Chapitre 8 : Motivation

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Amaris 

Durant les heures où Hiyan me rendait visite, je me laissais guider par ses mots et ses instructions. Il s'était révélé être un professeur particulièrement dévoué à sa tâche et je le soupçonnais de profondément s'ennuyait dans sa vie de tous les jours pour passer autant de temps à s'attarder sur mon sort. Plus je "travaillais" avec Hiyan plus je gagnais la certitude qu'il s'agissait de la bonne décision, aussi en grande partie parce que je n'avais rien de mieux à faire. Il était présent presque à chaque fois que j'ouvrais les yeux, ne me laissant que lorsque mes dernières forces me quittaient et qu'il n'y avait plus aucune concentration à tirer de moi. J'essayais de cerner le personnage, d'équilibrer le manque d'entrain que je lui avais accordé quand je l'avais rencontré avec la douceur et la dévotion dont il faisait preuve jour après jour. 

Mes quelques heures d'éveil se résumaient donc désormais à suivre les instructions du mec qui avait refusé de me porter le jour où ils m'avaient trouvé, prétextant un mal de dos. Les exercices n'étaient pas compliqué en soit, et c'était plutôt leur simplicité qui les rendait impossible à faire. 

 - Tu pars, déclara Hiyan d'une voix neutre. 

Je me reconcentrais sur ma respiration, tentant de contenir mes pensées et me concentrer sur le son de sa voix. Je m'étais déjà essayé à la méditation, souvent lorsque mes angoisses me paralysaient et me bouffaient la vie mais je ne pouvais pas dire que c'était un domaine dans lequel j'excellais. 

 - Rends ta tête légère. 

Si la plupart du temps cette phrase m'agaçait parce que j'étais incapable de la comprendre, il m'arrivait de partir en fou rire d'épuisement. J'ouvrais les yeux et regardais les prunelles d'Hiyan qui semblait percevoir un monde qui m'échappait complètement. Il tira une moue agacé qui me replongea un peu plus dans mon fou rire nerveux. 

 - Au moins il y en a qui s'amusent, déclara Isha en entrant dans la pièce. Qu'est-ce qui te fait rire ? 

 - Son incompétence, répondit-il à ma place, c'est sa propre incompétence qui l'a fait marrer, et si j'étais pas aussi désespérer, je t'assure que j'en ferais autant. 

 - En même temps, tu cherches à faire en quelques semaines ce que des moines et des religieux mettent une vie à atteindre.

La notion du temps passé entre ces murs me coupa dans mon hilarité. J'étais là depuis des semaines ? Comment c'était possible ? Je ne sentais pas le temps passer et je n'arrivais même pas complètement à m'inquiéter pour mes proches et toutes les personnes qui devaient être en train de me chercher. Être ici me donner l'impression de ne plus vraiment "être" tout court; il y avait quelque chose de reposant dans ce constat. 

 - Moi au moins j'essais, reprit-il tout en se levant pour arpenter la pièce d'un pas léger. 

 - T'essayes de l'ancrer oui ! 

 - Parce que tu fais mieux ? 

 - Je cherche son corps moi, figure-toi. 

Le ton de la conversation ne montait pas mais je sentais la pression dans les mots qu'ils s'échangeaient. La pauvre créature perdue entre deux mondes que personne ne parvenait à sortir de là, c'était moi. Ce qui étrangement ne m'avait pas sauté aux yeux jusqu'à maintenant me fit l'effet d'une claque : 

 - Pourquoi est-ce que vous faites ça ? Enfin...  qu'est ce qui vous pousse à faire ça ? On se connait à peine ... je.. je comprends pas. 

Je vis la confusion se dessiner sur leurs visage. Ils ne savaient pas quoi me répondre tandis que la culpabilité me rongeait doucement de l'intérieur. Ils n'avaient pas besoin de faire ça, ils ne me devaient rien. Au fur et à mesure que ces pensées s'installaient en moi ma vision se troublaient et les couleurs commençaient à s'effacer. 

 - Merde, tu la fais partir ! s'exclama Isha alors que sa voix l'éloigner, va chercher Kaori qu'il la stabilise. 

 - Mais je sais pas où il est. 

 - Hiyan ! Comment est-ce que tu peux être aussi désintéressé et égoïste à la fois ? Si on la perd complètement...

Il y eut un silence après ça et le monde redevint gris et lourd. 


Mes pensées s'étaient emballées d'un coup, m'aspirant sans compassion pour mes interlocuteurs, ni pour ma curiosité qui attendait vraiment une réponse à ces questions. Je n'aimais pas l'endroit dans lequel on venait de me pousser, il n'y avait rien de distinctif, aucune couleur, aucune odeur, aucune lumière, tout était régulier. Jusqu'à ce que la lumière que j'avais saisie la première fois que j'étais tombée se re-matérialise devant moi. Cette fois-ci elle avait la forme d'une ficelle qui s'enroula autour de mon poignet. Par réflexe je l'attrapai de l'autre main et me mise à la suivre convaincue que la sortie était au bout de ce morceau de lumière. Mes pensées flottaient autour de moi sans vraiment me traverser, j'essayai d'appliquer ce qu'Hiyan s'était tué à m'enseigné ces derniers jour ? semaines ? Se concentrer sur ma respiration, sur l'air qui n'avait pas de température, que je devais imaginer pénétrer dans mes poumons faute de pouvoir vraiment le sentir. D'ouvrir en grand mes pensées, créer un espace si grand qu'il serait capable d'accueillir tout ce qui me parcourt la tête sans m'écraser. Plus j'avançais plus je gagnais en tranquillité, mon corps s'apaisait et si les décors autour de moi restaient les mêmes, je me sentais muer. 

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Issha

Je quittai la pièce lorsque Kaori ouvrit les yeux pour nous assurer qu'elle était toujours là. Je parvenais à ressentir sa présence, les battements de mon coeur se calmèrent alors et je jetai un regard inquiet à Hiyan qui ne dit rien et se contenta de m'emboiter le pas. 

 - Tu crois qu'on devrait la laisser partir ? demandai-je finalement avant que nos chemins ne se séparent à l'intersection de couloirs. 

 - Je ne sais pas, mais tu as le droit de l'imposer si tu penses que c'est la meilleure option. Tu es la mieux placer pour prendre une décision à sa place. 

Il ne faisait plus le malin comme tout à l'heure, nous venions de passer de longues minutes d'inquiétude. 

 - Je ne sais pas si j'aurais aimé qu'on prenne une décision à ma place, si j'avais été à la sienne. 

 - Parce que tu as eu l'impression d'avoir eu ton mot à dire ? Si elle est découverte, elle restera ici, tu le sais aussi bien que moi.

 - Il faut qu'on retrouve son corps avant que Kaori se lasse de devoir la repêcher à chaque fois et devoir lui laisser sa chambre.  

 - Non pas que ça lui déplaise de devoir passer ses nuits avec Lihua pour autant. 

Hiyan sourit et me salua d'un geste de la main. Je ne savais pas où aller, je n'avais pas envie de me reposer, je n'avais pas de message à transmettre, aucune urgence ni obligation. Je me décidai à faire ce que je repoussai depuis qu'Amaris était arrivée : reprendre mes recherches personnelles. Je suivis le dédale de couloir que je connaissais par coeur et entrais dans la pièce d'emprunt.



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Est-ce que je devrais remettre des mots de l'autrice ? 

Poids plumeWhere stories live. Discover now