Chapitre 18 : Cabane et couloirs

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Amaris



- On est où ?

- Bonne question, ça serait plutôt à toi de me le dire.

- On dirait une cabane.

- Tu avais une cabane quand tu étais petite ?

- Oui, mais elle ne ressemblait pas à ça.

Il n'y avait qu'un brouillard gris par la fenêtre de la maisonnette en bois. Seules les épaisses branches qui traversaient la cabane de part en part, permettaient de deviner que nous n'étions pas au sol. Elles bougeaient à un rythme régulier, oscillant dans les orifices des parois. C'était d'ailleurs le seul point commun avec ma cabane, celui de n'être fixé par aucun clou à l'arbre,mais simplement déposé, épousant l'évolution naturelle du végétal. D'ailleurs, si c'était vraiment ma cabane, il s'agissait d'un tilleul bi-centenaire qui n'existait plus aujourd'hui.

- Peut-être que c'est comme ça que tu te la représentais.



La voix parvenait nettement d'un spectre lumineux coincé au même endroit que moi. J'avais deux certitudes, le temps et la réalité n'avait aucune importance et je ne rêvais pas. Restait à savoir comment ces deux éléments étaient conciliables.

- C'était mon endroit préféré, je venais me cacher ici quand j'étais petite, j'y passais mes après-midi. Tous mes trésors et mes livres préférés étaient là, sauf les jours de pluie où je devais tout rentrer en courant.

En réalité, cette cabane n'avait rien à voir avec la mienne, celle-ci avait eu droit à une extension, une amélioration et une redécoration totale pour coller avec mes gouts actuels.

- Pourquoi est-ce qu'on est là ? Reprit la voix posée du spectre.

Je ne ressentais pas le besoin de le regarder, je savais déjà qui se cachait de l'autre côté du voile lumineux. Une voix aussi cadencée que celle d'un métronome ne s'oubliait pas si facilement, encore moins quand celle ci venait squatter vos pensées régulièrement.

- Moi, je pense que c'est parce que je suis bien ici. Toi, peut-être parce que tu t'ennuies ou que ma compagnie te distrait un peu de tes interminables méditations ?

- Intéressant, mais je ne suis pas sûr que ce soit comme ça que ça fonctionne.

- C'est à cause de lui ?

Je pointais du doigt le fil qui s'étendait toujours discrètement entre l'amas qui le constituait et mon poignet.

- Certainement.

- Qu'est ce que c'est ?

Il vibra, non pas comme un téléphone l'aurait fait, mais comme un chat hérissant ses poils, pour peu que cela fasse sens dans ce context. À mes yeux, il ressemblait surtout à une sorte d'onde sonore mouvante, similaire à celles des images colorées de fonds musicaux des années 2000.

- Un lien. Tu l'as tissé la première fois que tu as perdu conscience dans l'Entre.

Je n'avais qu'un vague souvenir de ce moment. Mes ressentis et les images floues que j'avais gardé de l'Entre n'étaient plus aussi claires qu'à mon retour. Je me rappelais pourtant assez bien cette sensation de tomber, d'attendre indéfiniment le sol sans jamais achever ma chute.

- Il sert à quoi ?

- À t'ancrer, je suppose.

Dans la manière qu'il avait de m'expliquer les choses à demi-mot, j'avais l'impression d'être une enfant scotchée à son parent, ou plus simplement encore une moule qui avait choisi son rocher. Si le job de Kaori était vraiment de servir de rocher à tous les crustacés égarés, ses méditations ne devaient pas être si interminables que ça.

Poids plumeWhere stories live. Discover now