Chapitre I - Toi

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Le 1er mai de cette année.

Mon cher journal... Euh, non. A toi qui me lis... Non, ça ne va pas. Mon confident ? Mon ami ? Ah, que c'est niais... Hum. Bon. Toi. Toi, c'est bien. Ca ne s'adresse à personne en particulier, alors ça ira. Maintenant il faut que je cesse de tout barrer, ou l'encre va me pourrir les doigts, et les pages avec.

Voilà. Comme je ne savais pas trop quoi indiquer pour la date, j'ai mis ce que je voulais. Je voudrais qu'il fasse beau, alors on est en mai. Je ne sais pas trop par où commencer, et j'ai vraiment l'impression d'être une gamine de quatorze ans en chaleur, oppressée par ses angoisses pubères... J'ai horreur de ça. Il n'empêche que la page blanche, c'est effrayant pour tout le monde, alors on va essayer de combler ce vide, toi et moi. Enfin, juste moi. Et mon crayon. Bah, cesses tes palabres et écris, couillon. Évites les idioties, ça ne s'effacera pas, après.

Donc.

Récemment, je regardais la télé, activité partiellement décente et centre de mes occupations depuis que j'ai perdu mon nouveau boulot il y a quelques semaines –Ô joie- et j'y ai vu un documentaire sur les alcooliques, les dépressifs, et tout ce joyeux petit monde aux prises avec leurs problèmes, leur propre vie, se débattant bec et ongles pour retrouver un semblant de dignité et d'estime de soi.

Enfin, tu me diras, y'a plus gaie comme façon de s'occuper. J'observais donc avec le plus grand intérêt ce documentaire qui passait à un horaire pas possible et, alors que j'étais en travers du canapé à mâchouiller des vieux restes de pop-corn, une gentille demoiselle en fond sonore nous a gratifié de ces précieux conseils pour lutter contre les angoisses et le manque ou même un moyen efficace de combattre un quelconque trouble, qu'il soit physique ou moral.

Intrigué, j'époussetais donc les miettes échouées sur mon peignoir cintré et augmentait le son du poste, tendant l'oreille, en espérant pouvoir trouver une solution à mon problème. Et la prétendue solution, aussi bête soit-elle, était d'écrire. Tenir un journal, poser ses sentiments sur le papier, ses ressentis, ses peurs, ses angoisses. Tenir un crayon entre ses mains, d'après elle, permettait petit à petit d'échapper un instant à tous ses problèmes et à un moment ou à un autre, de se confronter à ses vérités dans l'acceptation et l'harmonie. Putain de discours hippie. Au début, j'ai bien ri. Je crois même que je me suis étouffé avec mon pop-corn. C'est après l'émission que mon cerveau s'est sérieusement mis à cogiter ces paroles, et que je me suis retrouvé avec un problème de fierté évidente sur les bras. Est-ce que je devais essayer, rien qu'une fois, de tenir un journal ? Juste pour voir ce que ça fait ? Si ça marche ? Est-ce qu'un jour quelqu'un finirait par le lire, comme dans les films ? Oui, mais tenir un journal intime, c'est pour les filles, les adolescents en manque d'écoute. Je ne suis pas comme ça, moi. Au fond, est-ce que je sais ce que je suis vraiment ? Peut-être bien que j'en ai besoin, de ce truc... Au bout d'une heure, J'ai fini par me dire que ça coutait rien, et que je pouvais bien faire l'effort, pour moi-même. Juste pour raconter. Pour m'expliquer, me creuser la cervelle, le corps, le cœur.

Pour comprendre ce qui n'allait pas, chez moi.


Kingdom Hearts - Tu Colores mon ÂmeWhere stories live. Discover now