Chapitre 26-1

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Sans nous concerter, nous nous étions engagés entre les hauts murs de pierres et de briques, nous enfonçant dans le terrain vague, au lieu de revenir vers la rue. Pourquoi ce choix risqué ? Parce que nous n'avions pas oublié le sniper qui devait toujours nous attendre, planqué dans l'une des rues adjacentes. Maintenant que les métamorphes n'étaient plus une menace immédiate, passer par la scène de crime était devenu notre meilleure option. Nous essayons de ne pas lambiner, mais le poids de la blessée et mon état, me donnait l'impression que nous nous trainions lamentablement.

Même si je serrais les dents, chacun de mes pas était un supplice. La douleur sapant mes forces et mon énergie aussi efficacement que le sang qui s'écoulait goute à goute dans mon sillage, ajoutant à mon malaise. A mesure que nous nous approchions de la scène de crime originelle, la réalité et l'horreur du carnage nous frappa de plein fouet. Je me sentais déjà faible et nauséeuse, mais l'odeur du sang coagulé et la vue des corps, faillit me faire tourner de l'œil.

Où que se porte mon regard, ce n'était que sang et plaies ouvertes. La victime, qui avait été déchiquetée avec tellement de sauvagerie qu'il était impossible de déterminer si c'était un homme ou une femme, avait juste servit d'appât pour massacrer tout ceux et celles qui viendraient sur les lieux. Et ils avaient attendu patiemment, car au moins une dizaine de corps, gisaient atour de nous.

— Mon dieu ! entendis-je Worth murmurer, alors qu'une larme solitaire se mettait à couler sur sa joue. Quatre métamorphes ne peuvent pas être à l'origine d'un tel carnage, ajouta-t-il en tournant son regard horrifier vers moi.

— Non, c'est pourquoi nous devons nous barrer d'ici et très vite, ajoutai-je en lui faisant signe d'avancer. Passe devant, je te couvre.

Il hésita une seconde, son regard inquiet fixé sur ma blessure, puis finit par obtempérer lorsque je lui lançai un regard noir. En tout honnêteté, si j'avais été en pleine possession de mes moyens, je serais passée devant. Mais j'étais salement amochée et commençait à croire que ma blessure était plus sérieuse qu'il n'y paraissait. S'il s'en rendait compte, nous serions encore plus en danger que nous ne l'étions déjà, car il s'inquiéterait pour moi et serait moins concentré. Mais j'avais aussi une autre bonne raison pour rester en arrière.

Dès qu'il se fut suffisamment éloigné, je m'approchai d'un des corps et aussi rapidement que me le permettait mon bras blessé et mon dos douloureux, me baissai pour ramasser l'arme que le pauvre policier en civil tenait toujours dans sa main même après sa mort. J'avais besoin d'une arme pour nous défendre, dans mon état une arme blanche ne suffirait pas, je ne serais pas assez rapide, et je savais que Gabriel n'aurait pas apprécier de me voir toucher l'un de ses collègues morts alors qu'aucune menace imminente ne planait sur nous.

Pourtant la menace était bien là, je la sentais, comme une ombre légère mais oppressante. Je ne savais pas ce qu'ils attendaient pour agir. Quelque chose clochait dans cette histoire et je ne parvenais pas à mettre le doigts dessus. Je me relevai péniblement, cachai l'arme dans mon dos et accélérait pour rejoindre Worth, déjà plusieurs mètres devant moi. Il finit par s'arrêter pour m'attendre tandis que je stoppai une seconde fois, pour me pencher au-dessus du corps déchiqueté d'un ambulancier.

J'étais en train de me relever quand le premier coup de feu retentit. La balle frôla mon bras gauche, laissant une balafre cuisante sur ma peau tandis que la balle allait se perdre dans le sol avec un petit son mat.

— Cours ! hurlai-je inutilement à Worth, sprintant pour le rejoindre.

