14 - Babette

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Jeudi 4 décembre.

Trois jours que nous nous tournons autour. C'est de moins en moins subtil, de plus en plus direct. Je ne me reconnais pas.

Je me comporte comme une chipie. Je le laisse m'effleurer, je lui fais croire que je suis d'accord et que je le désire (enfin, ça, c'est vrai), je l'encourage même ! À la dernière minute, je romps le charme et l'envoie balader. Il doit avoir les couilles les plus bleues que la planète ait jamais portées !

Physiquement, Arthur a envie de moi, c'est indéniable. Il bave comme un bouledogue. Non, ce n'est pas réel, mais j'essaie de me persuader qu'il est aussi laid que ce cabot.

Émotionnellement, il me déteste. Je ne peux pas l'ignorer, ça non plus. Il se comporte avec moi comme un maître avec son chien.

Je ne me soumettrai pas... Jamais !

Je n'ai pas craqué à lui refaire des doigts d'honneur, c'est indigne de moi. Ils surgissent cependant dans mon esprit tourmenté, à tour de bras.

J'ai le mental en compote à cause des nuits torrides avec mon bûcheron. Virtuellement, nous avons dû faire toutes les positions possibles et même certaines que je n'ai jamais expérimentées. Aujourd'hui, je me suis réveillée la main dans mon pyjama en train de me caresser. Quelle torture de me faire jouir silencieusement sans éveiller l'attention de Ben qui préparait le petit déjeuner. À ma décharge, je n'en pouvais plus.

Bref, ce matin, j'ai osé prendre l'ascenseur. Pendant toute la montée, j'ai demandé pardon à la planète pour cette énergie gaspillée inutilement. Néanmoins, je n'en peux plus. Mes cernes sous les yeux s'agrandissent par trop d'activités physiques et de nuits agitées. Ma hargne, elle, augmente en combativité. Je fais la « douce », mais je vais le bouffer tout cru, son père avec, ainsi que leur entreprise d'assassins.

C'est sur ces bonnes dispositions que je passe les portes de la cabine pour saluer Françoise et rejoindre mon placard. Le bureau d'Arthur est fermé, probablement qu'il se prépare à cette rude journée. J'ai remarqué qu'il avait besoin de se reprendre régulièrement pour mener à nouveau notre combat.

Lui veut éliminer les végans et moi les viandards.

Aucun de nous n'est dupe.

Nos armes sont malhonnêtes à souhait.

Nous sommes des gladiateurs des temps modernes.

La seule chose que nous ne pouvons nier est ce désir qui nous consume. Quand j'y pense, je ne comprends pas. Il est très beau, certes, mais j'exècre ses valeurs. Pour moi, il représente l'emblème du riche qui surconsomme juste parce qu'il est pété de tunes sans se demander comment ses possessions vont être recyclées.

J'allume mon ordinateur rageusement. J'ai dû apporter ma batterie solaire, car j'ai oublié de recharger mon smartphone hier. Je n'ai même plus le courage d'aller faire le tour des réseaux sociaux le soir.

Pardon, mes abonnés !

J'ouvre mon document de projet ainsi que mes catalogues papier. Je lève les yeux en pensant à toutes les restrictions qu'il a mises sur mon poste. Je ne peux plus ouvrir le moindre tableur ou logiciel de traitement de texte sans qu'une fenêtre avec les dix commandements façon Wellington s'affiche.

« Babette,

1- Vous ne regarderez strictement que ce qui concerne la création de notre branche végétalienne.

2- Vous ne poserez des questions qu'à Françoise ou moi.

3- Vous ne traiterez de votre projet secret qu'avec Wellington fils.

4- Vous ne commettrez aucune indiscrétion.

5- Vous ne parlerez à personne de ce dont vous avez connaissance entre ces murs.

6- Vous garderez votre nez de fouineuse dans vos affaires.

7- Tout manquement de votre part à l'encontre de la société Wellington mettra encore nos employés dans une instabilité financière.

8- Toute faute commise vous privera de votre salaire.

9- Vous respecterez votre contrat à la lettre sous peine d'être virée dans l'heure.

10- Et bon sang, prenez l'ascenseur, je ne veux pas avoir à planquer votre corps quelque part.

Votre dévoué Arthur ! »

Dévoué Arthur ?

Tu parles ! Quel connard !

Il sait que je n'ai pas de fric. Je suis pieds et poings liés... pour l'instant. Je suis tout de même satisfaite : il a dû bien cogiter à établir ces stupides règles rien que pour moi. Le salaud essaie de me faire culpabiliser en plus. S'il ne veut pas que ses employés pâtissent de ses erreurs, qu'il n'en commette pas. Je ne suis là que pour éveiller la conscience de mes concitoyens.

Je clique sur cette foutue fenêtre que je ne peux m'empêcher de lire tous les jours. Je deviens mon propre bourreau au contact de ce bûch... fumier !

Je mâchouille mon crayon pour faire passer mon énervement.

— Dans mon bureau !

Je sursaute devant l'invasion de ce boss à l'ego surdimensionné.

Même pas « Bonjour », ou « Comment allez-vous par cette belle journée d'hiver ? ». Non, aucune politesse. C'est de pis en pis. À ce rythme, nous allons en venir aux mains pour nous étriper et ça ne va pas être joli joli.

Je me lève à contrecœur. Nous avons nos rituels maintenant. Il fait le connard, et moi la garce. Finalement, ces rôles nous vont plutôt bien tellement ils paraissent naturels.

Il me laisse avancer devant lui. Puis, il me rattrape pour me cueillir comme une fleur. Sa main chaude s'installe dans le bas de mes reins et les épouse parfaitement. On dirait que cette main n'a été créée que pour moi.

Nan, mais je déconne !

Je me rabroue et je rassemble mes neurones éparpillés dans ma cervelle échevelée. Je suis de moins en moins peignée, ce qui l'excite au plus haut point, alors j'en abuse. Je sens toutes ces phéromones qu'il dégage au milieu de son parfum boisé. Je m'en lèche les babines et lève mon regard pour le planter dans ses beaux iris noisette pailletés de vert. Il n'y a rien à jeter dans ce mec.

Dommage qu'il soit si con !

Ses yeux accrochent les miens, puis tombent sur ma bouche, lorgnent sur mes seins. C'est affreux, mes tétons pointent, mais j'ignore le problème et la tentation de me laisser aller à un régal des sens.

Il m'accompagne jusqu'à son bureau et au moment où je m'écarte pour m'asseoir, il me retient.

— À côté de moi, chuchote-t-il à mon oreille.

Je tremble sous sa voix rauque chargée de désir. Toute à mon jeu de garce, je n'avais pas vu le piège : le fauteuil posé à côté du sien.

Crotte de bique ! Je suis mal !

Mais je ne dis rien. Je ne réagis même pas. Telle une reine, la tête haute, je me laisse escorter jusqu'à l'échafaud. Marie-Antoinette, en son temps, n'aurait pas fait mieux.

Je m'installe et croise une jambe sur l'autre, dévoilant le haut de ma cuissarde.

Prends ça dans ta face !

Il remet son nœud de cravate en place, comme chaque fois qu'un trop-plein de tension le submerge. Je le regarde, triomphante, avec un sourire mielleux pour l'abattre un peu plus.

Il peut rêver, ce con, je ne lui sauterai pas dessus.

Irrésistible ennemi : Une romance ennemies to lovers addictiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant