À L'ombre D'un Regard

CHAPITRE 28

Comme d'habitude depuis quelques temps, c'est l'esprit et le cœur lourd que Nathanaël ouvrit la porte de sa chambre. Chaque nuit était devenue un vrai calvaire. La journée il pouvait faire semblant, se noyer dans les aspects les plus sombres de son travail, trouvé une personne qui serait son punching-ball si nécessaire, car ainsi il pouvait espérer ne pas penser à ce jour où il avait joué au lâche. Ce jour où il avait renoncé sans se battre, ce jour où il l'avait perdu en un clin d'œil.

Mais une fois la nuit tombée, une fois qu'il se retrouvait ici, seul, c'est comme s'il ressentait sa présence partout autour de lui. La jeune femme était devenue telle une ombre hantant Nathanaël, et contre cette ombre, le Shadow n’y pouvait rien.

- Mais qu'est-ce que je peux être con, grognant Nathanaël en tapant son poing sur la paroi de la douche.
Chaque jour il se disait la même chose à ce même endroit. Chaque nuit il répétait que demain il irait la voir, et chaque jour il ne faisait rien.

En colère, Nathanaël s'apprêtait à s'installer dans son lit pour y broyer son lot quotidien de mélancolie et d'amertume, quand il regarda le côté opposé du lit, l’endroit où elle avait dormi avec lui. Les mâchoires serrées, il fit fi de la pression qui lui broyait un organe qu’il croyait défectueux, et s’allongea.

Tout comme son âme, la pièce était dorénavant revêtue les vêtements sombre de l'obscurité. Les yeux grands ouverts fixant le plafond Nathanaël luttait avec cette insomnie qui était devenue son partenaire, jusqu'à ce que ce dernier daigne enfin lui accorder ses quatre heures de répit.

À 4h35, il se réveilla brusquement après avoir fait un magnifique rêve qui a ses yeux était aussi un cauchemar.

Même rêver d'elle est douloureux.
Au même moment, le vibreur de son téléphone retentit, lui signalant ainsi l'arrivée d'un nouveau mail. Dans un mouvement brusque, et maladroit, Nathanaël tendit son bras pour le récupérer, mais en lieu et place du téléphone, il fit tomber l'unique portrait d'Ada qu'il avait en sa possession, et l'objet se brisa dans un bruit sec.

Il avait réussi à obtenir ce cliché d'elle au travers de l'homme qu'il avait assigné à la sécurité d'Ada. La photographie représentait la jeune femme en train de marcher au bord de la route avec les yeux perdus dans le vide, et les cheveux au vent. À chaque fois qu'il la regardait, il se demandait ce à quoi elle pouvait bien penser au moment où on l'avait prise.

Cette journée commence décidément très mal.

Comme toutes les autres d'ailleurs...

Nathanaël descendit du lit, alluma, et d'un geste lent, il récupéra la photo de la jeune femme qu'il fixa avec un regard reflétant une profonde douleur. La regarder était la première chose qu'il faisait à son réveil depuis plusieurs jours, et il la trouvait toujours aussi belle que la nuit où il l'avait rencontré. Cette nuit qui avait changé leurs vies à tout jamais. 

Le portrait en main il se dirigea vers la fenêtre de sa chambre.

En regardant bien on pouvait voir les lumières de la ville scintiller au loin.
Ces habitants devaient être heureux, au-moins un plus que lui il ne l'était. Le bonheur, Nathanaël n'avait jamais su ce que c'était. Et il y'a bien longtemps qu'il avait arrêté d'imaginer à quoi il ressemblait. Mais depuis qu'elle était partie, depuis qu'il l'avait laissé partir, il avait la conviction que plus jamais il ne saurait à quoi ça ressemblait. Elle avait tout emportée.

Campant à sa fenêtre comme un soldat de la garde anglaise, il regarda le soleil se lever, et commencer son ascension dans le ciel. Il n'avait envie de rien, ou plutôt il évitait de penser à ce à quoi il avait envie. Il détestait voir celui qui il était devenu. Comment un homme tel que lui, un homme que tous craignaient dans leur milieu, un homme qui incarnait le cauchemar vivant de beaucoup de personnes, un homme qui, aux yeux de plusieurs, était le symbole même de la mort, oui, comment un homme comme ça, a pu devenir celui qu'il était depuis quelques temps ?