[SEVENTEEN] L e n a

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La première chose à laquelle j'ai pensé en me réveillant ce matin, c'est que j'avais mal au ventre. Et, réflexe de toute femme à qui ça arrive, j'ai tout de suite compris que j'avais mes règles.

Jusque là, ce n'était pas vraiment intéressant, cela faisait un peu moins de quatre ans que ça m'arrivait tous les mois. Aucune raison de s'inquiéter, en somme.

Et puis, j'ai pris conscience d'un paramètre important. Je n'avais aucune protection dans mon sac. Rien. Absolument rien. Le vide intersidéral dans ma pochette prévue à cet effet. 

Et là, j'ai commencé à paniquer.

C'est ainsi que maintenant, deux heures plus tard, je suis limite en train de faire une crise de panique à l'idée que je me promène dans le lycée, et que j'y rencontre Wheeler, toute tâchée de sang. Même si j'exagèrais légèrement sur la quantité, qui, dans ma tête, semblait à peu près égale à celle d'une bouteille d'eau.

J'aurais pu tenter la méthode du papier toilette – méthode qui ne marche qu'une fois sur cinq, en passant –, mais compte tenu d'une vielle expérience datant de ma troisième, et dont je ne tenais pas particulièrement à me rappeler, je savais parfaitement que ça ne marcherait pas. 

La veille, j'avais changé mon tailleur et mon jean que j'ai troqués contre des vêtements de sport trouvés dans mon casier. Mauvaise idée. Des vêtements propres auraient été les bienvenus.

J'ai respiré un grand coup. Ça va. Ce n'était que Wheeler. Et la dernière fois que je l'avais vu, il s'était passé quelque chose de plus qu'ambigü. Mais sinon, il était humain, et même en étant un garçon, il pourrait comprendre ma gêne. Il ne ferait aucun commentaire déplacé, n'est-ce pas ? 

J'avais presque décidé de sortir lorsque la voix de Wheeler m'a ramenée sur Terre, et je me suis rendue compte que c'était impossible.

RAV ! Ça va ? Tu ne descends pas petit-déjeuner, tu as un problème ?

Pourquoi fallait-il que j'aime autant manger ? Pourquoi fallait-il que Wheeler s'en soit rendu compte ? Et surtout, pourquoi avait-il l'air si gentil ?

— Ça va ! ai-je dit le plus bas possible, en priant pour qu'il ne m'entende pas.

Au moins, on ne pourrait pas dire que je n'ai pas répondu, non ?

J'ai entendu des pas dans les escaliers. Il n'allait pas lâcher l'affaire. Punaise. Qu'est-ce que je n'aurais pas fait pour être dans une autre situation à un autre endroit, et à un autre moment ! Pourtant, il s'approchait de la salle 102 et allait bientôt découvrir les toilettes. Après, je devrais lui servir une excuse improbable pour qu'il me laisse tranquille pendant cinq jours. Et j'étais une piètre menteuse.

J'ai commencé à réfléchir à une solution. Il me fallait une maladie, mais laquelle ? Je ne pouvais pas m'abaisser à prétendre des problèmes gastriques.

Alors quoi ? Une grippe ? Trop long. Une gastro ? Trop court. 

Mes connaissances en maladies étaient clairement limitées, malgré le fait que mes parents veuillent que je sois médecin. Je n'avais toujours pas trouvé d'idée quand il a toqué à la porte de ma cabine.

— Rav ? Je sais que tu es là, j'ai vu tes chaussures sous la porte.

J'aurais pu dire plein de choses. J'aurais pu faire plein de choses. Pourtant, tout ce qui m'a traversé l'esprit, c'était :

— Tu as regardé sous ma porte.

— Ouais. (Il a dû se rendre compte que quelque chose car il a enchaîné :) Mais je n'ai rien vu, hein, ne t'inquiète pas ! Maintenant... Je sais qu'il y a quelque chose qui ne va pas. C'est pas normal, de s'enfermer dans des toilettes pendant une matinée. Tu veux bien m'en parler ?

Je me suis demandée s'il avait compris. Je suppose que oui, puisqu'il a attendu quelques minutes pour me laisser la parole, mais devant mon mutisme, il a continué :

— OK, alors on a trois solutions ; soit tu es en train de pleurer pour je ne sais quelle raison, et tu as choisi les toilettes pour y pleurer parce que c'est la première chose à laquelle tu as pensé (mais c'est une très mauvaise idée étant donné que tout le monde fait ça), soit tu es malade, mais dans ce cas tu pourrais tout-à-fait sortir, et la dernière solution est que tu as tes règles. Personnellement, je vote pour la troisième, et toi ? J'espère avoir pu t'aider, préviens-moi quand tu décides de répondre.

J'ai ouvert grand les yeux. Perspicace, le Wheeler. J'ai demandé d'une voix tremblante pour je ne sais quelle raison.

— Comment tu sais ?

Il a eu la délicatesse de ne pas demander de quoi je parlais.

— Je je sais pas si tu es au courant, mais j'ai une sœur.

Je ne l'avais jamais vue, ou du moins je n'avais jamais fait attention à elle. Sûrement était-elle plus jeune que moi.

— Ah bon ? Je veux dire...

— Tu peux sortir, hein. Ce sera peut-être plus facile pour discuter, non ?

— Si.

J'ai enroulé ma veste de sport autour de ma taille et j'ai quitté ma cabine. Il était posé contre un mur en face et, lorsque je me suis présentée à lui, il n'a pas parlé pendant une longue minute. Il a finalement dit, légèrement mal à l'aise :

— Tu ne devrais pas en avoir honte. C'est, euh, naturel.

Je ne sais pas si c'est ce jour-là que je suis vraiment tombée amoureuse de lui, ou avant, ou après, mais je sais que mon estime de lui a fait un pic énorme dans ma tête à ces paroles.

— On peut aller à l'infirmerie, si tu veux. Elle doit avoir de quoi te protéger.

L'infirmerie. Je n'y avais pas pensé. Je me suis sentie bête, tout à coup, mais je n'ai rien laissé paraître et l'ai suivi jusqu'à la salle en question. Apparemment, Mr. Stones avait oublié d'éteindre la musique car une douce mélodie s'échappait de la pièce. J'ai reconnu Chopin dans les notes. 

— Voilà, je te laisse chercher. Je t'attends ici.

Il s'est assis sur un fauteuil permettant d'attendre que le patient précédent ait fini sa consultation, et je me suis engouffrée dans le bureau de l'infirmier.

Je n'étais jamais allée à l'infirmerie, même si Heaven semblait y avoir payé un abonnement annuel. Elle était plutôt petite, agréable. Le bureau de Mr. Stones était parsemé de milliers de fiches qu'il ne paraissait pas avoir rangées depuis un millénaire. Devant, deux fauteuils en bois verni et d'une couleur orange-jaune pas franchement jolie. Et puis, à gauche, se trouvaient des étagères où s'entassaient magazines sur les drogues, l'alcool et la contraception, boîtes contenant des vitamines et des sucres, barres chocolatées, Doliprane, Spasfon et, dans un coin, ce que je cherchais. 

J'ai attrapé à la hâte quelques serviettes et suis sortie de la pièce, dans laquelle la musique semblait avoir été éteinte, puisque Chopin ne jouait plus. Wheeler est retourné dans sa salle, et je me suis rendue aux toilettes pour me changer. 

Quand j'ai eu fini, je suis sortie. Wheeler m'attendait en 102.


~Plagiat interdit~

≈1190 mots

Publication le 21/05/23.

|Hey, petit chapitre sans tabous because ça commence à m'énerver que, même dans les livres où le personnage principal est une fille et raconte sa vie, on ne parle jamais de ce genre de trucs. Alors, au risque de passer pour gênante, j'en parle, et je m'en fous de votre avis hehe . Cordialement, votre reine ✨|

Seulement deux SemainesWhere stories live. Discover now