CHAPITRE 7

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" I love you the first time

I love you the last time

I love you forever. " - Lana del Rey

Je viens de me prendre un énorme dictionnaire sur la tête lorsque Emily entre dans la pièce. Je ne sais pas si c'est le bruit qui l'a alerté, ou si elle voulait seulement venir me dire quelque chose, mais dans tout les cas, elle se précipite vers moi pour me demander si tout va bien.

Je me sens clairement con, à me masser le crâne. En même temps, ça fait mal, un dictionnaire. Emily rigole un peu, et elle dit quelque chose comme " Tu viens de te prendre un kilo de connaissances sur la tête, tu vas devenir très intelligent ! ". Je ne réponds pas, parce que je ne vois pas ce qu'il y a de drôle. Si c'était une blague bien sur...

Elle m'aide à ranger, et puis juste avant de partir, elle me fait un petit sourire et elle me propose de venir avec elle boire un coup après le travail. J'accepte, parce que j'aime bien Emily, et que j'ai désespérément besoin de relations humaines, autres que celles que j'entretiens avec mes soeurs.

Oui, j'ai l'air complètement pathétique. Et je le suis. Aucun commentaire, merci.

Emily n'est pas particulièrement belle, ni charismatique. Je dirais plutôt qu'elle est le genre de fille à passer inaperçu, et à pouvoir se balader en jupe dans le métro, sans qu'aucun mec n'ait l'idée de passer sa main dessous. Du coup, je l'aime bien.

Elle commande toujours un Coca Light, moi je préfère l'Ice Tea. Au début, on boit en silence, et je suis un peu gêné. Je ne sais pas quoi lui dire. Je suis du genre timide, surtout avec les filles. Elle, ça n'a pas l'air de la déranger, elle me fixe, elle me détaille. Ses yeux sont un peu verts, mais pas du tout comme ceux du garçon près du banc. Ils n'ont pas la même chaleur, la même profondeur. Ils ne sont pas deux petites émeraudes, et ils n'ont pas la couleur de l'Italie, un jour de grand soleil. Mais ils sont jolis quand même.

Elle boit la moitié de son verre avant de se décider à prendre la parole. Elle me demande si je vais bien depuis la dernière fois qu'on est venu ici ( ce qui est idiot puisqu'on se voit tout les jours à la bibliothèque... ), le livre que je suis en train de lire, si j'ai des frères et soeurs, si j'aime la couleur rouge et l'odeur du romarin. Des trucs cons.

J'ai l'impression qu'elle me drague, en enroulant ses doigts autour de son verre de Coca. Je l'aime bien, mais pas comme ça. Alors en plein milieu d'une de ses phrases, je dit doucement :

- J'ai une petite amie. Elle s'appelle Tess.

Elle cligne une fois des paupières, puis deux. Puis elle rigole. Du coup, je ris aussi, parce que je ne sais pas quoi faire. Elle n'a pas l'air fâché, juste vraiment amusé. Elle finit son Coca.

- Louis, tu me dis ça parce que tu penses que j'ai... des arrières pensées te concernant ?

- Heu... Ouais ?

Elle se remet encore à rire, mais cette fois ci toute seule. Je finis mon verre, clairement mortifié. Pourquoi je ne suis pas capable de comprendre clairement ce que les gens veulent dire quand ils me parlent ? Pourquoi je réfléchis trop ? Et pourquoi j'invente des trucs improbables ? Tu es trop con Louis. Il me le disait souvent, lui. La preuve qu'il avait raison. Je me lève et j'enfile ma veste. Elle fait de même, cette fois elle rougit. Je crois qu'elle vient de comprendre que je ne trouvais pas ça amusant du tout.

- Eh... Tu t'en vas ?

- Oui, je dois aller chercher ma soeur à l'école aujourd'hui.

- Ah ok... Bien sur ! Bien sur. Je paye. Tu peux y aller.

Je lui souris un peu et elle me prends dans ses bras. C'est un mouvement très bref. Je sens l'odeur de ses cheveux. Shampooing à la fraise. Puis, elle me lâche, et c'est comme si elle venait de creuser un grand vide entre nous.

Je crois que j'ai vraiment besoin que quelqu'un me réchauffe. Tout le temps.

- - -

Je récupère Alice à la sortie de l'école, et elle m'offre un dessin absolument bizarre, censé me représenter avec Jeanne. En gros, deux ronds moches et marrons. Mais je lui dit merci, et elle a l'air contente. Elle me prend la main et je porte son sac à dos Dora. On passe par le parc, pour pouvoir acheter des crêpes.

" Lou, Jeanne elle a dit que t'étais tout triste, c'est vrai ?

Je me mets à rire et je pousse la porte du parc pour qu'elle entre.

- Bien sur que non Ali... Je suis juste un peu fatigué, ça arrive tu sais...

- Oh ! Regarde, c'est Joyce !

Bon. Elle m'oublie en deux secondes et demi et je la laisse s'élancer sur le pelouse pour jouer avec une petite blonde. Mais j'ai faim moi. Je vais jusqu'au marchand de crêpes et il me sert. Bourrée de Nutella, juste ce qu'il me faut. Je coule un regard vers ma petite soeur, qui à plutôt l'air de s'éclater. La mère de Joyce les surveille... alors il ne m'en faut pas plus pour prendre mon petit raccourci. Juste un coup d'oeil au banc. Rapidement.

J'ai à peine passé le tournant que je sais qu'il est là. Je sais toujours quand il est là et quand il ne l'est pas. Il fume, comme à son habitude. 17h30. C'est son heure. C'est la mienne aussi maintenant. Je crois qu'il m'attendait parce qu'automatiquement, il me dévisage. Son regard est mécanique. Il me détaille des pieds à la tête, comme on regarderait un tableau. Je déteste et j'adore ça.

Et je me rends compte que je suis planté devant lui, lorsque ses lèvres s'étirent dans un petit sourire penché. Je rougis, et je bafouille.

- Heu... vous... vous avez l'heure ?

Il continue de sourire et secoue la tête. Ses boucles brunes s'éparpillent autour de son cou, et je ne peux pas m'empêcher de trouver le geste magnifique. Tout de lui est magnifique, son regard, sa tenue, sa façon de sourire, ses cheveux et... sa voix.

- Non, je n'ais pas l'heure.

Légèrement éraillé, mais surtout très chaude. Enveloppante. J'ai envie de me rapprocher de lui. J'ai envie de sentir son odeur, et de me rappeller où j'ai bien pu voir ses yeux.

- Du feu alors ?

- Pour ?

- Fumer.

Il hausse un sourcil, son sourire disparaît progressivement, mais ses yeux se font toujours aussi insistants. Et brusquement, je me sens mal à l'aise. Je ne voulais pas lui parler. Et il me fait peur. Je recule, et heureusement pour moi, Alice apparaît à l'autre bout du chemin. Elle me crie de venir. Je recule encore. Il ne fait pas un geste. Il me regarde toujours. Pas mon visage, mais mon ventre. Je crois.

- Je... Merci quand même. "

Alice crie encore, et je cours vers elle, sans attendre sa réponse. Et ses yeux brûlent mon dos. Et sa voix me hante. Et le souvenir du mouvement de ses cheveux m'ensorcelle.

Mais cette fois, la sensation au bord de mon coeur est différente.

Rassurante et angoissante. Les deux à la fois. Mélange improbable. Ce sont ses yeux, je crois.

Sensations - Larry StylinsonWhere stories live. Discover now