Chapitre 20 - Ars Gratia Artis

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Le 23 juillet de cette année. J'suis sûr qu'il fait beau, la nuit.

« Roxas ! –je gueule, au travers de l'appart'- Tu ressens la lumière de mes fringues ? »

Un craquement du sol, une baisse de température de la pièce. Un courant d'air froid.

« Et Roxas ouvrit l'unique fenêtre de l'atelier. Et Axel vit qu'il était nu. »

« Bon sang, ça caille ! »

Instinctivement, mes bras se sont refermés sur mes épaules, bloquant le trajet des courants d'air, empêchant quelconque accès à la chaleur que je renferme. Ca pèle, c'est clair. Alors que je mime un claquement de dents convainquant, meilleur acteur qu'un Inuit en hiver, mes tympans captent son approche feutrée : il avance. Le vent siffle, les rouages couinent, le papier se froisse, et vole. Quelque chose roule, entre en contact avec mon pied. Je le repousse. Le monde est en effervescence continue, depuis mon « réveil ». Chaque son, chaque onde, chaque pulsation. Tout est bruyant, tout bruisse, résonne, claque, grince. Tout prend vie, à la lumière des âmes. Comme lorsque j'écoutais la télé, seul chez moi, il y a de cela une petite éternité. Un simple temps. Ça parait si loin. Le Temps est traître, nom d'un chien !

C'est une sorte de nouveau départ. Un départ noir, une chute dans le vide, un saut dont seule l'attache solide vous accroche par les hanches avec force, vous tirant vers la Réalité tout en vous enfonçant dans le rêve. J'ai un peu mal à la pensée, mais ça va mieux. La preuve, je fais de l'humour. La Matrone, elle me disait toujours que pour faire rire, fallait avoir une bonne raison d'être triste. Ouais, le rire, souvent ça cache une grande tristesse.

Moi, je suis triste d'avant.

Elle, d'ailleurs, ne riait jamais. Jamais de son vrai rire de femme. C'était toujours un rire aigre, un peu aigu, un peu nerveux. Un gloussement de gorge qui raillait sa beauté naturelle, et qui nous faisait tous grincer des dents. Avec mon père, on le montrait pas, mais on se marrait. On lui a jamais dit, et de toute manière, je crois qu'elle s'en tamponnait royalement.

Même si la brume, sous la courbe de ses cils, n'était jamais aussi forte que quand elle nous regardait ricaner, derrière elle.

« Tu vas attraper froid, Adam. Habilles toi. »

Le courant d'air se prolonge, mais Il est tout près, maintenant. Vu la légèreté de son pied, il doit slalomer entre des choses et d'autres, zigzaguer jusqu'à moi, dansant malgré lui un ballet du désordre. Je me demande bien ce qu'il y a parterre, maintenant que je suis debout...

Tendant les bras devant moi, me voilà à la recherche d'un tissu, ou d'une main qui me refilerais, hypothétiquement, mon tas de fringues sales. J'avance un peu, guidé à l'oreille, précautionneux, prudent. Le parquet, ouais, c'est du parquet, gémit sous mes pas. Si je suis plus maigre que le blondinet, y'a pas à dire : ici, c'est pas moi qui vais me déplacer comme une gazelle gracile.

« Hé, Axel ! Réflexes ? »

Oh, non.

Mauvais plan. Mauvais plan, Roxas.

Je vais le tuer. Depuis ce matin, on dirait qu'il s'amuse. Si auparavant il m'a paru un minimum inquiet de la situation, attristé même, plein d'espoir, presque romantique, le voilà qui se fout à présent ouvertement de ma gueule. Un Ange, ça ? Mon cul. Je l'écoute sourire dans tous les coins de la pièce, même pas besoin d'avoir un radar à lumière pour savoir où il est.

Et intérieurement, j'en ris. Parce qu'on se charrie ensemble, construisant l'air de rien une complicité nouvelle. C'est comme si tout paraissait plus léger, moins grave, alors qu'on sait tous les deux à quel point ça l'est. Certes, beaucoup moins que le cas des petits Africains qui bouffent pas au Kenya, ou celui des ours polaires qui se les gèlent pendant qu'on fait fondre leur milieu naturel. Mais, hé. L'Axel domestique est un être individualiste, et puis, si j'écris ce satané journal, c'est pas pour défendre les causes écologiques.

Kingdom Hearts - Tu Colores mon ÂmeNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