Vingt et un.

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Je passe le plus clair de mon temps avec Malia, au-delà du fait d'apprendre à conduire, j'apprends aussi à la connaître.

À plusieurs reprises je croise sa sœur, très froide, limite austère. Elle ne m'adresse même pas un bonjour.

Elle se ressemble beaucoup, mais à part le fait que sa petite sœur est plus grande, ses cheveux sont aussi plus clairs. Mais sinon ce sont des photocopies.

Malia est une prof patiente, minutieuse et calme. Je ne suis pas prête de partir sur les circuits de F1, mais c'est en bon chemin !

Elle me parle beaucoup de sa famille, mais surtout de Maja.

Je conduis, elle papote, et je réponds entre deux clignotants.

 - C'est pour elle que j'ai envie que ça change, j'en ai marre de me cacher, d'avoir toujours peur qu'on nous surprenne.

 - Comment elle le vit tout ça ?

Je reste concentrée sur la route, ce qui lui laisse une certaine pudeur en quelque sorte comme je ne peux pas décrypter ses émotions.

 - De moins en moins bien. Comme moi, avant on se cachait tout le temps, on avait l'habitude, c'était même fun, genre Juliette et Juliette !

Je réprime mon envie de rire, je conduis ... faut que je garde les yeux ouverts.

 - Va à droite, parfait. Puis à Noël ... on a gouté à la liberté. Du coup revenir en mode ninja, apparaît plus comme un plan de survie que comme un jeu.

 - Je n'ai pas la solution, quoi qu'elle paraisse elle aussi inévitable. Mais je comprends que ça ne soit pas simple pour toi ...

- Ce sont mes parents ... c'est difficile de prendre la décision de leur tourner le dos. Une fille lesbienne ... ils ne vont pas s'en remettre.

 - C'est ta vie Malia ... pas la leur. Le temps perdu à essayer de les préserver, c'est du temps que toi tu perds à vivre.

 - Je sais ... fait demi-tour au rond point, on rentre au bureau, c'est bien pour aujourd'hui.

Je suis les indications, je connais le coin, ce n'est pas compliqué de retrouver le chemin. Je gère mon meilleur créneau depuis le début, pas peu fière !

Je la raccompagne, j'ai laissé mon sac là-bas. Je ralentis et lui prend la main;

 - Je regrette les années que j'ai perdu avec lui. Ne fait pas la même erreur que moi, avec Maja vous méritez vraiment d'être libre.

Tout en marchand, elle regarde ses pieds.

 - Je suis morte de trouille.

Elle me fait de la peine, je caresse le dessus de sa main ;

 - Je sais, mais toi comme moi, on a plus l'âge d'avoir peur de vivre.

Elle plonge ses grands yeux tristes dans les miens ;

- Je sais que je dois le faire, je sais juste pas comment le leurs dires.

Je mesure mon intonation, pour être la plus douce possible,

 - Prends le temps, trouve et fait le.

On arrive devant l'auto-école, sa sœur est là à faire le pied de grue, elle lâche ma main précipitamment.

Elle lui demande rapidement, comme dérangée par sa présence ;

 - On a rendez-vous dans une demi-heure ?

Elle est en colère;

 - Je suis en avance de toute évidence !

Malia me glisse ;

#1 Ne pleure pas trop fortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant