6 - Babette

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Je m'assieds face à ce tortionnaire des animaux.

Il trône face à moi au-dessus de son bureau noir, rutilant. Une grande baie vitrée donne un aperçu de l'Arche de la Défense. C'est tout un symbole de pouvoir, cette pièce. Évidemment, j'évite les morceaux de viande étalés sur les murs qui vantent les mérites de leur marque. Tout est soi-disant gage de qualité. On est loin des boulettes au rat vendues par une de leurs succursales. Le reste est épuré.

Simplement, ça pue le fric et la charogne !

Je me tais et j'attends de savoir comment il va tourner les choses. Pas un brin de verdure, pas une seule image de la nature. Je ne les vois pas se lancer dans une gamme végane. Je suis maintenant à peu près sûre que cette proposition est une arnaque.

Est-ce que je risque ma vie ?

Vraiment, je me le demande.

Je patiente toujours, impassible, les mains calmement posées sur mes cuisses. Ce vieux chnoque ne m'impressionne pas. Ses iris froids me scrutent pour tenter de deviner le moindre de mes secrets. J'élargis mon sourire pour lui montrer que la situation ne manque pas de piment. Finalement, sa bouche se détend et s'étire.

— Mademoiselle Beauregard, je vais être honnête avec vous.

Mouais, jusqu'à quel point ?

— Vous avez su dénoncer un problème que nous peinions à résoudre malgré nos efforts... et je vous en remercie !

Je fais la moue, mais je garde le silence.

Se fout-il de ma poire ?

— Bien sûr, votre attitude peu cavalière nous a valu quelques déboires...

Tu m'étonnes, une marche de podium au sommet de la montagne des dollars !

J'acquiesce, car je ne peux nier leurs dommages. Mais je ne souris pas, même si je suis fière du résultat.

— Cependant, il convient d'évoluer avec son temps... Vous êtes la personne de la situation, mademoiselle Beauregard, pour nous montrer le chemin.

Je me redresse, sûre de moi.

Il sait parler, ce vieux vautour.

— Je souhaiterais maintenant que nous collaborions pour développer une branche de nos activités qui a toute sa place dans notre monde actuel, conclut-il.

Bien ! C'est une belle entrée en matière, je dois bien l'avouer.

— Merci, monsieur Wellington. Merci de ne pas me tenir rigueur d'errements passés (sa lèvre tressaute, l'affaire n'est pas digérée). Merci de votre offre. Je serai ravie de vous aider !

Et de trouver quelques preuves supplémentaires pour vous achever !

— Bien ! dit-il en me tendant un dossier à mon nom.

J'ouvre la chemise et découvre un contrat correspondant à la proposition qu'il m'a faite par courrier pour m'appâter. Il est donc plus que sérieux.

Les horaires de travail sont standards.

Pas de bol, je vais bosser au trentième étage avec son fils. Ce second détail est tout de suite plus agréable que le premier, même si je ne souhaite pas m'acoquiner avec lui. Au moins, le paysage sera plus plaisant et me fera peut-être oublier la déco sanguinolente de mauvais goût.

Je suis rassurée sur l'objet du contrat. Il s'agit bien d'ouvrir une gamme de produits végétaliens chez les Wellington. Je lève la tête pour scruter le vieux et tenter d'estimer son niveau de sincérité. Pour réponse, il esquisse une drôle de banane avec ses lèvres.

Irrésistible ennemi : Une romance ennemies to lovers addictiveWhere stories live. Discover now