𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖉𝖊𝖚𝖝

379 49 18
                                    


Nouvelle soirée au Sangeo pour moi. J'y suis depuis environ deux heures, et il est proche de vingt-trois heures. Normalement, nous devons arriver en avance pour préparer les tables, mais je me suis retrouvé en retard en voulant aider Jimin avec ses devoirs. Même si je n'ai pas été d'une très grande aide puisque j'ai arrêté mes études tôt, juste après le lycée en vérité, pour pouvoir travailler et ainsi avoir une source de revenus, j'ai quand même réussi à corriger ses exercices.

Souvent, Jimin m'assure que lui aussi prendra un travail pour m'aider. Je le lui ai interdit, mais il est bientôt majeur, et je sais que je n'ai pas une réelle autorité sur lui. Malgré ça, nous avons toujours veillé l'un sur l'autre. Je ne veux pas qu'il abandonne ses études, il doit avoir la chance de pouvoir s'en sortir. Depuis que j'ai ce boulot, j'économise un maximum pour pouvoir les lui payer, quitte à nous serrer la ceinture. Mais c'est mon devoir de grand-frère. Je ferais tout pour lui, tout.

Cela ne fait que deux heures que le club est ouvert et pourtant, il est presque déjà plein, même si nous sommes en plein milieu de semaine. Je ne sais pas ce que font ces gens pour pouvoir sortir tous les soirs et dépenser la somme de mon salaire en une soirée. D'un côté, je les envie énormément, mais d'un autre, pas tant que ça. J'ai des valeurs qu'eux n'ont pas, et qu'ils n'auront sans doute jamais.

Mon plateau sur la paume de ma main, je valse entre les tables, et ramasse pas mal de billets de pourboire. Si la somme n'est pas beaucoup sur chaque table, elle monte rapidement une fois toutes rassemblées. Depuis le début de la soirée, je n'ai eu à devoir aller servir que les tables proches de la piste de danse, ce qui veut dire qu'aucune personne influente n'est encore arrivée, ou n'a commandé. J'ai encore du temps pour me préparer psychologiquement. C'est vraiment dur mentalement d'affronter des personnes capables de réduire votre vie en poussière en un seul claquement de doigt. Et je ne parle pas seulement des mafieux. Les politiques sont coriaces et vraiment spéciaux.

Parce que contrairement aux mafieux, ils se pensent tout permis tout simplement grâce à leur place dans la hiérarchie de la société coréenne. Après tout, ils sont sur les plus hauts échelons de l'échelle sociale.

Derrière le bar, Chaerin me fait signe de venir vers elle. Je pose mon plateau devant elle, et elle y dépose plusieurs verres remplis à ras-bord qui doivent chacun coûter la peau des fesses, ainsi qu'un ticket avec l'addition, astucieux caché dans une petite boîte en métal noir. Au loin, j'aperçois Mara, un plateau sur la main, servir des clients installés aux tables non-séparées. Chanyeol est dans le même secteur qu'elle, et tous les deux affichent des sourires aux clients, bien qu'ils soient faux.

« Table dix. » dit-elle avec un soupir amer. « Ils ont amené des clients, des politiques à ce qu'il paraît. Alors s'il-te-plaît, fais attention à toi, d'accord ? Sois prudent, Kook'. »

Elle pose pendant quelques secondes sa main sur la mienne avant de se détourner pour aller servir d'autres clients au bar qui attendent et qui semble s'impatienter. J'ai presque la sensation d'aller à l'abattoir de mon plein gré. Cette sensation est vraiment désagréable et angoissante ; elle te prend les tripes et te les serre très fort. Le cœur lourd et les jambes tremblantes, je me dirige silencieusement vers la table dix. Comme à son habitude, un garde du corps est devant les rideaux, ses gros bras croisés sur son imposant torse. Lui, c'est la première fois que je vois, ce n'est pas l'un des gardes du corps habituels qui gardent l'entrée. C'est peut-être celui desdits clients ?

En me voyant, moi, frêle serveur, il esquisse un sourire moqueur à peine dissimulé, pour ne pas dire pas du tout, avant d'ouvrir le pan d'un des rideaux. Je m'avance doucement, tenant à peine debout à cause de la peur qui coule dans mes veines. Je n'ai qu'une envie : déguerpir de là, et fissa-fissa. Bien que la musique soit moins forte, elle semble tambouriner contre mes tempes. Un coup d'arme à feu passerait totalement inaperçu. Et bizarrement, cette pensée me donne soudainement des sueurs froides.

Pour une fois, les rideaux qui séparent la table dix de la neuf sont ouverts, et les deux groupes discutent entre eux. D'un côté, les quatre mafieux les plus dangereux du pays, et sûrement du continent, et de l'autre, les politiques les plus populaires et influents du moment en Corée du Sud. Tout ça me donne envie de vomir. Leur conversation s'arrête net, et tous me regardent comme si je venais d'une autre planète. Ce qui est sûrement le cas, vu le fossé gigantesque qui sépare nos situations. Prenant le soin de ne croiser le regard de personne, je m'approche de la table dix, et dépose doucement les verres au centre, puis la petite boîte carrée.

« Votre commande, messieurs. »

Mince, ma voix tremble. L'un d'eux le remarque, puisqu'il hausse un sourcil, amusé. Je suis à deux doigts de me faire pipi dessus, et ce n'est pas une blague. Et puis, pourquoi est-ce qu'il a fallu que mes vêtements soient aussi moulants ?! J'ai l'impression d'être un mouton devant une meute de loups.

Tout d'abord, le premier. Il se fait appeler Zico, et d'après la rumeur, sait manier les armes depuis qu'il est gosse ; il ne manque jamais sa cible, même si elle se trouve loin de lui. Le deuxième n'est autre que G-Dragon, un mercenaire avide de sang. Le troisième est RM, qui est spécialisé dans les drogues, et qui est sûrement le mafieux le plus important après V parce qu'il est son bras-droit. Ils sont tous capables de tuer un homme de sang-froid et de manipuler les gens de la pire des manière qui soit pour obtenir ce qu'ils veulent.

Mais le plus dangereux est de loin V. Personne n'a jamais vu son visage, et je doute que ses acolytes l'aient vu un jour. Il porte un masque blanc ovale couvrant l'entièreté de son visage et de ses cheveux, qui sont plaqués en arrière. Au niveau de ses lèvres est dessiné un grand sourire noir qui remonte pratiquement jusqu'à ses oreilles, et deux fines et longues fentes noires servent de trous pour ses yeux. Son masque est vraiment effrayant, et pourtant, sans vraiment que je sache pourquoi, il attire énormément mon attention.

« Tu le vends à combien ton cul, gamin ? » me hèle l'un des politiques.

le masque du tigre +vkookWhere stories live. Discover now