ACTE II - SCÈNE 4

753 96 47
                                    

Chan, Jeongin.
Troisième répétition, dans une salle à part.



Jeongin déglutit le plus silencieusement possible, bien que la salive se coinça quelque peu dans sa gorge. Son regard fuyant observait fixement le sol tandis que ses fins doigts trituraient le coin de sa feuille de script. Il s'était installé sur un canapé, les jambes repliées contre le torse, il n'osait pas relever les yeux vers Chan qui semblait lire son texte.

Le jeune homme se sentait très, très mal à l'aise. La professeure les avait envoyé tous les deux dans une salle à l'arrière des coulisses qui servait sans doute à certains comédiens pour prendre un peu de repos ou manger avant les représentations. Afin qu'ils puissent commencer à travailler le texte à deux de façon plus concrète, et que le brun se sente plus à l'aise pour parler. Le problème, c'était d'abord que Jeongin n'osait absolument pas engager la discussion, terrifié à l'idée de bégayer comme il en a la lourde habitude chaque fois qu'il s'adresse à quelqu'un qu'il ne connaît pas ou peu, et surtout à l'idée de dire une quelconque bêtise qui rendrait la situation encore plus gênante.

De son côté, Chan ne parlait pas beaucoup plus. Pourtant, il n'avait pas l'air gêné, mais au contraire, très concentré. Il fixait ses feuilles avec insistance, l'air de réfléchir activement à quelque chose.

Soudain, il releva le visage vers Jeongin, pour qui le mouvement ne passa pas aperçu. Il le vit faire du coin des yeux, mais incertain du fait qu'il l'observait, il jeta rapidement un coup d'œil. Il regretta instantanément, car quand il croisa le regard du brun, il sentit son corps se réchauffer. Ça lui faisait quelque chose, d'avoir un regard posé sur lui dans un premier temps, mais surtout ce regard-ci.

- Je m'appelle Chan. lâcha soudain le garçon de but en blanc.

Le plus jeune cligna plusieurs fois des yeux, surpris au possible. Il l'observa un instant, cherchant une once d'amusement sur son visage, mais il semblait très sérieux. N'osant pas piper mot, il se contenta de l'observer avec un air idiot collé au visage.

- Je me suis dit que ça te mettrait peut-être plus à l'aise, si on apprenait à se connaître.

Jeongin haussa les sourcils. Il était très déconcerté par ces mots. C'était original, c'était la première fois que quelqu'un lui disait ça, et honnêtement, c'était touchant... Au bout d'un petit moment uniquement comblé par un silence long, le plus jeune souffla, d'une petite voix.

- Je m'appelle Jeongin.

- Je joue Roméo. J'aime l'ingénierie, les fusées et les mathématiques. Je trouve que tu as un beau sourire.

Jeongin, qui s'était doucement mis à sourire à la présentation du noiraud aux mèches bleutées, écarquilla les yeux aussitôt entendit-il sa dernière phrase. Il remonta ses yeux vers les siens, et le sérieux brillant dans son regard fit frissonner le plus jeune. Complètement pris de court, il sentir ses mains devenir un peu moites alors qu'il les frottait contre son bas d'uniforme sur ses cuisses. Ce n'était pas qu'il était gêné, mais ça l'intimidait beaucoup. Et puis, au fond, ça le touchait aussi...

Le cœur battant, il déglutit silencieusement dans l'espoir d'hydrater sa gorge et d'avaler cette petite boule de stress qui s'était doucement formée. Et si elle était là, c'était parce qu'en un clin d'œil, Jeongin s'était décidé à répondre à Chan de la même manière.

- Je joue Jules... J'aime l'art, la psychologie, et... j'aime ton regard. il osa, même si sa voix s'était faite bien plus petite soudain.

Chan l'observa, sans émettre la moindre réaction. Le brun qui se sentait déjà intimidé détourna le regard, les joues si rouges qu'il en ferait pâlir les roses les plus flamboyantes. Alors, malheureusement, il manqua le sourire en coin du garçon méché, qui finalement, appréciait bien cette situation.

- Pourquoi tu as accepté ? demanda-t-il soudain, faisant sursauter le jeune homme.

Il ne s'était vraiment pas attendu à cette question. Parmi tout ce à quoi il aurait pu penser, celle-ci n'était pas entrée en ligne de compte. Encore, Chan l'observait avec ce regard si transperçant qui le faisait frissonner. Jeongin détourna un instant le regard, cherchant maladroitement ses mots. Que dire, après tout ?

- Tu n'en avais pas envie, c'est plus une torture qu'autre chose pour toi. précisa l'autre, et ce fut presque effrayant pour Jeongin de réaliser à quel point l'autre lisait en lui.

Ou peut-être que lire, c'était un bien grand mot. Jeongin n'était pas un journal intime cadenassé, ni un grimoire mal organisé. En réalité, il était ce petit livre qui prenait la poussière. Il suffisait de lui porter une petite attention, et on découvrait monts et mystères. Il n'était pas compliqué à lire, mais personne ne s'intéressait à lui. Personne, sauf Chan. Et lorsqu'il s'en rendit compte, son cœur se pinça d'émotion. C'était sincèrement touchant à ses yeux. Il se sentait, pour la toute première fois, considéré. Il se sentait exister aux yeux de quelqu'un, quelqu'un qui n'était ni Seungmin, ni ses parents. Il se sentait presque même important...

- Son sourire était tellement sincère... souffla Jeongin, les larmes aux yeux.

Initialement, c'étaient des larmes traduisant cette grande émotion qui l'avait touché, mais désormais, elles étaient toute autre.

- En me présentant à la répétition, j'ai signé mon engagement envers ce projet. il continua, doucement. Je m'en serai voulu de la décevoir. Tout ça, c'est important pour eux. Et puis, Changbin a toujours rêvé d'être un grand écrivain, s'il n'y a pas de Juliette, ou qu'elle est décevante, la pièce ne vaut plus le coup.

- Et il en va de même pour Roméo. ils dirent, à l'unisson.

Jeongin releva ses prunelles vers Chan, qui l'observaient déjà. Jeongin lui sourit, mi-amusé, mi-tendre. C'était un mélange harmonieux, mais qui dépassait toute poésie lorsqu'il se trouvait sur ce visage d'une pureté sans pareille. C'était ce que s'était dit Chan, dès l'instant où il l'avait aperçu pour la première fois. Chacun de ses gestes, chacun de ses mots, ses réactions, ses sourires,... Il n'y avait pas une chose que Jeongin ne savait rendre douce et belle. Il était à lui-seul, une lettre écrite de la main d'une âme amoureuse, partageant avec son amant une passion ardente. Cette même lettre, belle et enivrante, dont l'auteur avait prit grand soin à en parfumer le coin, lui offrant alors une effluve qui n'était pas sans rappeler la douceur florale du printemps.

C'était lui. Il était une pièce artistique, d'une tendresse comme on n'en trouvait nulle part ailleurs.

- Et toi, pourquoi tu as accepté ? sa douce voix caressait son tympan dans une mélodie qui le berçait.

Les petits yeux de renard du jeune homme brillaient quand il le regardait. Sa réponse l'intéressait sincèrement. Lui qui paraissait haïr ce club, avait retourné sa veste du jour au lendemain. Jeongin avait beau chercher, il ne comprenait pas.

- Pour toi.

𝗥𝝝𝗠𝗘𝝝 & 𝗝𝗨𝗟𝗘𝗦 ; jeongchanOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz