[FIVE] C h a r l i e

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Il était dix-neuf heures vingt-trois et Raven n'était toujours pas sortie de la salle 102, dans laquelle elle avait élu domicile après m'avoir assassiné du regard. Je trouvais que ce qui était drôle, chez elle, c'est qu'à un moment, elle corrigeait votre copie pour éviter le quatre en littérature, et trente minutes après, elle vous faisait la tête comme si vous aviez tué sa mère. Peut-être que sa mère était un mauvais exemple, cela dit. Mais j'étais assez mal placé pour me mêler de ce genre de choses.

Elle a fini par sortir, la tête haute, le dos droit, des éclairs dans les prunelles, et comme ça m'amusait, j'ai fait pareil. Se rendait-elle compte à quel point elle était plus marrante qu'autre chose ? Je ne me souvenais même plus pourquoi elle avait cette attitude. Elle a levé les yeux au ciel.

— J'ai faim, a-t-elle simplement dit.

J'ai eu envie de lui dire un truc bien énervant, juste pour la voir fulminer. Mais j'ai fini par me reprendre. Il ne valait mieux pas attiser les tensions si nous restions vraiment ici durant quatorze jours.

Elle a ramené sa chevelure rousse en un chignon décoiffé, ce qui a fait apparaître sa nuque blanche. Je n'avais jamais vu sa nuque, elle laisse toujours ses cheveux bien lissés et détachés, sans aucune fantaisie. Et ça me faisait bizarre, sans vraiment savoir pourquoi. Ce n'était pas la première nuque que je voyais. Je ne savais même pas pourquoi je faisais une fixation sur une simple nuque. Mais c'était Raven, l'intello, et c'était étrange. Pas qu'elle n'ait pas le droit d'avoir une nuque comme tout le monde, bien sûr. Quoique, c'aurait été marrant. Mais revenons-en aux faits, je ne pouvais expliquer ma réaction.

— On peut aller en salle des profs, si tu veux, il y a des biscuits et des sucreries. Et du thé et café. Beaucoup de café, d'ailleurs. À croire qu'ils ont peur de s'endormir, ai-je proposé.

Sois plus sympa, Charlie, un effort.

Non. Je n'avais pas envie de faire des efforts pour elle, finalement.

Elle a laissé échapper un sourire mais s'est vite reprise, embarrassée.

— Si tu veux. Mais il ne faut pas beaucoup manger parce que... Nous allons rester coincés ici durant deux semaines.

J'ai hoché la tête. Je venais à peine de me rendre compte du temps que nous allions passer ensemble, et ça ne me faisait absolument pas peur. Au contraire, j'avais hâte. Bizarre, quand on y pense. Mais c'était différent de d'habitude, ça cassait la routine, c'était excitant.

— Oh, c'est évident. Viens.

Je l'ai conduite à travers les couloirs du lycée – qui ne sont pas si nombreux, finalement – et nous sommes arrivés dans la salle. C'est à ce moment-là que j'ai vu ce quelque chose dans son regard. Je pensais que ce n'était rien, qu'une illusion. Pourtant, cette fois-ci, ce n'était plus de l'inquiétude, de la colère et de la haine que je pouvais observer dans ses iris. Ces émotions étaient recouvertes par un déluge d'autres. Elle se sentait coupable, sûrement, de voler. Elle était incertaine, je ne savais pas trop de quoi. Et, surtout, je pouvais distinguer de la tendresse et l'envie de rester ici longtemps.

Alors, comme je le fais à chaque fois qu'une situation m'échappe, j'ai souri d'un air narquois, sourire que Raven a dû voir puisqu'elle a rougi et s'est retournée. Ça m'a rassuré, en quelque sorte. Je n'avais pas perdu mon charme.

Elle a vidé le petit frigidaire de la salle des profs et a choisi ce qu'elle souhaitait manger. J'ai grimacé en voyant autant de choses saines d'un coup. Jamais je n'en avais vu autant. À croire qu'elle avait laissé tout ce qui est meilleur de côté, afin de se torturer volontairement.

Est-ce que de la torture volontaire est appelée de la torture ?

Non, ce doit être du masochisme.

Raven était masochiste.

Elle a ensuite fermé la porte du frigidaire sans rien me proposer. Je faisais face à une gamine déterminée à bouder.

J'ai soupiré. Quand j'ai dit que j'aurais préféré être en compagnie de Deborah plutôt qu'elle, c'était faux. Deborah aurait passé son temps à tenter de m'embrasser, alors que Raven... Elle était différente, libre, intriguante. Et, point à ne pas laisser passer, cela l'importait peu d'avoir ou non mon corps pour elle seule.

Enfin, pour le moment, elle était juste en train de me faire la tête, et j'étais obligé d'aller me chercher de quoi manger.

Elle est sortie de la pièce sans un mot et j'ai pris un paquet de chips et un Coca – ne me demandez pas pourquoi il y avait ça dans une salle des profs, je n'en avais aucune idée. Les profs peuvent être des personnes si géniales et si étranges, parfois. Surtout, ils partageaient la nourriture, ce que je ne saurais faire, personnellement. Non, je n'étais pas égoïste, je voulais simplement un culte à tout ce qui pouvait être mangé.

Je suis sorti à mon tour de la pièce et suis tombé sur Raven. Évidemment. Elle ne pouvait pas être rentrée dans sa chère salle 102. Elle a tourné la tête vers moi.

— Tu me suis ou quoi ? a-t-elle grogné tel un ours des cavernes.

Non, je vis ma vie, t'es pas le centre du monde.

— Non.

Pourquoi je n'ai pas dit ce que je pensais ? J'en brûlais, pourtant. Aucune idée.

— Alors, euh, sors !

La crédibilité et l'autorité à l'état pur, cette fille.

— Le lycée ne t'appartient pas, ai-je soupiré, excédé.

J'avais vraiment la flemme de me disputer encore une fois avec elle. Elle m'énervait tellement, c'était fou ! Finalement, j'aurais vraiment préféré être avec Deborah. Elle n'était pas aussi pénible, elle. Enfin si, mais différemment. Je préférerais. Elle ne me tenait pas tête.

— Alors, rentre, Wheeler. Reviens dans la salle des profs.

— Mais t'es chiante toi au bout d'un moment ! Je reste ici si je le souhaite, je ne pense pas que tu sois devenue la reine du monde ! Si t'es parano, tu n'as qu'à retourner dans ta salle 102 et me foutre la paix ! ai-je explosé. Elle abusait un peu trop de son pouvoir d'intellectuelle.

Elle a soutenu mon regard durant quelques secondes – sûrement sa façon à elle de me signifier qu'elle n'abandonnera pas la bataille avant de gagner.

— Je te hais, Wheeler.

— T'inquiète, moi aussi, Raven.

Elle est partie en courant et, bien sûr, je n'ai pas pris la peine de la suivre.

~Plagiat interdit~

≈1050 mots

Publication le 26/04/23

|Hey, j'espère que vous allez bien et que vous avez aimé ce chapitre ! Comme il est plutôt court et que j'ai reçu plein d'avis positifs (merci infiniment !), Je poste deux chapitres aujourd'hui, donc on se rejoint au chapitre 6 ! J'en ferai de même pendant les deux semaines qui suivent car je suis en vacances. Bisous ! ✨|

Seulement deux SemainesWhere stories live. Discover now