Chapitre 9: La laideur de la réalité (14 déc. 2021)

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Mon tout premier patient fut un homme âgé, la soixantaine. Il avait des maux de genoux qui le faisaient souffrir le martyre.

-Dieu te bénisse mon fils me dit-il en me donnant un baiser sur le front. C'est lui qui t'a envoyé pour nous sauver.

-Amine papa lui dis-je conformément aux traditions iraniennes. Montrez moi donc vos genoux

Ce pauvre homme avait les genoux enflés. Il m'expliqua comment il dû fuir de nuit à pied, laissant derrière lui toutes ses richesses suite à l'attaque subite des américains sur son village de pauvres paysans. J'avais du mal à y croire. Pourquoi s'attaquer à un village de paysans sans armes? Je secouai ma tête et revins sur terre.

Une poussée d'arthrose. Le genou était enflé, chaud au toucher, douloureux et rouge. Pas de doute.

-J'ai besoin de quelqu'un pour m'assister, dis-je en me retournant vers le caporal. Le soldat pot de colle était parti donc il ne restait que le caporal. Il se leva et s'approcha.

-Que dois-je faire docteur

-Tenez cette poche de glace bien contre le genoux, oui comme ça, pendant que je bande. Au contact de nos mains, je ne pus réprimer un frémissement. Tout le monde parlait de cet homme comme un monstre ou un dieu, même le vieux semblait le vénérer dès qu'il était entré, presqu'en tombant prosterné à ses pieds. Pourtant je ne voyais que douceur, quand il ne me menaçait pas bien sûr

-Allez y docteur bandez, me dit-il, me coupant de mes pensées

Je m'exécutai puis le caporal aida le vieux à s'allonger le temps que ça dégonfle. Le caporal me fixa ensuite pour savoir la suite.

-Appelez le patient suivant s'il vous plaît caporal, titubai-je

-Heu oui bien sûr, dit-il gêné, expression que je voyais pour la première fois depuis que j'étais arrivé ici. C'était un délice!

Le patient suivant était un enfant qui avait été blessé d'une balle pendant l'assaut des américains sur son village. Le pauvre frôlait la gangrène. Quand je déroulai la bande, je failli vomir. Je n'en fis rien savoir pour autant pour ne pas effrayer ce pauvre enfant

-Lame de 6 s'il vous plaît

Le caporal ne savais pas de quoi je parlais

-Celle là, lui montrai-je

Il me la passa. J'étais heureux car ici sous cette tente blanche, c'était moi le chef. Il me fallut un anesthésiant local, puis je pus gratter la peau morte et enfin nettoyer la plaie puis appliquer un produit et rebander. L'enfant me sauta dans les bras

-Vous voulez bien être mon papa? Le mien est mort dans les attaques, me demanda-t-il avec ses yeux si mignons

Sa demande était si sincère et pure que je ne pus empêcher une larme de couler? Je lui donnai un bisou sur le front, puis un bonbon que j'avais dans la corbeille tout près. Il était si content qu'il s'en alla sans même attendre ma réponse. Cela me fit éclater de rire et quand je me retournai, je surpris un sourire du caporal, sourire qu'il effaça aussitôt

-Si vous comptez pleurer à chaque mot doux, vous allez vous vider soldat, me dit-il

-Faisons donc entrer le prochain patient

Je fis de mon mieux pour soigner le maximum de personnes. Mais à un moment donné je n'en pouvais plus. Le caporal était parti à l'arrivée de Youssef, le soldat qu'il m'avait collé au cul. Ce fut lui qui m'assista ensuite. Il était gentil mais n'avait certainement pas la prestance du caporal. Une fois la prière du soir annoncée, il sortit et s'excusa auprès du reste, leur demandant de revenir le lendemain. Ils se dispersèrent et je sortis.

Après un saut dans ma tente pour me changer, nous allâmes prier, puis ce fut le dîner austère et le coucher. Le caporal était-il dans sa tente. Je n'entendais aucun son. Il me démangeait de l'appeler pour vérifier mais je n'étais pas bête. De toute façon mes pensées dérivèrent vers toute cette misère que j'avais vue aujourd'hui. Si ces gens disaient vrai et ils semblaient véridiques, les monstres, c'étaient nous au fait. Quelle honte. Mais je me souvins des paroles du caporal. Ce sont les politiciens les fautifs pas les populations. Je me sentis moins mal.

