[NINETEEN] L e n a

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Non. Absolument pas. On ne va pas parler de ce qu'il s'est passé dans le couloir des toilettes des filles. Ça se résume en un seul mot :

Gênant.

Je ne savais vraiment pas ce qu'il m'avait pris de faire ça, mais je ne regrettais pas. De toute façon, ce n'était pas comme si j'étais allée réellement trop loin. Même si je n'avais jamais fait ça. Il ne s'était quasiment rien passé, en fin de compte. Mais au moins, c'était moi qui avais été à l'origine de ce geste, et pas lui. On pouvait dire que j'avais fait le premier pas, non ?

Essayant en vain de ne plus y penser, je me suis dirigée vers les douches et me suis empressée de rentrer dans l'une d'entre elles. L'espace était plutôt réduit mais je suis parvenue à me déshabiller et allumer le jet d'eau. Celle-ci n'était pas très chaude, et je supposais qu'elle risquerait de rapidement tourner au froid, mais la sensation sur mon corps, à laquelle je n'avais pas goûté depuis plusieurs jours, étai  parfaite.

En effet, je n'avais pas pris de douche depuis que nous étions enfermés ici, car que je ne savais pas que Wheeler possédait la clef de l'entrée du gymnase. J'avais quand même réussi à passer de l'eau sur mon visage tout en priant pour que mon déodorant fasse effet, mais rien ne valait une douche bien froide pour décolorer mes joues et me rafraîchir. Mais surtout pour décolorer mes joues, évidemment.

Je ne crois pas que j'ai mis beaucoup de temps pour me laver, mais j'ai largement eu le temps de réfléchir. Je suis sortie de la cabine et, évidemment, je me suis cogné le pied contre le radiateur. La pire douleur. J'entendais presque mon petit orteil pousser des cris d'agonie. J'ai grommelé quelque chose que je n'ai moi-même pas compris et j'ai commencé à me brosser les cheveux. 

Ce « séjour » partait vraiment n'importe comment. Pourquoi notre lycée ne respectait-il pas les sept jours réglementaires imposés par l'État ? Pourquoi les vacances ici duraient quinze jours ? Pourquoi Mr. Jones, le proviseur, était aussi peu à cheval sur les règles mises en place par le gouvernement ?

Était-on vraiment obligés de rester à l'intérieur ou y avait-il un moyen de sortir de là que je ne connaissais pas ?

Au fond, je savais bien que je ne voulais pas vraiment partir. C'était si nouveau ! Il m'était impossible d'imaginer une vie après ça. J'étais si bien, ici, malgré mes quelques différends avec Wheeler ! Imaginer mon père et ma mère à mon retour me provoquait des frissons d'angoisse. Ou peut-être que c'était à cause de...

— Wheeler ?

J'ai immédiatement attrapé un serviette de bain et j'ai entouré mon corps avec. Il était là, à la porte, accoudé contre l'encadrement.

— Dégage de là espèce de gros pervers ! ai-je crié.

J'avais peut-être un peu exagéré. Mais quand même !

Il a souri avec le même sourire que d'habitude, quoiqu'il était étrangement gêné. Or, Wheeler et « gêne » étaient deux concepts très différents. Des contraires, en somme.

Il a levé les mains en l'air comme s'il était pris au piège. J'ai levé les yeux au ciel tout en continuant de tenir la serviette.

— Calme-toi, Rav, je viens juste de rentrer ! Je ne pensais pas que tu serais, euh, sortie.

— Soit tu te fous de moi, soit tu es débile. Tu préfères quoi ?

— Vraiment ? Je préfère être débile, alors.

Je me suis sentie rougir, mais j'ai fait comme si de rien n'était. Quand bien même la discrétion et moi faisions dix-mille, ces temps-ci.

— Est-il que tu as vu... Certaines choses ? j'ai demandé, rouge jusqu'aux oreilles.

— Pas vraiment. (Il a recommencé avec son sourire narquois.) Mais j'ai eu le temps d'admettre que t'avais un beau corps sous tes tailleurs moches.

— Tu trouves que mes tailleurs sont moches ? 

Oui, très beau changement de sujet, je sais.

— Ouais, trop ! Ils font trop... femme. Par contre, si tu cherches à changer de style vestimentaire, je serais très honoré de te prêter un des décolletés de Deborah, en attendant !

— Wheeler !

— Desolé, Rav, a-t-il dit avec malice. Mais la proposition tient toujours.

— Bon, maintenant, est-ce que tu peux sortir ? Tu pourras aller à la douche juste après moi. 

— Tu es sûre ? Je peux rester, si tu veux, au cas où tu fasses un AVC tellement ton cœur bat fort quand je suis à côté de toi.

Il avait lancé ça sur un ton banal. Moi, j'ai littéralement perdu le contrôle de moi-même. Mon pouls s'est accéléré, une chaleur que seul Wheeler pouvait provoquer s'est emparée de mon corps, j'ai dû me racler la gorge pour parler à peu près normalement. Il était probable que je finisse vraiment par faire un AVC. Mais inutile de lui en faire part.

— Justement, si tu te trouves plus loin, je n'aurai aucun risque de crise cardiaque. C'est mieux pour tous les deux.

— Dis Rav chérie ? 

— Encore un surnom ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Je commençais à croire que la fausse mauvaise humeur était l'arme parfaite contre les sentiments trop forts (et les potentiels risques d'arrêt cardiaque).

— Oui, ça te va bien, non ? a-t-il fait dans un sourire narquois.

— Ça dépend du point de vue.

— Ouais bon. En tous cas, j'ai une question.

— Laquelle ?

Il à effacé la distance de lui à moi jusqu'à rester à un mètre à peine de mon corps.

— Tu ne serais pas en train de perdre le pari ?

Non. Je ne perdais pas le pari. Non. Non. J'essayais de m'en persuader mentalement, mais ça sonnait bizarrement faux.

— J-jamais Wheeler.

Totalement crédible, Lena. Félicitations, vraiment. Tu mériterais un Oscar.

— Dommage, j'aurais cru.

Je me suis demandée comment l'ambiance avait pu changer aussi vite. J'aimais cela, au fond. Ou peut-être que non, je ne savais même plus.

Mais je n'ai pas eu le temps de réfléchir plus longtemps, il a fait comme moi quelques dizaines de minutes auparavant. Il a frôlé mes lèvres et a disparu de la salle des douches, laissant le feux sur ma bouche et une impression de manque grandissant de seconde en seconde.

~Plagiat interdit~

≈1005 mots

Publication le 31/05/23.

|Vous sentez cette odeur ? Oui oui, ça sent le rapprochement UwU|

Seulement deux SemainesWhere stories live. Discover now