[EIGHT] L e n a

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Cela faisait plus de deux heures que j'étais au CDI, à ne rien faire. Enfin, si, j'ai feuilleté quelques livres qui m'ont paru très peu intéressants. J'ai tenté d'envoyer un message à ma mère, mais, évidemment, pas de réseau. Je n'arrêtais pas de penser, de réfléchir, et ça me rendait amère. Sans prévenir, sans me demander mon avis, Wheeler s'était mis à occuper toutes mes pensées, mes songes et mes rêves – oui, en deux heures, je m'étais endormie compte tenu de ma nuit plus que légère.

J'ai soupiré en reposant le deuxième tome de Phobos de Victor Dixen. Pas moyen de me concentrer ne serais-ce qu'une seconde. En presque trois ans dans cette école, j'avais eu le temps de lire tous les livres de la bibliothèque. Je les connaissais presque tous par cœur, et pourtant, les répliques de Léonor, le personnage principal, ne venaient pas, je n'arrivais pas à réfléchir, ni à m'imaginer l'espace sans y voir le visage de Charlie Wheeler.

Je j'ai grommelé dans le vide de m'arrêter, mais j'imaginais Wheeler partout où j'étais. Il avait sans doute été là cette nuit, pour profiter des coussins à disposition. Psychopathe

— Ah, on pense à quelqu'un par ici.

J'ai immédiatement sursauté et j'ai failli me taper quand je me suis demandé de qui il s'agissait. De temps en temps, j'étais vraiment bête. Il ne pouvait pas y avoir quelqu'un d'autre que lui, la seule personne que je verrais durant les deux prochaines semaines, tout simplement.

— Non, pas du tout, ai-je dit avec une voix beaucoup trop aiguë pour qu'elle soit crédible.

Qu'est-ce qui n'allait pas, chez moi, à la fin ? Pourquoi étais-je aussi étrange ? L'enfermement me rendait totalement folle.

— Tu penses à qui ?

Il s'est assis à côté de moi et je me suis un peu éloignée par réflexe.

— On t'a déjà dit que t'étais lourd ? Je t'ai dit que je ne pensais à personne.

Menteuse, chuchotait une voix dans ma tête, que j'aurais bien aimé taire juste un moment. Je ne pouvais pas m'empêcher d'être froide en sa compagnie. Pas question de lui faire l'honneur de profiter de ma bonne humeur.

— Alors oui, on me l'a déjà dit, mais c'est plus marrant quand c'est toi, Raven.

J'ai senti le rouge me monter aux joues. Il était insupportable. 

La question étant ; pourquoi je rougissais ?

— Et ensuite, c'est faux, parce que tu parles dans le vide et ça, sans vouloir te vexer, c'est bizarre.

J'ai rougi à un point où je pouvais sentir mon épiderme brûler. Lena, reprends-toi et demande-lui le plus important.

— Depuis combien de temps tu me regardes ? Cinq minutes ?

C'était déjà beaucoup.

— A peu près vingt minutes, a-t-il corrigé, ce qui a eu don de me provoquer un million de sensations dans le ventre. Le temps de comprendre à peu près de qui il s'agissait.  

Pourquoi tu réagis comme ça, Lena ?

J'avais envie de crier à mon cerveau de se taire une bonne fois pour toutes.

— Pourquoi tu me demandes, alors ? ai-je répliqué, tentant d'oublier ma tornade intérieure et ma potentielle crise cardiaque tant mon cœur battait vite.

— Parce que, j'ai envie de t'entendre le dire. Et, a-t-il ajouté avec un regard de défi, je sais que tu ne le feras jamais par pure gêne.

J'ai enroulé un de mes doigts autour d'une mèche rebelle en me demandant pourquoi je faisais ça, et pourquoi je continuais à répondre.

Tu le sais, a murmuré la voix.

Mais tais-toi, bon sang !

Sauf que, pour une des rares fois où c'était le cas, la voix avait complètement tort. Je ne savais pas.

— Allez, Raven, dis-le.

— Je pensais à toi, ai-je dit sans vraiment être consciente que je le disais. 

Qu'est-ce qui clochait, chez moi ? Pourquoi toutes mes barrières tombaient ? Il fallait que je lui tienne tête. Il fallait que...

— Tu vois que ce n'est pas compliqué ! s'est-il exclamé.

— Ouais.

Faux. La voix s'est encore manifestée, pour une fois pour me féliciter. 

— J'ai une autre question.

Biiiiiip, l'alarme dans ma tête m'a avertie que c'était mauvais signe. J'aurais dû l'écouter.

— Je t'écoute.

— Pourquoi pensais-tu à moi ? J'en suis très touché, mais j'ai besoin de savoir.

Mon cœur s'est emballé comme pour me donner la réponse lorsque ses yeux se sont plantés dans les miens. Je me suis sentie bête, tout d'un coup. Ce n'était pas moi qui étais censée être l'intello ?

Je me serais bien crié dessus, mais l'objet de mon désaccord intra-corporel était en face de moi et attendait probablement depuis une minute une réponse.

— Parce qu'il n'y a que toi à des kilomètres à la ronde.

Il a esquissé son sourire narquois et s'est éloigné de moi, ce qui m'a permis de respirer à peu près normalement. J'ai refermé brutalement le livre que je tenais un peu plus tôt dans mes mains – pauvre livre –, Wheeler a posé ses yeux clairs sur mes doigts crispés et les a relevés presque immédiatement.

Il s'est retourné avec un regard que je n'ai pas su interpréter et est sorti de la bibliothèque.

Je suis restée assise, le cœur battant comme jamais et une sensation agréable partout dans mon corps.


~Plagiat interdit~

≈850 mots

Publication le 01/05/23.

|Rendez-vous au prochain chapitre, comme promis ^^|

Seulement deux SemainesWhere stories live. Discover now