8 - Babette

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J'ai pris feu. Je me suis presque sauvée. Je dévale à toute allure les escaliers comme si j'avais le diable aux trousses. Mon élastique tombe à force de soubresauts de mon chignon négligé. Je le ramasse et rassemble mes cheveux à la va-vite pour les rattacher.

Pas question que je reste une minute de plus dans l'antre démoniaque de la viande. Je vais devoir me taper suffisamment ces charognards. Je fulmine. Mais bon, c'est une demi-victoire, ils vont lâcher un paquet de fric et j'en suis fière. Mon cœur s'allège, je vais pouvoir payer mes dettes et retrouver mon autonomie si chèrement gagnée.

Je m'envole comme un moineau vers la liberté. Je fais à peine un signe à la jeune femme à l'accueil. Il faudra que je tâte le terrain pour découvrir si je peux m'en faire une copine de mode de vie, ou encore mieux, une fan qui me suive assidûment dans mes missions. Ce serait tellement drôle de garder un espion chez les Wellington. Les hôtesses de réception savent qui entre et qui sort, ainsi que les personnes rencontrées dans l'entreprise, parfois même des détails sur les réunions.

Me voilà repartie... chez mon ex... Ça me saoule ! Heureusement, il travaille, et je vais être tranquille pour la journée. Si seulement il pouvait avoir une sortie ce soir. Je croise les doigts, j'y pense très fort, j'en serais très contente pour lui. Je lève les yeux au ciel.

Si quelqu'un pouvait m'entendre là-haut, faut lui envoyer une invitation !

À la fin du mois, je pourrai retrouver mon appartement. Enfin, j'espère. J'ai demandé à mon ancien proprio s'il pouvait me le garder. Je lui ai assuré pouvoir payer les échéances de retard. Je rumine la lettre d'huissier, ma déconvenue. Bien évidemment, le propriétaire ne m'a rien promis. Je vais commencer à survoler les petites annonces au cas où je redoublerais de malchance. Ce serait bien ma veine, car je les accumule en ce moment.

Je regarde une dernière fois l'univers avant de m'engouffrer dans la bouche de métro.

Je donne beaucoup de ma personne pour cette planète, alors soyez plus clément en retour !

Arrivée chez Benjamin, je quitte mes chaussures pour enfiler de grosses chaussettes molletonnées. Dieu merci, aucune décoration de Noël ici. Je vérifie que mon chargeur de batterie solaire fonctionne bien. Je glisse mon téléphone dans mon enceinte en bois. Pas d'électronique, ni de Bluetooth, ni d'énergie dépensée inutilement. Juste un caisson en bois, harmonieusement pensé, quelques découpes astucieuses, et voilà que le canon de Pachelbel s'élève dans la pièce. Je m'assieds et me laisse transporter. Ce morceau de musique classique me touche au plus profond de moi-même et équilibre mon énergie. Alors, il fait son œuvre et je recharge mes batteries.

Je l'écoute deux fois à la suite et me voilà ragaillardie. Je suis prête, déterminée. Je vais bouffer ces vautours de Wellington. Je vais même n'en faire qu'une bouchée.

Finalement, cela a été aisé de faire plier le vieux. Trop facile, quand j'y repense. Je médite sur le sujet. Bien possible qu'il ait prévu une entourloupe, ce vieux renard. Comment le savoir ?

Le jeune, quant à lui, me paraît plus intéressé par mes charmes que par mes capacités intellectuelles. C'est assez classique. Je dois pouvoir le divertir et pomper innocemment quelques informations que je réutiliserai par la suite.

Pour autant, je vais rester prudente, car ces deux lascars ne sont pas des anges pour avoir mené leur empire à ce niveau. Ils gagnent du fric à la pelle et sont régulièrement dans la presse people pour les galas de charité. Quand je vois les photos que l'on m'adresse, tout cet argent gaspillé inutilement pour une rencontre de capitalistes, j'en suis écœurée. Ils ne peuvent pas simplement envoyer un chèque de sponsor ? Sont-ils obligés d'étaler leur fortune ?

Bref !

Je me relève et m'occupe de mon kéfir. Je pique quelques figues à Ben, un peu de sucre, et je remplis mon bocal d'eau filtrée. C'est moi qui ai hérité de cette colonie de champignons à notre séparation. Lui préfère acheter du kombucha. Je fais la moue. Bien sûr que cette boisson pétillante a bien des vertus. Mais il pourrait tout aussi bien la fabriquer.

Rester cool.

Garder mes forces pour les journées de travail à venir !

J'ai hâte de signer le contrat, dont je vais relire chaque détail. Pas question que je me fasse avoir comme une bleue. Je vais bosser d'arrache-pied pour leur sortir leur gamme végétalienne de gré ou de force. Après tout, ce sera finalement une autre victoire à mon actif. Je pourrai même la mettre sur mon CV et pourquoi pas vendre un service inédit ?

J'en souris. Ouais, tout va bien se passer et de nouvelles portes vont s'ouvrir sur des chemins que JE choisis.

Je me pose à nouveau sur le canapé, complètement fatiguée. Mes paupières sont lourdes. J'étends mes orteils bien au chaud dans mes chaussettes. Des images d'un bûcheron, grand, brun et costaud, en train de scier du bois s'invitent dans mon esprit. Il est torse nu et son bassin va et vient au rythme de son outil. Il a tellement chaud que sa chaleur corporelle fume de ses pectoraux gorgés de sang. Je salive. Soudain, il me regarde et laisse tomber sa hache. Quand il avance vers moi, je déglutis. Sa main trop douce caresse ma joue en feu.

Je sais que je rêve...

Pourtant, je ne veux surtout pas me réveiller. Je serre ce grand corps contre moi. Son parfum de forêt m'enivre et je perds un peu plus la raison. Au moment où je lève la tête vers lui pour l'embrasser, il me fait une moue canaille et m'entraîne vers son chalet. Je le suis, ravie. Je baisse les yeux pour savoir où je mets les pieds. Ces derniers sont nus dans la neige et je porte une nuisette ultra sexy, un truc que je n'aurai jamais ! Pourtant, je n'ai pas froid. Au contraire, je couve un brasier, un désir ardent. La porte s'ouvre devant nous. La cheminée flambe d'un feu qui résonne avec le mien. Les yeux de mon bûcheron brillent passionnément. Ma nuisette tombe à mes pieds et moi sur la peau de bête, offerte.

— Salut, Bab !

Je me réveille en sursaut, un coussin serré contre la poitrine. J'ai misérablement chaud et je bave. Crotte de bique ! Ce bûcheron, je l'ai reconnu. Ces muscles saillants dessinés me brûlent encore les rétines alors que je ne l'ai jamais vu nu. Je dérape, c'est mortel.

Je tourne la tête vers Benjamin. Mon ex est canon, mais il n'a jamais échauffé mes sens de cette façon.

— Eh bien ! C'est à se demander si tu ne t'es pas battue, dit-il en replaçant une mèche éparse derrière mon oreille.

Je déglutis, mal à l'aise après ce rêve torride.

— J'ai prévu un buddha bowl pour le dîner ! annonce-t-il fièrement.

Mmmm... Il se rappelle mes préférences. Mon ventre grogne de mécontentement. Je n'ai rien mangé de la journée. Je le suis dans la cuisine et l'aide à préparer.

Contre toute attente, je passe une bonne soirée. Je rassure Ben sur mes prochaines conditions de travail, mon plan, mes aspirations. Mentalement, il note tous les détails. Bien sûr, je tais que mon futur collègue a une allure de bûcheron et sent bon la nature. Pourquoi l'inquiéter inutilement ? Je maîtrise la situation !

Irrésistible ennemi : Une romance ennemies to lovers addictiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant