Chapitre 18 - Colorful Mind

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Hey ! Après une pause vacances sans WI-FI, TCÂ reprend ! Je voudrais préciser que ce chapitre contient un lime (ou une scène psychiquement érotique). Si vous ne souhaitez pas la lire, libre à vous de ne lire que la fin du chapitre, signalée par ce petit signe : [x]. Merci à tous, passez de bonnes vacances !

Bisous, Ya.

***

J'ai oublié le temps.

Vois-tu ce tableau dont la peinture est écaillée ? Cet être griffé au couteau, plongé dans la térébenthine huileuse, au bord du verre presque transparent, un peu tâché, mal dilué ? Il est gris, cet être. Il a toujours espéré être plus, ou il a fait semblant d'espérer. En fait, il n'a jamais fait d'effort pour être coloré. Jamais. Alors il est resté sur le bord, comme un essai raté qu'on a honte de retoucher, qu'on range à l'arrière du placard, derrière les brosses et les pinceaux séchés. Il n'est plus exposé, à la vue de personne.

Et toi, peintre à l'âme colorée, tu l'as sorti du placard. Tu as soufflé dessus, faisant coulisser tes ongles ronds sur le bord de sa carcasse de toile, avec précaution. Comme s'il s'agissait d'une œuvre d'art, tu as pris tes couteaux, tu l'as imaginé, enrobant son être de ton regard nouveau. Avait-il pour toi quelque chose de précieux ? Séché, grisâtre, corné, ce tableau n'avait pas plus de valeur que d'autres. Son absence de couleurs, son verni décollé, son ensemble terni par la vie, l'habitude d'être oublié, d'être rangé, en a-t-il fait quelque chose digne d'intérêt ? C'est la question que je te pose. Tu n'y réponds pas.

La nuit du placard était bien différente. Ton esprit coloré a fait mal à cette œuvre, qui souffrait d'être à nouveau exhibée, après tant d'absence de lumière. Elle a peur d'être changée, elle se replie dans sa coquille de teintures toutes plus fades les unes que les autres, alors que tu grattes sa surface avec le dos de ton pinceau. Tu veux sans doute percer son secret, son mystère, mystère qui n'est dû qu'à l'absence même de secret. Tu veux la rendre belle, différente, nouvelle ? Tes yeux d'artiste jaugent sa valeur, et elle n'a pas de prix. Sans demander l'avis de cette toile, tu déchiquettes la première couche de peinture, dévoilant une technique oubliée, et qui n'existe plus.

Puis tu l'amènes dans ton atelier, tu lui montres ton talent et ta vie. Et l'œuvre oublie qu'elle n'est que déchet, esquisse ratée. Elle espère à nouveau, désire être révélée par tes doigts, pouvoir devenir un jour la toile encadrée quelque part, et dont les mille couleurs brillantes contrasteraient sur la blancheur du mur.

Roxas, ton âme est colorée. Je suis une peinture. L'œuvre, c'est moi ?

J'ai du mal à y croire.

Ta baignoire est un bocal, un pilier de sculpture. Ta bouche souffle le verre de mon corps, agrippant la brûlure orangée de ma langue, gonflant la bulle de mon être. Je ne suis pas fait pour ça, et je vais me briser. Tes mains changent de prise, ton mental change d'avis, tes doigts modèlent donc l'argile de mon cœur, exploitant toutes les possibilités artistiques. Tu veux faire de moi une statue de marbre, mais je suis glissant. La matière est trop granuleuse, et je refuse d'être ce que je ne suis pas. Tu te lèves alors, m'extirpe de ce bocal, brise le verre et reprend ton souffle. C'est trop de travail, de changer une croûte telle que moi, hein ?

Je suis un tableau gris, pleins de bosses, cents nuances. Avec et sans, cent fois plus sombre, cent fois plus craquelé. Tu ne pourras rien faire de moi. Mais tu t'obstines. Ta main attrape mon côté, me sors du bocal, observe ce que je pourrais bien être. Artiste, tu souris, une idée germant dans ta tête aux milles couleurs. Tu me traines quelque part, un endroit dont je n'ai rien à foutre. Je ne te connais pas assez, tu n'es pas mon créateur.

Pourquoi es-tu si proche ? Que veux-tu faire de moi ?

Ici, la lumière est idéale, tu songes. Je suis sûr que tu vois une lumière quelque part, quelque chose de beau. Mais pour moi, tout est ténèbres. Il n'y a que ce désir nitescent qui fait crépiter la surface du tableau, et qui agrippe tes épaules de peintre, dans un filtre presque coloré. Tu es celui qui changera le destin de l'œuvre. Peut-être ? J'en ai la sensation intime, foutrement désastreuse. Je sais que je t'aime. On ne peut se séparer de celui qui voit en nous ce que l'on ne veut pas voir, parce qu'il sait. Tu sais les couleurs dont je pourrais me parer, ses couleurs que tu me donneras, et qui feront que je serais beau. Le tableau parfait ne peut être regardé que par tes yeux, et je veux que tu me regardes, que tu me contemples, comme tu le fais maintenant. Tu as un sourire blanc, le bord des lèvres couvert d'ombres, les cheveux marbrés d'une kyrielle de nuances obombrées, le corps ouvert et doux au toucher.

Kingdom Hearts - Tu Colores mon ÂmeWhere stories live. Discover now