CHAPITRE VINGT QUATRE

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La lourde porte vitrée se referma derrière elle, alors qu'elle grimpait les marches à toute allure. Elle avait besoin de lui, de lui parler. Elle frôla le vert pâle des murs en courant et trébucha quelques fois, avant d'atteindre l'étage de Judi.

Elle se retrouva, une nouvelle fois, devant cette même porte à attendre que le jeune homme apparaisse. Elle gesticulait dans tous les sens, prise dans l'excitation et l'appréhension. Son corps avait chaud, malgré le froid de janvier. Elle transpirait de l'effort physique qu'elle venait d'accomplir, en traversant la ville en courant et en grimpant les escaliers quatre par quatre. Le souffle court, elle s'appuya sur le crépis en patientant.

Seulement, la porte ne s'ouvrît pas. La sonnette hurlait, les coups retentissaient, mais il n'y avait rien à faire, il n'y avait personne. Elle jura bruyamment contre elle-même, stupide et naïve, sans se rendre compte que le voisin de palier venait de passer sa tête dans l'entrebâillement pour observer la source de tout ce raffut.

Un jeune blondinet, à la barbe mal rasée et encore en pyjama, apparut à la gauche de Créa. Celle-ci se calma immédiatement, en croisant son regard rieur.

« Judi n'est pas là, annonça-t-il.

— Jean, souffla la jeune fille, fatiguée. Je suis désolée. »

Les pieds nus du garçon claquaient sur le carrelage froid, alors qu'il avançait vers elle. Avec ses cheveux un peu trop décolorés, son teint pâle et cette dégaine qui laissait désirer, Jean n'avait pas changé.

« Comment vas-tu ? demanda-t-elle.

— Comme on peut aller en plein mois de janvier, je me gèle ! »

Cette exclamation eut le mérite de faire rire la jeune fille, mais Jean ne lui retourna pas la question. Les cernes sous ses yeux verts en disaient déjà bien assez.

« J'ai croisé Judi hier mais il était avec une fille, poursuivit Créa dans l'espoir d'en savoir plus. Je n'ai pas vraiment pu lui parlers

— Romane, acquiesça-t-il. C'est sa petite amie, apparemment.

— Apparemment », répéta-t-elle d'un air interrogatif.

Jean masqua son sourire derrière des toussotements, avant de l'inviter d'un geste à attendre là.

« Il nous l'a jamais dit officiellement », cria-t-il alors qu'il disparaissait derrière l'encadrement de sa porte.

Il ne réapparut pas mieux coiffé, mais habillé d'un jogging un peu plus soigné. La porte se verrouilla derrière lui dans un claquement qui fit trembler les pauvres murs de l'immeuble. Les clés volèrent dans les airs, avant qu'il ne les enfonce dans la serrure toute rouillée.

« Je te raccompagne chez toi, lança-t-il.

— Je suis venue en voiture.

— Ça tombe bien, ricana-t-il, moi, je n'en ai pas. »

Elle rit face à son regard pétillant, et le suivit, malgré son hésitation, lorsqu'il s'empressa de descendre les marches une à une. On aurait dit un gamin à qui on avait promis un tour de carrousel. Créa essaya de le rattraper, tant bien que mal, tout en souriant bêtement, touchée par la soudaine bonne humeur de Jean.

Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant