CHAPITRE QUATRE

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Le lendemain, la fraîcheur amenée par la pluie s'était estompée et la chaleur revenue, plus étouffante encore. La ventilation brassait de l'air tiède, l'asphalte fondait sous le soleil brûlant de midi, des gouttes dégoulinaient du visage de Créa. La jeune fille regrettait de ne pas avoir fait réparer la climatisation de son vieux cabriolet. Héritée d'une mystérieuse rencontre, elle prenait soin de cette voiture comme de la prunelle de ses yeux. Mais, malgré de nombreux ajustements, l'habitacle se remplissait toujours d'un souffle brûlant.

Elle quitta la route nationale pour s'engager sur un petit chemin de campagne. La route sinueuse et cabossée la menait vers un étang, au bord duquel une grande bâtisse aux couleurs ocrées se tenait. Un peu plus loin, dans un champ, quelques chevaux cherchaient de l'ombre tout en fuyant les mouches.

Créa se gara aux côtés de la voiture de sa mère et du quatre-quatre de sa tante, franchit la clôture et se dirigea vers l'arrière de la maison. Elles l'attendaient en sirotant une tasse de café sur des chaises en osier et des coussins brodés très rembourrés. Les deux sœurs ne se ressemblaient que du visage. L'une assumait ses boucles grisonnantes, tandis que l'autre portait fièrement sa teinture brune. Créa les embrassa avant de se servir, à son tour, du liquide noirâtre.

« Vous partez la semaine prochaine, c'est bien ça ? sourit sa tante en lui proposant des gâteaux.

— Seulement une journée, l'informa sa mère. On a repéré un studio qui pourrait lui convenir, et son père va venir avec nous le visiter.

— Tu as hâte ? trépigna la bonne femme, surexcitée, tout en frappant dans ses mains. Tu vas aller vivre à la grande ville ! C'est quelque chose que je rêvais de faire lorsque j'étais plus jeune. »

Créa sourit faiblement, amusée, avant d'avaler une grande gorgée amère.

« Pas vraiment, avoua-t-elle. J'avais mes petites habitudes au lycée, j'avais mes amis. Je connaissais toutes les têtes du village, tous les coins de rues. Je pouvais même me repérer les yeux fermés.

— Tu as vécu toute ta vie là-bas, c'est normal de se sentir nostalgique, ma chérie. Mais n'as-tu donc pas envie de découvrir le monde, de prendre ton envol ? »

Sa tante se montrait très compréhensive, ses paroles étaient douces, son sourire bienveillant, mais Créa commençait à s'agacer.

« On n'a pas tous des âmes d'aventuriers, s'exclama-t-elle.

— N'exagère pas, rit sa mère, tu pars juste à l'université.

— Peut-être, pourtant j'ai l'impression que je plonge droit du bord d'une falaise, renchérit la jeune fille.

— Les adolescents, soupira la jolie femme brune, effrayés pour un rien. »

La discussion déraya sur les souvenirs de jeunesse des deux sœurs, alors que Créa fulminait dans son coin. Elle se resservit une tasse débordante de café fumant et déchira agressivement l'emballage d'un scone anglais.

« Tu veux venir pêcher avec nous ? » lui demanda leur hôte.

Elle secoua vigoureusement la tête, une expression d'enfant désagréable sur le visage, avant de sortir un livre de son sac et de s'enfoncer confortablement dans le coussin.

Les deux femmes se regardèrent en coin. Un soupir s'échappa des lèvres de sa mère, tandis que sa tante abordait un petit rictus malicieux. Puis, elles enfoncèrent leurs chapeaux en paille sur leurs cheveux bouclés, et se dirigèrent vers le ponton de l'étang.

Alors qu'elles disparaissaient sur la petite barque, munies de leurs cannes à pêche, et que le calme revint bercer ce petit havre de paix, la sonnerie du téléphone de Créa retentit dans le jardin. C'était un message de Judi.

Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant