Alice me crie de venir.

Je lâche son regard et je lui cours après.

Sensations - Larry StylinsonWhere stories live. Discover now