OCTOBRE - CHAPITRE QUATORZE

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Le joint passa de main en main, arrivant déjà bien entamé dans les doigts frigorifiés de Judi. Le tabac fit grimacer le jeune garçon, sentant le goût repoussant brûler sa gorge, alors même que la contenance de drogue dans la feuille slim l'atténuait. Au contact de la fumée qui chatouillait ses amygdales, il toussa, puis tira une seconde latte avant de faire circuler le papier jauni.

Le vent frais balayait ses mèches brunes qui descendaient à présent sur ses yeux. Ses amis, placés en rond autour de la table de jardin décorée de lanternes en forme de citrouille, riaient devant les danses folles et sans retenues des jeunes filles dans le salon. Derrière la baie vitrée, aucune d'elles ne soupçonnait la dizaine de paires d'yeux, au regard amusé, qui les suivait à chacun de leur mouvement. Un défilé de déguisements et maquillages d'Halloween plus ou moins réussis se pavanait sur la piste de danse improvisée. La lumière éclatante du lampadaire laissait apparaître leurs silhouettes houleuses tandis qu'elles, elles ne voyaient que leur frétillant reflet se mouvoir dans l'obscurité.

Entre les volutes d'une jupe de sorcière trop courte et les claquements de mains au rythme de la musique, Judi poussa un long soupir. Les décolletés, aux courbes généreusement mises en avant, ne surpassaient pas le petit grain de beauté qui surplombait avec délicatesse la poitrine qui hantait ses pensées.

On lui tendit alors un verre qui empestait la menthe. Il l'agrippa un peu trop fort, perdant petit à petit le contrôle de ses mouvements. Le fin plastique se froissa à son contact et quelques gouttes du liquide alcoolisé vinrent mouiller son gant. Pour l'occasion, il avait demandé à sa mère de lui en acheter avec un motif de squelette.

À l'intérieur, les garçons avaient rejoint le ballet de corps se mouvant au son d'un bon vieux rock. Judi se prêta rapidement au jeu, laissant échapper la vague d'énergie qui était montée en lui. Ses pieds s'emmêlèrent, son cœur s'affola et ses bras se levèrent au rythme lancinant de la musique. Il perdit plusieurs fois l'équilibre avant de se rattraper maladroitement dans un sourire penaud.  

Le paquet de Camel se vidait un peu plus à chaque passage du garçon sur la terrasse, jusqu'à que la dernière cigarette s'écrase dans le petit cendrier improvisé et à présent plein à craquer. La chaise crissa lorsqu'il s'étala dessus comme un poids mort, après avoir négligemment balancé la petite boîte en carton derrière un buisson. Le jardin s'était vidé. La musique avait ralenti. Minuit était passé et la fin de soirée s'annonçait.

Il essayait de calmer les mouvements incessants et torturants de son cerveau qui cognait contre la paroi osseuse de son crâne, lorsqu'une main se posa sur son épaule.

« Tu vas bien ? » demanda une petite brune en robe de mariée, tachetée de faux sang.

Il reprit rapidement ses esprits, mais sa vue restait troublée. Romane, de terminale, le fixait de ses yeux bleus. Elle se tenait droite devant lui, les bras entourant son corps frigorifié.

« Oui, merci », répondit-il sans vraiment lever le visage vers elle.

Il voyait ses petites baskets blanches remuer sur le sol poisseux et taché par l'alcool renversé. Mais, elle ne partait pas, au contraire elle se rapprochait.

« On fait un jeu à l'intérieur, s'exclama Romane. Je sais que tu n'apprécies pas être dérangé dans tes pensées, mais je me suis dit que peut-être tu voulais nous rejoindre. »

Judi sourit. Il ne connaissait rien de cette fille. Il savait seulement qu'elle aimait le fixer en cours.

« Crépuscule, avoua Judi. Si c'est ce que tu te demandes. »

Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant