𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖖𝖚𝖆𝖙𝖗𝖊

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Je suis toujours sous le choc à cause du meurtre qui vient de se dérouler sous mes yeux. La scène ne cesse de repasser devant mes yeux ; le bruit de l'arme, le trou fumant entre ses yeux, son corps qui tombe au sol comme une poupée désarticulée... la peur habitant ses prunelles. Il a joué avec le feu, et il s'est embrasé entièrement. Je ne sais pas où ils vont mettre le corps. Après tout, ce politicien était apprécié par la population et assez populaire, alors sa disparition ne va pas passer inaperçue.

Malgré moi, je sens toujours ses doigts autour de mon poignet. Pas ceux du macchabée, bien au contraire. Ceux de V. La douceur de ses doigts de pianiste sur ma peau, son petit rire qu'il a émis en me regardant... j'ai vu ses yeux. Ils semblaient si brillants. Comme ceux d'un enfant, alors qu'il venait de tuer une personne quelques secondes avant. Il m'a protégé. S'il n'était pas là, ce sale type m'aurait sûrement traîné dans les toilettes du club pour faire son affaire, sans mon consentement. L'espace d'un instant, j'ai eu l'impression d'être important aux yeux du gangster. Sérieusement, quel mafieux protège un type qu'il ne connait pas ? Je ne suis rien pour lui, après tout, juste un simple serveur qui apporte chaque soir, ou presque, leur commande. Bon sang, il ne connaît même pas mon nom, et il vient de tuer un homme pour moi !

Les jambes encore tremblantes, mais cette fois-ci pas par la fatigue, je me dirige à contre-cœur vers le bar, pour remplir une nouvelle fois mon plateau, bien que le cœur n'y soit absolument pas. Je marche lentement entre les corps qui dansent entre eux. La musique est bien trop forte et pourtant, je ne l'entends pas. La lumière est basse, tamisée, et donne un air presque surnaturel à la piste de danse. La voix de Kris Wu résonne étrangement bien dans la pièce. Moi aussi, pour une fois, j'aimerais me laisser aller comme eux, mais je ne peux pas. Un jour, peut-être, mais pas pour l'instant.

« Hé, Kook', ça va ? On dirait que t'as vu un fantôme. » commente Chaerin en posant des verres sur mon plateau.

Non, je viens simplement d'assister à un meurtre. Dans le fond, j'aurais sûrement préféré voir un fantôme plutôt qu'un homme mort à mes pieds, mais bon. Chacun son délire, j'imagine. La jeune femme me confie le numéro de la table, et j'y vais directement, combattant mentalement mon envie de jeter un œil aux rideaux que je viens de quitter. Si j'étais curieux concernant les quatre mafieux, surtout V, je le suis encore plus, désormais. Je n'arrête pas d'y réfléchir, mais rien ne me semble logique dans le comportement de ce dernier. Que personne ne me fasse croire que ce type est un super-héros ou une connerie du genre : il a fait bien plus d'horreurs que quiconque ne peut l'imaginer.

Il est dangereux, beaucoup plus que les trois autres. Et si je l'intéresse, alors je suis potentiellement dans la merde. Bon sang, mais à quoi je pense ? Moi, l'intéresser ? N'importe quoi. Il a simplement dû avoir pitié de moi. Il faut que j'arrête de penser à tout ça.

Du coin de l'œil, je vois Mara qui a rejoint Chaerin derrière le bar pour l'aider un peu. Les personnes ne cessent de s'agglutiner au comptoir, et même avec de l'aide, le bar ne se désemplit pas.

Le patron a commencé quelques travaux, dans la salle principale. Un épais rideau opaque les cache, et personne ne sait vraiment ce qui se trame derrière ce dernier. Qu'est-ce qu'il a bien pu inventer, encore ? Je n'ose même pas imaginer ce qu'il peut bien se passer dans sa tête.

« Ne t'inquiète pas, je suis juste... un peu fatigué. » soufflé-je en haussant les épaules.

Pas du tout, je suis juste encore sous le choc, et sans doute un poil traumatisé aussi. C'est pas tous les jours où l'on assiste à un meurtre de sang-froid. Bien sûr que j'ai déjà vu des personnes se faire tuer, mais dans des films ou des séries, pas dans la vraie vie ! Parce dans la réalité, cette personne est réellement morte, et l'acteur ne se relèvera pas après le tournage de la scène.

Je repars donc directement pour éviter ses questions, parce que je n'ai pas vraiment envie de m'étendre sur ce que je viens de vivre. Je me rends compte que, ce soir, j'ai failli me faire violer, ou même tuer. Que serait devenu Jimin si V n'était pas intervenu ? Ou si ce dernier avait manqué sa cible, et m'avait touché ? Est-ce qu'ils auraient balancé mon corps dans les poubelles du club ? On en a retrouvé un, la dernière fois, et je me rappelle que le club a fermé pendant une semaine, le temps que les policiers mènent l'enquête. Bien évidement, au bout de sept jours, ils ont fermé l'enquête en déclarant un suicide, bien que tout le monde sache qu'il s'agissait d'un meurtre.

Je souffle un grand coup pour me reprendre. Inutile de ressasser des histoires pareilles, surtout en plein service. Ça ne va faire que me déconcentrer, alors ce n'est pas la peine. Rapidement, j'arrive à la table VIP, dépose les verres, m'incline, et rejoins une nouvelle fois le bar. Ma nuit ne se résume qu'à faire des aller-retours, d'ailleurs. C'est un peu ennuyant, mais bon. C'est le travail. Et le travail, ça paie. Et j'ai vraiment besoin d'argent, surtout pour Jimin et son futur. Je veux qu'il puisse s'en sortir dans la vie, pas comme moi.

« Repose-toi un peu au bar, Kook', t'es épuisé. » constate Chaerin. « T'as servi toutes les commandes. »

C'est vrai que pendant une heure, j'ai enchaîné les services. Enfin, mon corps l'a fait, en mode automatique, parce que ma conscience était sûrement trop loin pour le contrôler d'elle-même. J'essuie une goutte de sueur qui perle à mon front, et tente me ventiler un peu avec les pans ouverts de ma chemise, au niveau du col. Je sue, littéralement. J'ai vraiment très chaud, et je ne me sens pas très bien.

« Je vais aux toilettes. » annoncé-je avant de tourner les talons.

Je ne peux définitivement pas rester dans cet état-là. Heureusement pour nous, le personnel possède des toilettes privées, qui communiquent avec les vestiaires. Pas besoin d'aller faire un bain de foule dans les toilettes publiques, et me perdre en supplément. Je n'ai plus la patience, ce soir. J'ai besoin de me concentrer un petit moment sur moi-même, et pas sur ce qui m'entoure.

le masque du tigre +vkookWhere stories live. Discover now