-De toute façon je m'en fiche dis-je à haute voix comme pour m'en convaincre puis je me redressai pour ma prière nocturne. Un bon mormon ne dort jamais sans prier, me dis-je à moi-même, heureux de ne pas me laisser absorber par ces gens.

-Tu ne t'en fiche pas, sinon tu ne le dirais pas si fort et maintenant tu la ferme et tu dors soldat, me dit une voix bien connue

Il était donc là. Quelle merde

-Oui caporal, dis-je en titubant puis j'ajoutai sans trop réfléchir

-Passez une bonne nuit mon caporal

Silence plat. Je me sentis tout à coup rouge de honte. Pourquoi ai-je sorti une telle absurdité

-Le sommeil c'est pour les faibles, soldat. Profitez-en, dit-il avec un ton moqueur qui m'amusa et me fit sourire

Je me dis à l'intérieur

-Que je ne te prenne pas à ronfler

Je finis ma prière et m'allongeai. J'avais toujours mes dessous sacrés. Je n'allais les laisser pour rien au monde. Je fermai les yeux et le sommeil me gagna.

Les jours qui suivirent furent pareils. Je m'étais cependant détendu énormément. Je plaisantais avec mes patients, sans plus penser à leurs origines. Au fond, j'étais né ici et cette ambiance me faisait tellement chaud au cœur. Il me semblait que tout le vide que je ressentais à Salt Lake City était comblé. Je n'étais plus le plus beau garçon ou le meilleur joueur de rugby. Les gens ici ne bavaient pas sur moi. Ils voyaient plus loin que le physique. Ils ne cherchaient pas à vous fréquenter ou à vous baiser parce que vous aviez un physique avantageux. Ils n'étaient tout simplement pas si superficiels qu'aux USA et je me sentais enfin vivre.

J'étais le docteur qui soignait ces gens et leur apportait de l'espoir. On plaisantait ensemble dans notre hôpital de fortune, on riait.

Au fil des jours, je commençai à recevoir des cadeaux de partout. Des parents reconnaisants envers moi pour la vie de leur fils et filles, des maris pour la vie de leur femme enceinte, des femmes et des hommes. Tout cela était tellement touchant. Même si ces cadeaux étaient souvent dérisoires, ces gens donnaient avec bon cœur ce qu'ils avaient de meilleur. Je sentais au fil des jours que j'avais trouvé une communauté dans laquelle j'avais en fait une place. Et pas n'importe laquelle. L'unique docteur!

Je me souris à moi-même à cette idée. Après une semaine de travail sans relâche, mes patients n'étaient plus si nombreux et je finissais souvent même avant midi. M'ennuyant souvent à me tourner les pouces, j'en profitais pour lire ou juste me reposer, car j'avais rejoint le rang des soldats après ma convalescence et j'étais soumis au régime d'entraînement matinal. Le caporal était intransigeant sur la discipline.

Le vendredi suivant, alors que j'avais fini avant même midi, je décidai qu'il était temps de découvrir la ville. Je partis alors demander la permission au caporal-chef afin qu'il permette à Youssef de m'accompagner.

-ça sera moi, me dit-il. Tu as oublié soldat que je te tiens à l'œil? Je n'en ai pas été distrait depuis et n'en serai pas.

Ma mine se renfrogna

-Quoi, ce n'est pas parce que tu soignes la population que j'aurai confiance en toi pour autant. Soit à mon véhicule à 13h tapante

-Oui mon caporal, dis-je avant de me retourner et de repartir. Ce salaud n'avait donc pas baissé sa garde d'un pouce. Au contraire, il me semblait plutôt que c'est moi qui avais baissé la mienne. Il fallait que je fasse attention à leur influence, me dis-je avant d'aller me préparer pour cette virée qui promettait d'être très très ennuyeuse!

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BELOVED ENNEMI[BxB]Where stories live. Discover now