Chapitre 18

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Le béton.

Oui le béton froid.

Je me retrouve seule avec lui, en tête à tête pour ce rendez-vous qui n'a rien de romantique. Il est là pour me tenir compagnie, bien endormie tout contre lui. D'ailleurs, heureusement qu'il est là, il est le seul présent sur la scène du potentiel crime. Personne à l'horizon, à part les lampadaires aux coins des rues et le vent de début janvier. J'ai cru entendre une femme qui criait, pour que quelqu'un me vienne en aide lors de ma chute. Mais cette femme n'est plus là.  Avait-elle peur d'être prise pour un suspect ? Où bien était-elle seulement le fruit de mon imagination. Une image de mon dernier désir. Croiser quelqu'un qui puisse me sortir de ce calvaire.

Mais malheureusement, rien. Me voilà ici. Sale. Allongée à cet endroit précis. Oui, là. Dans ces rues mal éclairées et très peu fréquentées. Entourée de portes en bois et de fenêtres aux volets fermés. Avec un trottoir, des deux côtés.

Oui, je suis là. Étendue sur le sol. Avec une capacité à réfléchir et à réagir qui m'a été ôté. Je ne suis plus une personne, mais seulement un corps, une jeune femme en souffrance, une jeune femme qui a besoin d'aide.

Une jeune femme entre la vie et la mort.

L'image de la fausse et belle parisienne est bien loin derrière moi. Mon tailleur jaune est déchiré, taché, souillé. Quant à mon maquillage, il a coulé depuis bien longtemps. Mon reste de dignité, lui, m'a accompagné dans ma chute. Mes cheveux sont humides et collants... Qui aurait cru que je finirai comme ça. Je ne pensais pas en arriver là, personne ne pense jamais en arriver là. Si je dois mourir, j'aurais préféré jouir d'une sortie plus triomphante. Je rêve d'une tombe, toujours ornée de fleurs, pour que les gens ne m'oublient jamais. Pour qu'ils se disent, "c'était une belle personne." Où bien encore "c'était une fille bien". Mais je sais malgré moi, que personne ne sera là. Que la pierre qui m'enveloppera sera toujours vide, grise et froide, comme les autres. Des fleurs séchées, qui seront changées uniquement lors de la Toussaint. Malheureusement, voilà comment sera mon "après". Pas de paradis pour les gens comme moi, malgré tout, pas l'enfer pour autant. Un triste et monotone entre-deux. À ce moment précis, alors que j'ai la tête contre le bitume, ce n'est pas grave. J'aurais aimé marquer les gens, malheureusement ce n'était pas mon destin. Certains sont faits pour ça et d'autres non. Je rentre dans la seconde catégorie. Encore une fois, la gloire n'est pas attribuée aux gens comme moi.

Je n'ai toujours pas posé de mots sur mes sensations, si j'ai chaud ou bien froid. Même si le froid me semble être une hypothèse solide. Cela expliquerait peut-être la raison pour laquelle mes membres se mettent à trembler. Du moins, je l'espère. Les pavés sales de Londres reflètent tout de même la lumière des lampadaires aux couleurs orangées.

C'est un beau décor, pour me laisser pour morte.

Je me conforte tout de même avec une seule idée en tête. Allez Diana, plus que quelques minutes, et tu reverras Maman. Même si je ne suis sûre de rien, car sa douce personne a bien entendu eu la chance de voler jusqu'au paradis. J'en suis persuadée. Elle ne méritait pas moins, comparé à sa fillette.

J'entends une voix m'appeler, au loin. Dois-je suivre le chemin de cette voix ? Elle m'appelle une seconde fois, je la connais, je la reconnais et elle me berce dans ce doux sommeil, comme elle l'a toujours fait.

Roger. Mon Roger. Le Roger. Ce Roger.

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[ PDV de Roger ]
.

Je marche dans ce froid glacial depuis plus d'une demie heure. Je marche vite. Il me tarde de rentrer chez moi. Sans Kate, car nous nous sommes disputés, encore une fois. Je veux dormir et vite passer à la journée prochaine. Celle là m'épuise. Entre Kate qui me prend la tête, Diana qui disparait sans dire un mot, Freddie qui me pique à son propos... C'est trop.

SAVE MEWhere stories live. Discover now