Chapitre 6 : Corps et âme

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Issha

Je n'avais jamais vu Kaori dans cet état, et je doute que qui ce soit l'ait déjà vu dans cet état d'ailleurs. Amaris était assise sur le bord du canapé, à regarder autour d'elle comme un chaton désoeuvré, et on ne pouvait pas vraiment lui en vouloir pour ça. 

 - Est-ce que tu pourrais nous expliquer - calmement et intelligiblement de préférence - de quel bordel tu parles ? 

Hiyan n'était pas réputé pour sa politesse et la situation lui échappait un peu. 

 - Amaris s'est accrochée à toi ? poursuivit Lihua, une main posée sur la cuisse de Kaori, comment s'est possible ? 

 - Je n'en ai aucune idée. Je surveillais son âme pour éviter qu'elle glisse autre part et je l'ai senti m'attraper et... je sais pas, m'absorber ? Ça n'a aucun sens. 

 - Ça en a peut-être un, reprit Lihua. Si Amaris se sentait partir, elle a pu s'accrocher à toi pour éviter de tomber, mais c'est quand même la première fois que j'entends une chose pareille. 

 - Et c'est pas faute d'en avoir entendu beaucoup, des choses. 

Hiyan savait ce qu'il disait en prononçant ces mots vu que Lihua était interprète et nous comprenions doucement le caractère inédit de la situation. De toute façon depuis que nous avions trouvé l'âme d'Amaris, rien ne suivait aucun des chemins que nous avions pu emprunter, et personne n'avait de carte pour nous orienter. En d'autres termes personne ne savait comment la renvoyer chez elle, et notre incapacité à retrouver son corps ne nous aidait pas. Je ne savais pas si je devais regretter d'avoir entendue sa voix ou plutôt d'avoir décidé de ne pas l'ignorer. En tout cas je ne le regrettais surement pas autant que d'avoir mis tout le monde dans ce pétrin. 

 - Des nouvelles du corps ? demandais-je à Hiyan. 

  - Non, impossible de la trouver parmi les décès du jour, elle n'est pas morte. 


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Amaris

 Je ne sais pas si cette information me plaisait ou non. Je n'étais pas morte certes, ça ne voulait pas dire pour autant que je me sentais beaucoup plus vivante. J'étais présente, c'était la seule chose que je pouvais affirmer et par là, je voulais dire que j'avais beaucoup de mal à me concentrer sur des éléments passés aussi bien que sur des projections futures. J'étais simplement particulièrement consciente de ce que je ressentais, surtout maintenant que ma situation s'était stabilisée et que je reprenais suffisamment mes esprits pour rejoindre leur petit débat à mon sujet.

  - Mais, vous êtes qui au juste ? 

Je les voyais, ou plutôt je les percevais tourner la tête vers moi. Tous dégageaient quelque chose de différent que j'étais incapable de décrire et leur yeux cherchaient les miens au point de me mettre mal à l'aise. Seul Kaori fixait ses mains et celle de la femme à ses côtés sur ses cuisses, perdu dans ses pensées. 

 - Nous aurions tous le temps de mourir plusieurs fois avec de parvenir à te faire comprendre ce que nous sommes je pense, me répondit enfin Hiyan, le grand brun de tout à l'heure. 

 - On va avoir besoin que tu nous dises exactement ce dont tu te souviens avant d'arriver ici. 

La femme près de Kaori avait un regard intense, surement parce qu'étant si près je pouvais sentir la pression qu'elle exerçait sur moi et percevoir ses traits plus nettement que les autres.

 - Crois-le ou non, continua-t-elle, nous voulons t'aider à retourner d'où tu viens. 

Pour le coup je voulais bien la croire, puisqu'ils m'avaient assez bien faire comprendre que je n'étais pas la bienvenue ici. Mais la question qui restait toujours était : qu'est ce que ici ? Et retourner où exactement ? 

À intervalle régulier, Kaori me lançait des regards insistants que je n'arrivais pas à décrypter mais qui me donnaient l'impression d'être scannée à nue. Je pris une grande inspirations et racontais l'incendie de l'immeuble et comment j'avais tenter de m'enfuir par les sous-sols, surprises d'avoir pu courir aussi longtemps sous une ville aussi complexe et ancienne que Los Toa. Je n'arrivais pas à percevoir les expressions de mon auditoire pendant que je racontais cette histoire qui même dans ma bouche, ne semblait pas avoir beaucoup de sens, mais personne ne m'interrompit et ils laissèrent quelques secondes de silence ancrer mes propos.

 - Je m'appelle Isha, finit par annoncer celle qui semblait-il m'avait trouver immobile mais consciente après ma chute. L'Entre est le nom un peu aléatoire donner à cet endroit qui comme tu le comprendras assez vite s'inscrit entre pas mal de choses. 

 - De choses ? 

 - Oui, des choses et d'autres mais de manière générale entre des dimensions. 

Mon mal de crâne me reprit, mais cette fois c'était à cause de l'invraisemblance des explications qu'on tentait de me donner.

 - Le problème Amaris, reprit Hiyan, c'est que pour te ramener dans ta dimension, ta cave en l'occurence, il faut retrouver ton enveloppe physique, qui n'était pas là où nous t'avons trouvé. 

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Issha

Elle jeta un regard médusé à ses mains et au reste de son corps, comme pour juger de la véracité des paroles d'Hiyan, mais Amaris décida de rester silencieuse et d'attendre que la suite des informations lui tombe dessus. 

 - Je m'appelle Lihua et voici Kaori qui est parvenu à te stabiliser... pour que ton âme ne parte pas à la dérive sans son ancrage corporel. J'ai conscience qu'il y a beaucoup d'informations à avaler mais avec le temps, tout ça te paraîtra plus clair. 

 - Avec le temps ? s'époumona-t-elle. 

 - Le temps de retrouver ton corps. 

 - On parle de combien de temps au juste ? 

 - C'est difficile à dire. 

À vrai dire il est même impossible de lui répondre mais je n'allais pas gâcher à Hiyan le plaisir de lui expliquer toutes les subtilités de l'Entre. Je le sentais déjà trépigner à côté de moi, sans doute parce qu'il n'avait pas eu à faire à une Vivante depuis mon arrivée qui commençait à dater maintenant. Même si je ne connaissais pas cette fille, je me surprenais à espérer que son séjour ici serait moins... permanent que le mien, à croire que j'allais devenir altruiste avec l'âge. Lihua me dévisageait de l'autre bout de la pièce, sa manière de comprendre ce qui me passait par la tête avait tendance à m'agacer mais il n'y avait pas grand chose que je pouvais faire. Les interprètes avaient ce don de particulièrement bien comprendre les âmes, heureusement pour moi l'ambiguïté de ma situation laissait une part d'ombre qui lui échappait encore. Le visage de Kaori était quant-à-lui toujours aussi fermé et personne ne pouvait lui en vouloir de rester figer de la sorte. Toutefois cette questions d'attachement était un problème qu'il faudra également résoudre avant de rendre Amaris à son monde parce que je doute que Kaori souhaite resté attaché à elle trop longtemps. 

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