Chapitre 3 : La lumière sous terre

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Il faisait noir, froid et humide. Enfin, je le devinais surtout parce que je ne sentais plus rien, mon corps n'était qu'un amas de chaire dont j'avais oublié le fonctionnement. J'évaluais avec le plus de sincérité possible, les chances d'être arrivée au bout de mon existence, elles étaient élevées et la déception qui venait avec aussi. Non pas que j'avais imaginé beaucoup de possibilités après la mort, mais flotter dans l'obscurité et le silence me paraissait plus correspondre à une damnation qu'à une vie après la mort. L'indice le plus flagrant de mon passage de l'autre côté tenait davantage à l'étrange calme qui m'habitait. De mon vivant, jamais une situation aussi angoissante m'aurait laissé à ce point détendue et tous les exercice de méditation, de sophrologie ou de visualisation n'y pouvait rien. Peut-être qu'il s'agissait des derniers shots d'adrénaline dans mes veines ou d'un principe propre à l'après-vie. Au moins, je ne courais plus et ce qui n'était pas plus mal parce que je détestais toujours ça. Si jamais la réincarnation existait j'espérais que ce soit dans le corps de quelqu'un de plus athlétique, d'une coureuse au moins que je me réincarnerais. Juste histoire d'apprendre quelque chose de nouveau qui pourrait vraiment me servir.

Le plus perturbant était l'absence de température ambiante, je savais qu'il faisait froid, mais l'air que j'inspirais et expirais ne rafraîchissait pas mes narines ni ma trachée. À bien y réfléchir, cet endroit ressemblait surtout à un purgatoire. Ce qui me força à faire le point sur ma vie, et à réfléchir à ce que j'avais pu faire de bien et de mal pour mériter un jugement aussi long. Certes je n'avais pas toujours été facile, ni comme enfant, ni comme amie, ni comme soeur mais je doutais avoir été la pire. Je n'avais jamais tué d'araignée, peut être mangé dans mon sommeil, un site douteux semblait dire que ça arrivait à tout le monde une fois dans sa vie. Mais est-ce que j'avais vécue suffisamment longtemps pour que ça m'arrive ? Je n'avais pas eu de pitié pour les moustiques, et même si j'étais une terrible conductrice je ne m'étais prise aucun sanglier. Il en va sans dire que je n'avais pas de cadavre humain sur ma toile, ce qui devait sans doute être un très bon point. Dans les civilité, j'avais menti, plusieurs fois et j'ai jamais tenu pas la porte à mon voisin mais c'est un vieux macho relooker, ça se justifie non ? De toute façon je préférais pourrir en enfer plutôt que de devoir lui adresser la parole.

Je pris une grande inspiration, histoire de m'assurer que je respirais encore. Un miracle en soit. Le mouvement de mon buste me fit aussi réaliser que l'arrière de ma nuque était trempée. J'essayais de ne pas trop y penser me concentrait sur un moyen de reprendre les commandes de moi-même. Il y a quelque chose de profondément angoissant à l'idée de savoir que j'ai des membres mais d'être parfaitement incapable de les utiliser. Quel comble s'était de manquer d'autorité sur son propre corps.

- Euh...

Ma propre voix me surprit, mais au moins je savais toujours parler, et mieux encore je m'entendais.

- Je m'excuse de ne pas avoir tenue la porte à Monsieur Jass, dis-je à voix haute comme une formule magique en espérant rappeler au secrétaire de la faucheuse que quelqu'un attendait encore dans la salle d'attente.

- Je demande pardon pour avoir été une grosse balance jusqu'à mes quinze ans.

Oui parce qu'après je me suis calmée.

- Je suis désolée d'avoir coupé les cheveux de Timothé en primaire.

La calvitie à 5 ans ou 25 ans, ça change pas grand chose de toute façon.

- Merde, mais je sais pas moi. Je demande pardon de ne pas avoir été honnête avec Mathias d'avoir l'impression que le pousser sous un train serait plus simple que de le quitter ?

- Tu crois qu'il nous faudrait attendre combien de temps pour connaître tous les aspects les plus sombres de sa vie ?

Je restai interdite avec cette étrange sensation qu'on essayait de me faire avaler mes poumons. Je n'arrivais même plus à respirer. Ce qui me permis au passage de réaliser que je n'en avais pas besoin pour rester consciente. Tout compte fait, c'était cool d'être un peu morte. Depuis quand est-ce qu'on m'écoutait ? Et qui est-ce qui pouvait suffisamment tordu pour rester là à se délecter de ce que je pouvais dire alors que j'étais littéralement en train de me vider de mon sang ? À minima quelqu'un tout aussi capable de couper les cheveux de Timothé.

- Je t'avais bien dit que je sentais quelqu'un.

- En même temps difficile de ne pas la sentir.

Il y avait deux personnes, un homme et une femme d'après les tonalité de leur voix, mais je n'avais aucun moyen d'être sûre. Est-ce qu'il était trop tard pour faire la morte ?

- Comment est-ce que tu es arrivée ici ? me demanda-t-elle en se rapprochant de moi.

Sa voix était si proche que je pouvais presque imaginée son souffle sur mon visage.

- J'ai suivi un lapin blanc et je suis tombée.

Elle pouffa doucement, le mec derrière aussi.

- Je te crois au moins sur la partie de la chute, reprit-elle, du moins à en croire l'angle de ton genou.

Je grimaçai sans rien répondre, au moins je ne sentais rien.

- Bon alors qu'est ce qu'on va faire de toi Alice ? C'est pas vraiment comme si tu étais la bienvenue ici.

Après avoir failli avaler mes poumons, c'était désormais mon coeur que j'avais l'impression de mastiquer, ou de vomir. Elle l'avait dit avec un ton si serein que la menace semblait se transformer en sentence.

- Allumer la lumière et m'emmener à l'hôpital serait un bon début, tentais-je tout de même.

Elle rigola à nouveau. Peut-être que je n'étais pas morte finalement, juste paralysée dans un repère de toxico ou de sans abris qui se protégeait de la chaleur et des flics dans les anciennes caves de Toulouse ? Mes nerfs optiques devaient être endommagé et ce n'étaient surement pas les seuls à avoir démissionné de leur fonction, au moins les capteurs de douleur s'étaient barrés avec eux. Si j'avais fait des études de médecine j'aurais peut-être pu essayer d'établir un diagnostique de mon état, mais avec ma double licence d'anthropo et d'histoire antique, j'allais pas faire long feu. Dans ma prochaine vie, je souhaiterais devenir médecin de campagne, avec un jardin si possible. Rebouteuse m'allait aussi.

- Un hôpital je sais pas, mais on peut toujours voir si Kaori peut faire quelque chose pour toi. Pour peu qu'il en ai envie et que tu tiennes le coup jusqu'à là bas. Tu la portes ?

- J'ai mal au dos, répondit l'humoriste des catacombes.

- Je me disais aussi.

Peut-être qu'on me souleva, peut-être pas. Je n'en avais strictement aucune idée puisque dans tous les cas je ne sentais rien. Je ne pouvais compter que sur mes oreilles et encore, je n'étais pas sûre de pouvoir leur faire confiance. Quel autre choix j'avais de toute manière ? Je n'étais même pas foutue de mourir correctement. 

Poids plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant