Chapitre 15 : Du charbon sous les pieds

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Je préparais le thé, surtout pour gagner du temps et pour m'hydrater le crâne alors que je sentais mon cerveau surchauffer et ma matière grise s'évaporer. De l'autre côté du mur de la cuisine, je sentais bouillir d'impatience Jo et ML qui se retenaient de débouler dans la cuisine pour m'inonder de question. Je me brulais en attrapant la théière, maudissant tous les esprits de ce monde et de l'Entre de ne pas avoir fait de podcast ou de MOOC pour expliquer de manière plus intelligible le fonctionnement des Strates et de la mort.

- Tu as quelque chose à me dire ?

Je refermais soigneusement la porte, condamnant la curiosité de mes colocs et laissant leur imagination interpréter ce qui les distrairait le plus.

- Je venais m'assurer que tout allait bien.

- Tu aurais pu m'envoyer un message pour ça.

- Je n'ai pas ton numéro.

Vrai. Et heureusement.

- Mais tu as mon adresse ?

- Tu es la coloc d'Adèle, je lui ai demandé si je pouvais passer.

Au moins, la traitresse du jour était identifiée.

- Ce qui ne me donne toujours pas le motif de ta venue.

- Je te l'ai dit, m'assurer que tu allais bien.

Je sentis l'agacement monter en moi comme les bulles d'air au fond d'une casserole chauffée à vif :

- Écoute Tariq, j'ai croisé ton pote y'a même pas un quart d'heure, je t'assure que jouer aux devinettes avec toi ne m'amuse pas du tout.

- Mon pote ?

Son regard paraissait sincère, ce qui en disait beaucoup sur ses capacités de menteur :

- Un grand brun, cheveux longs, nez tordu, yeux sadiques.

- Cassius n'est pas mon ami.

Son regard s'assombrit et je vis ses yeux parcourir mon corps à la recherche d'un élément ou d'un détail particulier.

- Ni le mien, mais y'en a un de nous qui connait au moins son prénom.

- Disons que tout le monde connait Cassius.

- Pas moi, et je t'assure que j'aurais préféré que ça n'arrive jamais.

- Il t'a touché ?

Je ne savais pas comment interpréter la question, même si je me doutais qu'il n'impliquait rien de déplacer dans ces mots.

- Non, enfin il a posé sa main sur mon épaule comme si on avait élevé les cochons ensemble.

- Il a touché ta peau ?

- Écoute je te passerai bien son adresse pour que tu ailles lui casser la gueule si l'envie te démange, mais j'ai passé l'âge des romances toxi...

- Amaris ! Est-ce que sa peau est entrée en contact avec la tienne ?

- J'en sais rien. Peut-être oui, au niveau du cou. Il avait les doigts chauds.

Je ne comprenais pas l'intérêt soudain de Tariq pour ce détail. Cependant, j'avais eu raison : ces deux-là se connaissaient. Ce qui expliquait sa soudaine affection pour mon sort.

- Crois-le ou non, je veux t'aider.

- Tu viens de l'Entre ? C'est Issha et les autres qui t'envoient ?

Les rôles s'inversèrent, mon mode défensif activé, ce qui ne m'avait pas empêché de me placer entre la porte et lui pour l'empêcher de quitter la pièce avant d'avoir craché le morceau. Je doutais de mes capacités en plaquage, mais j'avais beaucoup de bonne volonté. Il leva des mains prudentes vers moi, comme si j'allais me mettre à hurler ou à sortir une arme de la poche de mon manteau. La méfiance était réciproque, ce qui me semblait être un bon début de relation.

Poids plumeWhere stories live. Discover now