Chapitre 1 : La peau, ça brûle

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AMARIS


Amaris... 

La voix était distante, sortie de nulle part, vaguement féminine. 

Amaris, répéta-t-elle, ils viennent pour nous, pour moi. Ils veulent nous séparer ! 

Il n'y avait aucune panique dans ces mots juste une certitude. 

- Je ne sais pas de quoi tu parles, répondis-je. 

Il y eut un silence, ponctué d'un bruit lointain, un son sourd de vagues qui s'écrasent en secret sur le sable humide. La voix semblait émerger de ces flots sans vouloir en sortir complètement. 

Tu sais de qui je parle. Tu sens de quoi je parle.


***

- Il faut y aller Amaris. 

Je relevais la tête d'un coup, la main de Marie-Lou sur mon épaule me procurant un électrochoc dont je me serais bien passée au réveil. 

- Tu as la trace des mailles de ton pull sur le front, reprit cette dernière sans sourire. 

Ses traits étaient aussi tirés que les miens mais pour les raisons opposées, elle n'avait pas dormi de la nuit et était parvenue, par je ne sais quel miracle, à rester éveillée l'entièreté du court d'Histoires des Croyances. Peut-être que sa foi l'avait aidé à tenir le coup. La moitié de l'amphi s'était déjà vidé, Adèle et ML devaient attendre dehors, à moins qu'elles n'aient abandonné le navire en cours de route et soient déjà rentrées. 

- J'ai rien suivi, soufflais-je en refermant mon ordi sur lequel la page word était restée blanche. 

- J'ai vu ça. Je te passerais mes cours. 

Je lui souris aussi bien pour la remercier que pour m'excuser de ce cercle vicieux dans lequel nous étions tombée depuis le premier semestre. Je doutais qu'aucune des membres de la coloc, et sûrement plus s'en serait aussi bien sorti sans ses notes. 

- À une condition, reprit-elle plusieurs secondes plus tard trahissant son manque de réactivité à trouver une levier de négociation. 

- Tout ce que tu voudras. 

- Tu me prêtes ton haut noir pour ce soir, celui avec les manches transparentes. 

- Tu fais quoi ce soir ? 

- Je fais quoi ? ON fait quoi tu veux dire ! C'est la fin des partiels des juristes, il y a une soirée chez Thaïs, tu avais dis que tu viendrais. 

- J'ai dis ça ? 

Elle me jeta un regard en biais, prête à me sauter à la gorge si j'osais revenir sur mes engagements, en toute honnêteté je n'avais aucun souvenir d'avoir accepté. Je n'avais fait qu'une seule soirée en septembre et je n'étais pas prête à remettre les pieds à ce genre d'évènement tant que le thermomètre ne repasserait pas au dessus des 15 degrés une fois le soleil couché. Il allait juste falloir que je trouve un moyen édulcoré de l'annoncer à ML et Jo qui risquaient d'être encore plus dures à convaincre. 

Je me séparais de ML sur le chemin de la maison, tandis qu'elle rentrait directement pour avoir le temps de faire une sieste, je m'arrêtais faire quelques courses, rituel du vendredi oblige. Édème était de service, ce qui était sans doute une des raisons pour lesquelles j'aimais tant venir à cette heure. Elle m'accueillit avec son sourire habituel, ce genre d'expression qui me donnait l'impression que chaque jour était le plus beau de sa vie et qu'il était impensable qu'il en soit autrement. Ce puit d'énergie m'aspirait à chaque fois, et je n'essayais même pas de lutter. Elle ne travaillait pas seulement dans la boutique de légumes et de produits du coin mais aussi dans le café qui juxtaposait. 

- Amaris, j'ai reçu une nouvelle torréfaction, il faut à tout prix que tu la goutes ! 

Nous partagions le même amour du café en grain et c'était ce qui nous avait rapproché au début, avant que le reste de sa passion pour les bonnes choses et les petits bonheurs ne devienne contagieuse. 

La baie vitrée du premier étage offrait une vue plongeante sur la rue, le point de vue parfait pour voir sans être vu. J'avais eu l'occasion de boucler mes pires devoirs à l'arrache sur ce tabouret, face à cette fenêtre en priant que mon âme soit échangée avec n'importe laquelle qui n'aurait pas de devoir à rendre pour le soir même. Malheureusement ou non, mes prières n'avaient jamais abouties et j'avais été condamnée à rester moi et à pleurer sur ma tasse de caféine pure jusqu'à avoir cliquer sur le bouton « remettre les documents ». 

