7 - Arthur

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Mon père a voulu négocier cette affaire, seul. J'ai laissé faire : ce n'est pas le travail qui manque et cela m'évite de perdre mon temps si finalement, cette influenceuse n'est pas intéressée.

Mon téléphone sonne et quand je décroche, je sais que c'est lui.

— Tu peux venir !

J'en souris. Alors, la nouvelle « BB » accepte de travailler chez Wellington. C'est très drôle quand on y pense. J'ai hâte de lire les termes du contrat pour découvrir ce qu'elle a réussi à négocier. Mon père est dur en affaires, mais elle, de quel bois se chauffe-t-elle ?

Je me précipite dans le bureau paternel, mais je ralentis immédiatement avant d'arriver à la porte. Un sapin de Noël trône fièrement dans un angle, ajoutant la gaieté de cette période festive et augmentant l'envie de mettre les petits plats dans les grands. Pour nous, c'est un mois faste. Je me ragaillardis à l'idée de m'acheter un nouveau bolide dont je pourrais tester les limites sur une piste.

Je respire un bon coup avant d'entrer dans l'antre de ce grand président. Prendre du recul et surtout bien évaluer cette défenseuse des temps modernes. La première impression est importante.

J'ouvre le battant et mademoiselle Beauregard se lève immédiatement, à l'affût du moindre danger. Son look vintage me saute aux yeux et me choque, car ses vêtements sont impeccables, mais clairement d'une autre époque. Je fronce les sourcils, ce n'est pas une attitude commune de porter des fripes qui ne sont pas de première main. Puis, je me souviens qu'elle n'a pas d'argent.

Est-elle pauvre à ce point ?

Elle est toute décoiffée comme si elle venait de livrer bataille ou de sortir d'un lit. La seconde image me séduit immédiatement, d'autant plus si c'est moi qui la mets dans cet état. Car ne nous le cachons pas, elle est belle, voire très belle ! Les photos sur la toile ne lui rendent pas hommage. Elle dégage une prestance et une énergie incroyables.

Mes yeux glissent sur sa silhouette. Je devine instantanément à la tenue de ses seins parfaits qu'elle ne porte pas de soutien-gorge.

Est-ce une tactique pour me mettre à ses pieds ?

Je fais une moue désapprobatrice face à cette découverte.

Cette Babette est pleine de mystère et dissimule bien plus de secrets qu'il n'y paraît.

Sa jupette évasée arrive au-dessus du genou et je suis soudain curieux de savoir ce qu'elle cache comme dessous.

Ses yeux de biche sont de la couleur chocolat, plutôt noirs, comme j'aime. Sa bouche charnue réclame des baisers, même si cette dernière est renfrognée. Je cherche déjà des moyens de la dérider. Son regard impénétrable me transperce et je cille.

Cette femme est intelligente, je ne dois pas l'oublier. Elle sort d'une des plus grosses écoles d'ingénieurs. Major de promotion en son temps d'AgroTech, elle a été à l'amorce de ceux que l'on appelle maintenant les « bifurqueurs ». Ils ont été les premiers à dénoncer le système pour proclamer que l'on ruinait la planète à un rythme intensif qui causerait notre perte. Pourquoi avoir fait une formation prestigieuse qui vous apprend à faire du rendement dans tous les domaines, ainsi que dans l'argent, si vous jetez votre diplôme à la poubelle en sortant ? Incompréhensible ! Enfin, elle n'en fait pas le secret, elle ne brandit pas son diplôme non plus ; pour autant, mademoiselle Beauregard utilise ses études pour contrer les ficelles du capitalisme.

Je replace le nœud de ma cravate. Certes, il n'avait pas bougé, mais ce simple geste m'ancre à nouveau dans mon assurance tout juste ébranlée. À la vérité, je me sens jugé par ces grands yeux dissimulés derrière ces paupières maintenant plissées.

Le bras de fer commence, et pour la première fois de ma vie, je vacille face à cette jeune femme pleine de charisme et de détermination. Comment est-ce possible ? Jamais personne ne m'a fait un tel effet !

— Babette a accepté d'être l'ambassadrice de la future gamme végane Wellington ! Voici Arthur, mon fils et coprésident, annonce mon père, fièrement.

Babette hoche la tête par courtoisie et dévoile des dents blanches parfaitement alignées. Je la découvre redoutable.

Je souris par politesse. J'observe mon père, tout heureux. Ne voit-il pas qu'il a fait entrer le loup dans la bergerie ?

— Asseyez-vous, propose-t-il.

La brunette s'installe bien droite et croise une jambe sur l'autre, dévoilant un tout petit peu de sa cuisse.

Cherche-t-elle à m'appâter ?

Je me détourne, faisant mine de l'ignorer, alors que je ne rate aucun de ses gestes.

Ses lèvres qui glissent l'une contre l'autre.

Le clignement de ses paupières, j'imagine que c'est un toc pour se recentrer.

Ses mains lissent sa jupe dont elle relève innocemment le côté. J'aperçois la couture d'un bas. Toutes sortes d'images surviennent dans mon esprit et je sais déjà qu'un porte-jarretelles tient ses voilages en place sur des cuisses galbées.

La garce !

Elle veut ma mort !

Mon père se gratte la gorge pour ramener mon attention à lui. Je fronce les sourcils et me retiens de lui dire qu'il faut tout annuler. Cette femme est le diable en personne. Sa communauté est énorme et elle nous a déjà harponnés. Je crains que les dommages grandissent et que l'on y laisse encore quelques plumes. Mieux vaudrait détourner son intérêt sur un autre empire du fric : ce n'est pas ce qui manque, et nous pourrions continuer tranquillement notre course aux dollars.

— Arthur, tu pourras faire signer le contrat dès demain matin à la première heure.

J'en suis surpris.

Pourquoi ce contretemps ?

Je lève un sourcil interrogateur.

— Nous avons renégocié certains termes, répond mon père à ma question muette.

Son front plissé m'indique que ce n'est pas à notre avantage. Quand je me tourne vers notre ambassadrice, sa mine de bandit ne me dit rien qui vaille. Elle a un sex-appeal terrible. Comment est-ce possible dans ces vêtements d'occasion d'un autre temps et avec son air négligé ?

Je soupire d'exaspération, car c'est à mes basques qu'elle va coller.

Mon père me tend les éléments des négociations et je découvre que la belle est gourmande.

Ah ouais, quand même !

Elle a réussi à quadrupler sa rémunération, enfin pas tout à fait, puisqu'elle va rester avec moi pendant deux mois.

Alors, autant en profiter...

... Autant en avoir pour son argent.

Je lui esquisse mon plus joli sourire ; j'espère que cette sauvageonne a de la ressource, car je vais abuser.

Elle va manger !

Son scandaleux salaire, elle va devoir le gagner. Elle va sentir passer le prix de sa chute.

Finalement, cela va être amusant de la renvoyer à ses contes de fées, remplis de licornes.

Irrésistible ennemi : Une romance ennemies to lovers addictiveWhere stories live. Discover now