Chapitre 17 - Désir Glacé

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Le 20 août de cette année. Très, très, très tard. Trop tard.

Des fois, je me demande si on a ce qu'on mérite. Est-ce que je mérite d'être comme je suis. Est-ce qu'on le mérite. Tous.

Sauf toi. T'es un journal. T'existes pas, à proprement parler. Donc tu t'en tamponnes royalement les castagnettes. Que tu n'as pas. Mais passons l'éponge sur cette question existentielle, et qui n'a pas lieu d'être. Parce que je suis assis dans une baignoire. Comme les mioches, pour le bain.

Et quand on prend un bain, on se pose pas de questions. Simple maxime. Sauf que là, je suis dans une foutue baignoire. Chez Roxas. Avec Roxas.

Et que l'eau est glacée.

« C'est le moyen le plus efficace pour dessouler, Axel. Alors tu te déshabilles, tu rentres là-dedans, et tu fermes ta bouche. »

J'ai presque obéis, trop bancal pour protester, trop cassé pour agir.

Suite à sa fameuse question, j'avais pas moufté, pas ris, pas gueulé. On a traversé son entrée, tournant vers la gauche, un bras en suspension entre nos deux matières corporelles. Un long couloir restreint à l'ouverture, gris et blanc, le genre de couloir où tu n'aperçois plus tes pieds avant d'allumer la lumière, nous a accueillis sans broncher. Enfin, on a tous deux débouchés dans sa salle de bain, un agréable local aux courbes spacieuses, où était creusée une magnifique fenêtre ciselée.

De là, on voyait toute la ville. J'avais jamais vu autant de petites lumières allumées.

Les immeubles élevés vers le ciel pollué se battaient entre eux, se mouvant ensemble sous la pupille diluée de mes yeux, créant dans le ciel nébuleux des tâches noires percées de blanc. On voyait si bien, et j'étais si bourré. J'ai rêvé, un moment.

Jusqu'à ce que Roxas prenne les devants, dans mon dos.

« Tu peux dormir là, mais avant, 'faut te laver. Viens. »

Il m'a trainé, Roxas, enlaçant sa main éternellement tiède à la mienne. Est-ce qu'il aime me toucher ? J'ai mis un pied devant l'autre, le cou tordu dans l'espoir d'apercevoir encore un bout de ciel, l'esprit très embrumé. Et ce n'étais pas la faute de l'alcool, en fin de compte.

Mon cerveau se mettait juste en branle, analysant cette soirée de fond en comble, passant de l'escalier au câlin, du câlin au bar, du bar à la gerbe, de la gerbe à la question.

De la question à la salle de bain.

« Hé, blondie. Tu te fous de moi, avec ta baignoire. »

« Non. »

Il avait les doigts levés vers le robinet, la pression de l'eau inondant ses mains, tandis que le lourd giclement du liquide tapissait la pièce avec des bruits sourds de cascade. Un peu de buée se mit ensuite à cristalliser la vitre, couvrant les rebords de ridicules couches cotonneuses blanches et mitées, alors que je montrais l'objet de l'index, sceptique malgré mon état d'ébriété avancé.

Et Roxas, dans toute sa splendeur mutine, avec la grâce d'un pistolet calibre 2LR claquant au milieu d'une symphonie-opéra de Wagner, ma lentement fusillé du regard. Même ses cernes sombres accentuaient l'effet charbonneux de ses yeux, et j'ai juste pu déglutir en me flagellant intérieurement devant sa beauté terrifiante.

« Ce n'est, en effet, pas le meilleur moyen pour dessoûler. Mais tu pues. Et il est hors de question que je change les draps demain. Maintenant, tu grimpe et, par pitié, tu te tais. »

Quel enfoiré. J'ai tiqué, un peu à court d'arguments valables, sans pour autant mâcher ma fierté. Ok, c'est véridique, je schlingue. Mais à quoi il s'attendait ? A l'odeur ultra virile et délicate du Bleu de Chanel ? Plantant mes iris dans les siens, j'ai esquissé un mauvais sourire, l'œil empli de l'étincelle des défis louches qu'on se lance à soi-même en fin de soirée arrosée.

Kingdom Hearts - Tu Colores mon ÂmeWhere stories live. Discover now