Chapitre 17

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L'eau du lac a comme un goût de sang dans ma bouche, lorsque j'y trempe ma tête et que je me retrouve à boire la tasse. Parce que, sous l'eau, en train de faire semblant de me noyer, mes pensées se resserrent sur ma survie et non sur ce qu'il vient de se passer. 

Pourtant, j'ai toujours ma main droite scotchée au ponton en bois mouillé, parce que mon autre main pourrait me faire chavirer. Toujours là pour me rappeler ce que je rêve d'oublier.

Théa doit penser que je suis en train de battre un record d'apnée, puisqu'elle commence à m'imiter faire trempette, tournant autour de moi et prenant une grande inspiration avant de plonger dans les fonds marins. Esther, autour de nous comme un vautour, ne veut pas nager et préfère discuter avec nous, en tailleur sur le ponton.

— Ruben gagne la première manche ! dit-elle, presque insouciante.

Je me demande ce qu'il se passe dans leur tête. 

Parce que, moi, je n'y vois que le visage d'André et Odette, me zieutant comme un beau bout de viande crue et me susurrant à l'oreille des mots que j'aimerais effacer de ma mémoire. Va savoir ce qu'ils auraient fait de ma petite tête : cuisinée dans un plat assaisonné aux ongles tordus ou transformée en trophée pour leur cave flippante. Erinn m'a éduqué là-dessus, tous les types bizarres ont des caves flippantes et eux ne seront pas l'exception. 

"Nous pourrons reparler à notre enfant, même très bientôt."

Je suis pas leur putain de gosse.

J'ai juste envie de pleurer.

— C'est pas juste, répond Théa en se rapprochant du ponton. Tu veux essayer, Esther ?

Elle lui attrape les mains et lui sourit, les cheveux complètement trempés et tombant le long de son dos. Ils ne risquent pas de prendre trop longtemps pour sécher, vu le soleil éclatant qui nous est réservé. Quant à Esther, elle rapproche sa tête de l'eau pour observer la bête, puis lâche un regard furtif vers moi avant de répondre.

— Sans façon, mais je peux rester la seule et unique juge de vos jeux.

— Comme tu voudras.

Théa lui fait un baiser sur les mains avant de retourner vers moi.

L'eau brille de mille éclats.

En regard aux alentours, je n'y vois qu'une grande étendue d'eau que je ne peux pas explorer. Tous les autres pourraient se baigner tout là-bas, découvrir des trésors enfouis et revenir glorieux sans se soucier de perdre l'équilibre. Ils pourraient aussi aller dans la forêt et monter à vélo sans pour autant causer leur perte. Je regarde mes pieds dans l'eau, dansant au rythme des vagues, en sachant pertinemment que je resterai accroché au ponton même s'ils partaient à l'aventure. Il n'y a que moi, le vilain canard, qui a une main prisonnière d'une attelle. 

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