𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖘𝖎𝖝

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Nouvelle soirée au Sangeo, encore une fois. Nous sommes désormais samedi, c'est-à-dire le dernier jour de ma très longue et épuisante semaine. C'est la première fois où je me sens vraiment épuisé, au point d'avoir des vertiges à chaque pas. La veille, je suis tombé malade en rentrant du travail à cause de la pluie. À vrai dire, j'avais extrêmement chaud, et je ne m'étais pas couvert pour sortir. Résultat, je me suis réveillé avec de la fièvre et du mal à marcher. Jimin a absolument tenu à ce que je reste me reposer, au moins aujourd'hui pour avoir le week-end complet, mais c'est impossible. Mon patron est très strict sur les horaires, et je sais parfaitement que si je ne m'étais pas pointé ce soir, j'aurais pu dire au revoir à mon boulot.

Et j'ai trop besoin d'argent pour perdre mon travail.

Aujourd'hui, ou plutôt ce soir, je me suis habillé tout en noir. J'ai l'impression de ressembler à un ange déchu. Je suis le genre de personne à passer des heures dans la salle de bain ou devant mon armoire. Je prête beaucoup de soin à mon apparence, et malgré moi, je sais que c'est en partie à cause, ou grâce, à la présence de V. C'est plus fort que moi, je ressens ce besoin de lui plaire, alors même que je ne sais pas de qui il s'agit. Je n'ai jamais vu son visage et pourtant, je me sens diablement attiré par lui.

Je me sens aussi terriblement stupide.

Ce n'est qu'une passade, je finirais bien par me désintéresser de lui.

J'ai beaucoup de mal à marcher droit, et je manque à plusieurs reprises de faire tomber les verres posés sur mon plateau. Et je n'ai vraiment pas intérêt à faire une seule casse, sinon elle sera déduite de mon salaire. Je dois avant-tout penser à Jimin. Mon cœur se serre, et je mords plutôt violemment ma lèvre inférieure. Avec ce travail, je le vois beaucoup moins qu'avant, et il me manque énormément. Cela fait très longtemps que nous n'avons pas fait de sorties tous les deux, ou même passer un peu de temps ensemble. Je passe la majorité de mon temps ici, ou alors je dors pour récupérer, et lui va au lycée la journée.

« Jungkook ? »

Chaerin agite désespérément sa main devant moi, voyant que je ne réagis pas depuis plusieurs minutes. La salle est pleine, la musique est bien trop forte pour nos oreilles à tous, et cela n'arrange en rien mon état, qui semble s'empirer de minute en minute. Mon front est brûlant, je le sens sans même poser ma main dessus, et mes jambes tremblent si fort que je dois me retenir au comptoir pour ne pas me vautrer vulgairement au sol.

« Bon sang, mais qu'est-ce qui t'arrive ? » demande-t-elle, inquiète pour moi.

À ce même moment, Mara arrive derrière-moi, et la jeune femme en profite pour poser les verres sur le plateau, glissant la note sous l'un d'eux, ne me quittant pas du regard. Son attitude attire l'attention de la nouvelle arrivante, qui se tourne vers moi, les sourcils froncés.

« Désolée Kook', mais t'as une sale tronche. »

« Merci, c'est sympa. » ricané-je quand même.

Elle pose sa main sur mon front, ne prenant pas la peine de rire avec moi, et grimace :

« Tu es bouillant. Pourquoi est-ce que tu es venu ? »

« J'ai pas le choix, ma belle. »

Ses épaules retombent mollement. Elle sait que je n'ai pas le choix. Son visage s'empreint d'une immense tristesse, et elle pose une main douce sur la mienne, agrippée au bord du bar. Les jointures de mes phalanges sont blanches. Chaerin me souffle de faire attention et doit s'éloigner pour servir un client impatient et visiblement désagréable. Mara finit par poser un léger baiser sur ma joue, en toute amitié, et me murmure avant de reprendre son service :

« Fais attention à toi, s'il-te-plaît. J'ai des médicaments, si jamais, d'accord ? »

Je hoche la tête. En travaillant ici, j'ai fait des rencontres incroyables. Les deux jeunes filles sont ce qui se rapprochent le plus de petites sœurs pour moi, même si parfois, souvent à vrai dire, elles me maternent un peu trop. Mais comme cela leur fait plaisir, je ne dis jamais rien. Cela me fait du bien de savoir que je compte pour plusieurs personnes.

J'essuie mon front avec le dos de ma main, et je sens un frisson courir le long de ma colonne vertébrale. Il n'est que vingt-deux heures, autant dire que je suis en début de service, et que ce dernier n'est pas prêt du tout de se terminer. Je place correctement le plateau sur ma paume, et me glisse lentement dans la foule du club, serrant les dents à m'en faire mal. Il faut que je garde le contact de la réalité. Allez, ce n'est qu'une soirée de toute façon, pas vrai ?

La table dix n'a pas encore commandé. À vrai dire, aucune personne importante n'est encore arrivée. Mon cœur bat un peu plus vite lorsque j'aperçois les rideaux. Une personne est morte derrière eux, la nuit dernière. Ce politique était un pur connard et dans un sens je suis satisfait qu'il soit mort. Il allait m'agresser, sûrement me violer, et je n'ose même pas penser aux personnes avec qui il a réussi à aller jusqu'au bout. C'est évident que ce n'était pas la première fois qu'il faisait ça, il était beaucoup trop à l'aise. Toutefois, cela reste un meurtre, et que la balle soit passée si proche de ma tête me fait froid dans le dos. Et la nonchalance avec laquelle a tiré V... il était certain de son coup. S'il l'avait loupé, ce serait moi qui serais mort.

Bon sang, j'aurais pu mourir hier. Que serait devenu Jimin ? Bien sûr, j'ai des économies, mais... ça n'aurait pas été suffisant pour ses études. Et il se serait retrouvé seul, face au reste du monde. Et ça, il est hors de question que cela arrive. 

le masque du tigre +vkookOnde histórias criam vida. Descubra agora