Chapitre 21

90 7 2
                                    


4 MARS 1973.

Dans ma vie, tout commence à reprendre son cours. Tout commence à redevenir banal. Par la banalité, je n'entends pas quelque chose de morose, au contraire. Je me sens vivante. Plus vivante que jamais. Ma vie s'améliore et devient de plus en plus stable. Je détiens à présent de l'or entre mes mains. J'ai encore un peu de mal à réaliser que je possède enfin tout ce dont j'ai toujours rêvé. Pour être un peu plus honnête, je ne réalise pas du tout. Je l'écris, je le vis, je le dis à voix haute, mais je n'arrive pas à m'en convaincre pour autant.

J'ai le job de mes rêves et j'aménage enfin dans mon propre appartement. Je peux donc quitter le logement de Mary, enfin. Ça n'a pas été simple pour elle de m'héberger tout ce temps, même si elle a toujours prouvé le contraire.

J'ai retrouvé les habitudes de ma vie Londonienne et je me permets même de sortir seule. Ce fut un très long combat avec moi-même. Je me sentais toujours suivie et observée lors de mes sorties. Même lorsque j'étais entourée de mes amis. L'anxiété rongeait toutes les ressources présentes dans mon corps et m'empêchait d'avancer. Jusqu'au jour où tout a changé. Ce n'est pas une légende, le temps guérit les blessures. Alors avec beaucoup de travail personnel et l'aide précieuse de mes amis, j'ai pu grandir et je me suis par la même occasion soignée.

Mon caractère en a tout de même prit un coup. Je ne dirai pas que je ne suis plus la même, car au fond je suis toujours moi. Je suis toujours Diana Walton.
Mais une version peut-être un peu moins festive, moins souriante et pleine de vie de Diana Walton. Je calcule tout, planifie tout... Et je sais à quel point cela a été compliqué à supporter pour mes amis. C'est pour ça que lorsque je parle d'eux comme une famille, je pèse mes mots. Ils sont bien plus que ça, ils m'ont sauvé la vie. Il faut dire que toute cette histoire avec Warren m'a beaucoup affecté dès le départ, ce qui est normal. Mais ce qui a fini de m'abattre fut le contrecoup des évènements.

Comme si je me prenais un coup de massue derrière la tête. Je ne voulais rien faire, je ne voulais voir personne. Aller au travail fut un supplice alors que j'adore ce que je fais et je me forçais à voir mes amis car ils sont présents depuis le premier jour, je ne me voyais pas les ignorer. Pas pour moi, mais par question de respect.

Mais les choses se sont arrangées et me voilà en train de me balader dans le centre-ville de Londres comme si rien de tout cela ne s'était produit.

Je me dirige chez le disquaire que je connais bien. J'entre et salue Jack d'un geste de la main. Lui et moi, on se connaît depuis le lycée. C'est l'une des rares personnes qui est entrée dans ma vie au moment ou j'ai perdu ma mère. Le temps nous a séparé, nous avons prit des chemins différents sans pour autant nous donner des nouvelles. Mais nous nous voyons souvent ces derniers temps et c'est comme si le temps n'existait pas. Lorsque nous sommes ensemble, nous avons toujours 16 ans. À se marrer pour tout et n'importe quoi. Il est encore très important à ma vie mais il fait parti des personnes qui sont comme au "second plan". On ne connait pas grand chose de nos vies respectives et finalement nous ne cherchons pas à savoir. Je pense que, autant lui que moi, souhaiterait qu'une part de nous soit restée sur les bancs de l'école, loin de tous les soucis de la vie d'adulte. Alors, quand on se voit, sans se forcer, on rentre à nouveau dans nos rôles d'adolescents rebelles en plein crise existentielle.

-" Eh ! Dia' ! Viens par ici !" me dit-il en tentant de crier tout en chuchotant.

-" Qu'est-ce que tu as encore ?" répondis-je exaspérée.

-" Je sais que tu viens souvent voir si il y'a des albums de Queen. Je crois que c'est ton jour de chance, le batteur du groupe est à l'étage. J'arrive pas à y croire, je l'ai vu rentrer dans ma boutique et je n'ai rien su dire. J'ai du passer pour idiot."

SAVE MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant