JUIN - CHAPITRE TRENTE SEPT

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Le soleil brillait haut dans le ciel lorsque la voiture s'arrêta devant chez elles. Une odeur de pollen, une senteur fleurie de printemps enivrait le jardin du rez-de-chaussée. Le voisin les salua à leur arrivée, accoudé à la rambarde en ferraille. Cette dernière luisait, on venait de lui refaire une beauté.

« La petite Crépuscule rentre à la maison. Heureux de te revoir, déclara-t-il dans un sourire ridé.

— Merci, monsieur Hantez. »

Milly les accueillit dans un concert de miaulements et frotta sa fourrure foncée sur les jambes de la jeune fille.

Le père de Créa arriva une dizaine de minutes plus tard, chargé d'une bouteille de vin et d'un cadeau grossièrement emballé.

« Bravo, ma puce. »

On s'attabla après que Créa ait découvert le livre qu'on lui avait offert. Une couverture d'un bleu profond d'où les vagues semblaient s'échapper. Il lui rappelait le bouquin de Judi. Celui qui prenait la poussière dans sa boîte à gants et qui attendait qu'elle ait le cœur de le lire un jour.

Le riz en sauce fut servi. Il y en avait bien trop pour trois. On le laissa refroidir dans la casserole toute l'après-midi.

Après le repas, Créa s'éclipsa pour retrouver son cabriolet. Il l'attendait dans une ruelle déserte. Le pollen colorait sa carrosserie d'un jaune verdâtre. Lorsqu'elle activa les essuie-glaces, de grosses traces se dessinèrent sur le pare-brise, l'obligeant à passer un coup de chiffon humide sur la vitre.

Elle enclencha la première, embraya, caressa le volant d'un geste affectueux, puis releva le frein. La petite voiture s'engagea dans les routes sinueuses qui menaient à la forêt. Le temps donnait à Créa l'envie de s'évader, d'admirer encore un peu les paysages de la campagne, avant de retrouver le métro de la grande ville.

Il lui semblait revenir dans ses souvenirs de l'été dernier. Sur cette même nationale, fendant l'air chaud et étouffant de sa décapotable lancée à toute vitesse. Ce fut à cet instant qu'elle avait rencontré Judi. Ce garçon qui, aussi étrange soit-il, l'avait aidé à construire un semblant de futur.

Créa ne voulait pas trop s'éloigner et, bien vite, elle finit par tourner au rond autour du patelin. Elle rebroussait chemin pour rentrer, quand sur le bord de la route, elle aperçut une tête familière.

Jean, le poignet apparemment entièrement rétabli, roulait sur son skate le long du trottoir.

Créa le suivait des yeux, alors qu'il s'éloignait un peu plus loin. Elle ne céda pas à son envie de passer en coup de vent comme si elle ne l'avait pas vu, elle devait grandir et apprendre à dire au revoir.

Elle ralentit en arrivant à sa hauteur. Il fut surpris en la voyant, puis afficha un sourire éclatant. Il devait bien être le seul, excepté sa mère et Monsieur Hantez, à être heureux de la savoir au village.

« Ça va ? s'enthousiasma-t-il. Tu restes longtemps dans le coin ?

— Quelques jours », répondit-elle après un acquiescement.

Il acquiesça mais la discussion n'alla pas plus loin, Créa se risqua alors à demander :

« Et Judi ? »

La grimace que fit Jean ne la rassura pas.

« Ça ne va pas super, avoua-t-il. On ne l'a pas vu depuis des jours. Il ne sort plus.

Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant