12 - Babette

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Je n'ai pas revu le charognard de la journée. Je crois que je suis en train de me mettre Françoise dans la poche. Probablement que je lui rappelle son jeune âge et ses combats. Elle est proche de la retraite. Elle aura bien mérité de s'arrêter après avoir supporté deux patrons pareils.

J'ai commencé à travailler sur ce stupide steak haché tout végétal et je rentre tranquillement, satisfaite malgré tout de ce projet. Ce dernier va me sortir une belle épine du pied et renflouer mon compte en banque. Je dois être reconnaissante. Pour le coup, ce n'est pas si simple. Ça m'égratigne un peu la peau de devoir travailler pour l'industrie alimentaire, et plus encore dans le groupe numéro deux des viandes !

Bien sûr, mon étude reste concentrée sur la branche végane. Pourtant, j'ai l'impression de trahir toutes les promesses que je me suis faites à moi-même, à mes abonnés et même à mes parents. Quant à mon discours de remise des diplômes d'AgroTech, j'en suis très loin.

Il fait déjà nuit. Décembre est le mois que j'aime le moins : les journées sont plus courtes et le déferlement de consommation de produits qui ne nous rendront même pas heureux meurtrit un peu plus mon petit cœur. La fatigue et la nuit me dépriment. Il y a tellement à faire pour changer le monde !

J'ai beau m'emmitoufler dans mon manteau et enfoncer davantage mon bonnet de laine, je me les gèle. Un regain d'énergie me saisit et je monte quatre à quatre les escaliers pour arriver à l'appartement de Ben.

Dieu merci, il habite au deuxième !

Un petit mot sur la table m'indique qu'il est bien désolé de ne pas être là ce soir. Je suis trop contente. Une soirée peinarde à ne pas me justifier de rester insensible à ses yeux doux. Peut-être que l'univers m'a entendue et lui a organisé un rencard.

À côté du petit mot, un sac en papier contient un « truc à monter ». Je devine que c'est pour occuper ma soirée. Benjamin est trop prévenant. Je reconnais les morceaux d'un kit de sapin en bois. J'en avais fabriqué un quand nous étions ensemble. Malheureusement, il n'avait pas survécu à mon déménagement. N'étant pas fan de Noël, j'avais laissé tomber cette idée de décoration.

Malgré tout, je monte les morceaux. Ce sont de belles branches travaillées, avec plus ou moins d'écorce. Au vu de l'usure, je sais qu'elles ont été ramassées et non coupées sur l'arbre. Ce petit détail me réchauffe le cœur. Je pose ce drôle de sapin sur un coin de meuble. C'est pas mal, faut bien l'avouer. Au moins, Ben pourra le ressortir l'an prochain.

Je me fais chauffer un bol de soupe que je sirote tranquillement, enveloppée dans un plaid. Je suis tellement fatiguée que je m'enfonce de plus en plus dans le canapé. Je tente de bien tenir le bol pour qu'il ne tombe pas. Je m'en voudrais de le casser. Malheureusement, mes doigts se ramollissent, mon corps devient flagada et je crois bien que je disparais.

Mercredi 3 décembre.

Quand je réapparais, j'ai la bouche pâteuse. J'ai trop chaud. Je grimace. Mon corps endolori me rappelle à l'ordre. Mi-assise, mi-couchée, j'ai encore dormi dans une drôle de position. Le bol de soupe a roulé sur le tapis, heureusement qu'il était vide.

Soudain, les brumes de mon songe me reviennent. Si j'ai si chaud, c'est parce que j'ai encore passé la nuit sur une peau de bête devant une cheminée. Je fulmine et vais immédiatement me rafraîchir l'esprit et le corps trop émoustillé par une douche glaciale.

Mais bon sang, c'est quoi cette nouvelle obsession pour les bûcherons, les chalets en bois rustiques et les peaux de bête ?!

Moi qui ne veux aucun mal à toute vie, jamais je ne me coucherai sur l'épiderme tanné d'un pauvre animal massacré !

Irrésistible ennemi : Une romance ennemies to lovers addictiveWhere stories live. Discover now