CHAPITRE 12

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" Vivre ce n'est pas attendre que l'orage passe. Vivre, c'est apprendre à danser sous la pluie. " - Sénèque



" J'en peux plus de cet hiver... Vivement le printemps !


Emily pousse la porte du café, et je la suis, un petit sourire aux lèvres. Elle râle tout le temps, j'adore la petite moue fâchée que cela lui donne.


On trouve une table, près de la baie vitrée, parce que j'aime bien regarder dehors, et elle aussi. On commande un Coca et un café, et on regarde nos pieds. C'est toujours comme ça entre nous, il y a cette intimité gênante que chacun veut garder pour lui, avant de se jeter dans la conversation. Des millions de petits secrets qui volètent, et qu'on enfouit vivement, pour ne pas qu'ils s'échappent au milieu d'une phrase.


" Tu as un problème familial Louis ?


Emily est du genre directe. Je la fixe sans sourciller, mordillant ma lèvre inférieure. Je ne sais pas si j'ai envie de lui en parler, je ne sais pas si je veux qu'elle me voit comme quelqu'un de faible, de fragile. Ce n'est pas ce que je suis. J'ai toujours aimé vivre, rire, faire des conneries. Mais maintenant qu'il est parti, je suis celui qui perds, qui tombe. En silence. Et je n'aime pas ce moi.


- Je ne te jugerais pas tu sais...

- Je sais.

- Tu ne veux pas en parler ?

- ...

- Ça concerne une de tes soeurs ?

- Non.

- Tes parents ?

- Non.

- Ta petite amie ?

- Non.


Elle soupire et porte son verre de Coca à ses lèvres. Je n'avais même pas remarquer qu'on nous avait servi.


- Tu ne me diras rien ?

- Je suis désolé de t'avoir appelé aussi tard hier. Vraiment.

- Aucune importance... je préfère que tu m'appelles à n'importe quelle heure de la nuit plutôt que tu pleures seul dans ta chambre... ça t'arrives souvent ?

- Pas vraiment non.


Tout les jours. A chaque instant, quand je pense à lui. Et j'ai mal tu sais, j'ai si mal. J'ai cette boule dans la gorge qui m'empêche de respirer, j'ai mon estomac qui se serre, et mes mains qui tremblent. J'ai mal tu sais, et je ne sais pas comment arrêter ça, je ne sais même pas ce que c'est. J'ai juste mal et ça me tue à petit feu.


- Ok... Si un jour ça ne va pas, dis le moi Lou.

- Ouais. Merci.


Elle sourit un peu maladroitement et remets une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Ensuite on parle d'autre choses, du travail, de sa famille et de la mienne, des groupes de rock qu'on aime. On finit nos verres. Il est l'heure. Elle se lève, moi aussi. On s'entrechoque dans la même étreinte rapide que l'autre jour. Je sens son odeur de fraise et elle murmure.


- Tu me raconteras un jour ?


Ça me brûle les lèvres. Ça me brûle les os. Ça me brûle partout.


- Oui. "


- - -


Alice court après Joyce en riant. Je la regarde, amusé malgré moi. J'ai une soeur adorable et aujourd'hui, il fait beau. Alors ça va.


Harry a bien voulu s'installer sur un autre banc que le nôtre. On peut surveiller Alice comme ça, et je n'ai pas l'impression de transgresser " la règle du grand frère attentif " de Jeanne. Il fume, et mes yeux font sans cesse l'aller retour ma soeur - sa cigarette, qu'il tient entre ses longs doigts. Je ne sais pas si il a envie de marcher, mais sa jambe tressaute sans cesse dans un mouvement convulsif.


Et pour une fois, j'ai envie de percer le silence.


" Harry, je peux te poser une question ?

- Vas y.


Il détourne son regard vers moi, et je me rends compte que c'est la première fois depuis que je suis arrivé qu'il m'observe vraiment. Et aussi que ses yeux sont ce que je préfère chez lui, parce que leur teinte verte est tellement complexe que je n'aurais pas assez d'une heure pour la décrire entièrement. (j'adore ce qui est complexe).


- Tu as des frères et sœurs ?


Il a un moment d'hésitation, et son regard coule sur ma peau. Il fixe ma mâchoire, ou mon cou je ne sais pas. C'est assez gênant, mais je n'ose pas lui dire d'arrêter.


- Non, du moins, je pense pas.


Il passe sa main dans ses cheveux bouclés, et ils retombent partout autour de ses joues. Une petite cascade. Ensuite, il rigole un peu, parce que je ne sais pas quoi lui répondre et qu'il s'en rend bien compte. Je crois que sa réponse est juste bizarre, et que je n'ai pas envie de savoir ce qu'elle sous entend.


- Et toi Louis, tu as des frères et sœurs ?


Je ferme un instant les yeux et j'enfouis profondément mes mains dans les poches de mon jean, parce que j'ai un peu froid et que mes phalanges deviennent blanches. Et puis je me mets à parler, je lui raconte tout, je lui parle de mes sœurs, de Jeanne, d'Agathe, de Camille, et beaucoup d'Alice. Je ne mentionne Hortense que très rapidement, mais de toute façon il ne pose aucune question. Il fume, et il m'écoute, en hochant un peu la tête parfois, et ses yeux dévalent partout sur mon corps et c'est agréable.


A la fin, le soleil tombe sur la pelouse du parc, et j'ai l'impression d'être dans un film jusqu'à ce que le genou d'Harry rencontre le mien et que sa chaleur m'empêche de finir ma phrase. C'est bizarre, à chaque fois qu'il me touche, je perds la notion du temps et mon ventre devient aussi flottant que si il n'était qu'une bulle d'eau.


Harry finit sa cigarette et la jette au sol. On regarde Alice qui joue encore avec son amie, et il dit qu'elle est adorable et moi je ne réponds rien car j'en suis incapable. Il reste encore quelques minutes, avant de finir par se lever.


- A demain Louis.

- Salut. "


Je ne sais pas si il sourit, parce qu'il est en contre jour et que sa silhouette se découpe en ombre chinoise devant moi, toujours est il que sa voix est bien plus chantante que d'habitude.


Et que je me sens étonnement calme.

Sensations - Larry StylinsonWhere stories live. Discover now