- C'est ma dernière pépite, tu m'en donneras des nouvelles ! 

Elle glissa une tasse fumante sous mes yeux avant de disparaître dans les escaliers et l'odeur de noisette monta immédiatement à mes narines. Il était dix-sept heure mais l'heure n'avait pas d'importance, au pire des cas j'étais trainée en soirée et la caféine me servirait et au mieux je restais suffisamment éveillée pour terminer ce satané bouquin, ou avancer sur mes rendus de la prochaines semaines. C'est ce que je voulais me faire croire du moins, une partie de moi savait déjà que cette dernière option n'était pas viable. 

Un courant d'air me passa dans le dos et vint hérisser les poils de ma nuque au moment où une silhouette se glissait sur la tabouret à côté de mien. Un léger rictus tira le bord de ma bouche, quelque soit le gout du café il venait de perdre de la richesse de son arôme par le simple fait que je n'allais pas pouvoir le savourer seule. 

- Tu crois qu'ils vont où tous ces gens comme ça ? 

L'or noir, du moins ma version du concept, que j'avais entre les mains failli repeindre son visage, mais je ne pouvais pas faire ça à Édème, ni à cette odeur de noisette. 

- Aucune idée, il faudrait leur demander. 

Je tournais la tête vers la voix grave qui avait choisi parmi toutes les chaises libres de l'étage de s'installer sur le tabouret près du mien. Il avait un sourire en coin, des sourcils épais sur des yeux noisettes, le nez légèrement tordu et une tâche de naissance à la base du coup. Il me jeta un coup d'oeil faussement amusé, et le courant d'air réveilla un frisson désagréable le long de mon échine. Je reportai l'attention sur mon café, priant pour qu'aucune phrase de plus ne traverse ses lèvres. Je n'étais pas assez naïve pour trouver ce genre d'abordage audacieux ou sexy, le mot ridicule ou terrifiant s'approchait déjà davantage de mon ressenti. 

- Alors ? 

La voix d'Édème dans mon dos me fit sursauter, manquant de justesse d'étaler le contenu de ma tasse sur le bois non traité de la table. À vrai dire, je n'y étais pour rien dans ce miracle et c'était désormais l'étranger à ma gauche qui avait ma tasse dans les mains. Je restais interdite quelques secondes alors que les excuses de mon amie fusaient et qu'une trace rouge de brûler se formait sur mon poignet. La douleur n'apparut qu'après. Par réflexe, je dissimulais mon poignet sous la table, remerciant vaguement le sauveur de café. 

- Je suis vraiment désolée Ris', me répéta Edème avant que je ne quitte la boutique quelques minutes plus tard. 

- Qu'est ce que tu dis ? Tu n'y es pour rien, je t'ai pas entendu arrivé c'est tout. 

- En tout cas, ça me fait plaisir de te voir ici, tu le sais ?

Je regardais la vague émotion qui traversa ses yeux en me demandant si c'était la culpabilité ou la fin de journée qui la poussait à ce genre d'aveux. 

Une fois dehors, je jetai un coup d'oeil à la trace rouge qui n'avait pas disparu. Je me refis en mémoire le parcours de la tasse et l'évidente impossibilité que la vaisselle ou le liquide n'ait touché cette partie de mon poignet. En revanche je voyais très clairement la main de cet homme me toucher pour éviter le drame. Je me demandais si j'avais bien vu ou si la fatigue pesait également sur mes nerfs. Mon téléphone vibra et j'ouvris automatiquement le message de Jo : 

*Je suis partie me préparer chez Thaïs. Rdv 20h30, prépare-toi, physiquement et mentalement. Matthias sera là.*


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Premier chapitre d'une nouvelle histoire, c'est un peu flippant de revenir sur Wattpad après si longtemps, mais j'ai ce bébé dans le ventre depuis un moment et je voudrais le partager avec vous ! 

J'attends donc vos retours avec impatience. 

Poids plumeWhere stories live. Discover now