Vingt-huit.

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Le serveur me tape sur l'épaule. Je sursaute ;

- Nous allons fermer le bar.

Déjà ? mais ...

- Vos amis sont partis il y a presque trois heures maintenant. Tout va bien ?

Je ne réponds pas, me lève et sort. En pilote automatique je retourne à l'appartement. Est-ce qu'ils sont là ? à m'attendre à l'angle de la rue ? en bas de l'immeuble ? en haut ... sur le pas de ma porte ...

Il n'est pas loin, je le sais. Depuis des mois il est là, à roder. Me surveiller. Les vidéos ... mon cœur se serre. Une partie de moi à toujours occulter la suite de ses images ... inconsciemment j'ai refusé d'imaginer qu'ils allaient les utiliser.

Je ne veux pas que Viggo tombe dessus, ou même Anders ... que diraient les filles . Magnus ?

Je suis en bas de chez moi, j'ai peur de rentrer. Minutieusement, je monte les marches, une par une, la tête vers le haut de l'escalier, prête à m'enfuir, je m'attends à voir sa gueule à chaque instant.

Il n'est pas là. Je fonce les clés en main m'enfermer à l'intérieur. Dans la panique je pousse une chaise sous la poignée.

Une fois là, mon corps me lâche. Mes genoux tapent si fort par terre que j'entends ma rotule craquer. En position fœtale, je ne suis plus que moi. Comme plusieurs mois auparavant, prostré dans la salle de bain, après une énième crise de jalousie, de colère, de violence.

J'y ai cru. Icare je t'ai cramé les ailes. J'ai mal partout. Viggo ... je dois le voir, vite.

Il est deux heures du matin.

Mercredi.

Je n'ai pas deux jours. J'attrape mon téléphone. Je n'arrive pas à me convaincre de l'appeler. Je me relève, difficilement. En m'accrochant à la bibliothèque, je fais tomber le petit aigle en bois.

Celui que j'ai acheté à Noël au marché. Celui que j'ai pas réussi à lui offrir à Noël ... Il se brise.

Comme tous les rêves que j'avais mis en lui. Les vannes sont ouvertes.

L'aigle, Magnus. Je ne pourrais plus jamais être avec lui. La honte m'étouffe.

Mais Ivar va s'en prendre à eux si je ne trouve pas le moyen de lui faire retirer cette putain de plainte.

Il retournera dans l'armée, disparaîtra de nos vies. Trouvera d'autres victimes.

Et je disparaîtrais aussi.

Ma conscience se brise un peu plus. Mais là tout de suite ma priorité c'est de les sauver eux.

Ensuite ... je partirais. C'est à cause de moi qu'Ivar passe ses nerfs sur la bande. Comme une évidence, je fais mon sac, emporte le nécessaire. Le minimum.

Calculer. Le temps.

Je prends une douche, j'ai l'impression que son odeur est partout sur moi. Je frotte à m'en bruler la peau. Je reste sous l'eau comme dans les mauvais films, rouler en boule. J'aimerais ne pas exister. Cette douleur que j'ai dans le cœur est presque létale ...

Les cachetons, juste de quoi me calmer avant la crise cardiaque. A comme attention, B comme Blessure, C comme Conne ...

Si seulement je pouvais m'endormir là, et ne jamais me réveiller. Depuis le début, tout ... c'était eux. Ils ne s'arrêteront que quand ils obtiendront ce qu'ils veulent. Malia a payé le prix cher, le rejet de sa famille ... les garçons et le garage, Anders ... est-ce qu'il risque encore d'être expulsé?

#1 Ne pleure pas trop fortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant