Chapitre 12 : Stupeur et chamboulement

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Amaris 

Je n'arrivais qu'avec deux heures de retard. Un exploit au vu des circonstances. Je n'avais aucune excuse évidemment, ou plutôt si. J'en avais une très bonne, mais j'attendrais les shots de téquila de fin de soirée pour tenter de la verbaliser.

Après le réflexe destructeur contre mon téléphone, ma capacité de mouvement m'était peu à peu revenue. Contrairement au tactile de mon écran qui était bien endommagé. Mon corps me pesait toujours, avec cette impression d'avoir une paire de Doc Martens au bout des doigts et une couverture lestée en guise de toge, mais au moins, je pouvais me déplacer presque normalement.

Mon appartement comme la cour et le reste de l'immeuble était intacte, et cette information me rassurait autant qu'elle m'effrayait. J'étais évidemment ravie de ne pas avoir à contacter l'assurance, en revanche je n'arrivais pas à croire que tout ça n'était que le fruit de mon imagination. J'étais restée quelques minutes en haut des marches qui s'enfonçaient dans la cave avant de quitter l'immeuble. J'espérais probablement y voir Issha monter avec un sourire rassurant, mais les escaliers étaient restés vides, et je m'étais contenté de déposer un pieds sur la première marche sans oser descendre davantage.

En fin de compte, je m'étais convaincu de me remettre à l'ouvrage abandonné en cours de route, soit me rendre présentable pour rejoindre cette fameuse soirée. L'idée me déplaisait moins que la dernière fois que j'y avais pensé - il y a quelques semaines ou quelques minutes de cela, je n'arrivais pas à dire -. Mon existence me semblait trop lourde à porte pour que ma seule volonté s'attaque à cette tâche. J'avais besoin de revoir les filles, de m'ancrer dans ce monde avec cette urgence de l'instant présent, comme si le temps m'avait glissé entre les doigts. J'avais l'impression d'avoir débloqué une nouvelle d'énergie aussi puissante qu'éphémère, et dans laquelle je puisai allègrement pour donner du sens à ces derniers évènements.

- Ris', incroyable, t'es venue !

- C'est que vingt-deux heures, personne ne commence une soirée à vingt-heure de toute façon.

Jo me dévisageait bizarrement et je ne pouvais que la comprendre, elle était celle qui me connaissait le mieux et si j'avais pu remarquer dans le miroir que j'étais différente, physiquement différente, elle le voyait certainement aussi. Elle agita la main autour de son visage :

- C'est le maquillage ? Tu t'es mise au contouring ? 

- Du tout.

- Un nouveau liner ? Ou un phare à paupière que tu m'aurais caché ?

- Rien de tout ça, je pense avoir juste fait une très bonne sieste.

- En tout cas ça te va bien, le sommeil.

Je souris en attrapant le verre que Marie-Lou me tendait. Je compris à ce moment que je ne pourrais jamais, même avec la meilleure volonté du monde, expliquer ce qu'il s'était passé.

Le petit appartement était sur le point de craquer, un brouhaha envahissant s'élevait de cet amas d'étudiants en mal de lâcher-prise. Personne n'était parvenu à leur faire comprendre qu'ils risquaient davantage leur vie à se noyer dans la boisson plutôt qu'à rater leurs études. Je vidais mon verre d'une traite sur cette pensée philosophique, sans réussir à deviner de quel mélange de boisson il s'agissait.

- Les voisins sont déjà passés deux fois, la prochaine on aura droit aux uniformes.

Adèle s'était rapprochée, le gang était au complet. Je regardais le visage de mes colocs, leurs traits maquillés, leur sourire ou leur regard perçant, le lien entre elles était évident et l'Univers aurait raté sa mission s'il n'avait pas regroupé ces femmes. Elles aussi avaient changé, mais je comprenais que c'était la manière dont je posais les yeux sur elles qui les faisaient apparaître différemment. Quelques litres de tendresse et d'affection supplémentaire s'était déversé dans le vase de la reconnaissance et de l'admiration que je leur portais déjà.

Poids plumeحيث تعيش القصص. اكتشف الآن