L'adrénaline fusait dans mon corps, lui permettant de faire des prouesses que mon état ne m'aurait normalement pas permis. Je puisais aussi dans la force de d'Ivy et la combativité de mon côté animal m'aida à surpasser la peur et la douleur. Les tirs s'enchainaient, cherchant à nous faire revenir sur nos pas, plus qu'à vraiment nous blesser. Lorsque nous débouchâmes de l'autre côté du terrain, je n'eus qu'une seconde pour englober la scène et choisir la direction à prendre. Les tirs passant subitement de dissuasif, à offensif. Le trésor ramassé sur le second corps bien à l'abri dans ma main droite, je m'élançai sur la droite. La balle me toucha juste avant que je ne plonge derrière un van de télévision. Je tombai lourdement au sol sur mon épaule blessé, m'éraflant méchamment le bras sur le béton du trottoir. Un hurlement passa mes lèvres et je ne pus que rester là, mobilisant toute ma volonté et mon énergie pour ne pas m'évanouir.

Worth, gêné par le corps de sa collègue, qu'il portait comme une enfant endormie, n'avait pas réussi à me suivre et était toujours planqué derrière le coin d'un immeuble. Malgré les quelques mètres qui nous séparaient, je pouvais voir la tristesse, la peur et la frustration se succéder sur son visage, alors qu'une nouvelle balle frappait l'angle du mur, arrachant quelques morceaux de plâtres et l'obligeant à reculer.

Je compris leur tactique à l'instant où un déplacement d'air souleva mes cheveux. Je tournai la tête, juste à temps pour voir la personne qui venait de descendre du toit du van, se redresser, me toisant de toute sa hauteur. Leur but depuis le début, était de m'enlever. Leur première équipe, même si elle était parvenue à m'affaiblir, avait échoué, mais la deuxième m'avait eu comme une bleue, réalisai-je alors que l'homme se penchait vers moi, un sourire suffisant et doucereux sur les lèvres tandis qu'il attrapait mon épaule et mon bras valide d'une poigne de fer. D'un mouvement reflexe, je tentai d'attraper l'arme passée dans ma ceinture, mais j'étais trop lente et il se contenta de me torde violement le bras, m'arrachant un cri.

— Je crois que la partie est finie, jeune fille ! me susurra-t-il d'une voix désagréable en me forçant à me relever. Te voir te battre était divertissant je dois dire, mais soit réaliste, tu ne fais pas le poids ! Si tu me suis maintenant, sans faire d'histoire, je veux bien être magnanime et laisser les deux flics s'en tirer. Mais essaye encore de résister et tu verras leurs cervelles redécorer les murs de ce quartier pourri.

J'avais beau être certaine qu'ils ne tiendraient pas parole, je n'avais plus la force de riposter. Je ne pus donc qu'approuver de la tête en espérant que Worth, que je ne pouvais plus voir, comprendrait la situation et aurait la sagesse de s'enfuir. Le métamorphe tira une nouvelle fois sur mon bras, m'arrachant un nouveau gémissement de douleur qui sembla beaucoup le divertir. Il commença à me tirer derrière lui mais ma jambe gauche, qui venait de se prendre une balle, céda sous mon poids, l'obligeant presque à me traîner. Nous n'avions pas parcouru deux mètres que le van que nous venions de dépasser explosa dans une boule de feu tonitruante, nous projetant tout deux au sol.

J'atterris lourdement sur le dos pour la seconde fois et un flash noir oblitéra ma vision. Lorsque je repris mes esprits, ma tête tintait et mes oreilles bourdonnaient tandis qu'une sirène hululait, me vrillant les tympans. Je cherchai immédiatement à me redresser, cherchant mon adversaire des yeux, mais le moindre mouvement me faisait souffrir. Je n'eus même pas le temps de réessayer que Worth se penchait au-dessus de moi. Le voir et le savoir vivant, me fit un bien fou. Ses yeux incandescents étaient emplis de terreur et de tristesse, qui se dissipèrent légèrement lorsqu'il constata que j'étais vivante. D'un geste vif et nerveux, il me saisit la main droite et m'attira à lui. Je me levai dans un gémissement pathétique et dû me retenir à son bras pour ne pas tomber.

— L'ambulance, lui murmurai-je en lui tendant les clefs que j'avais ramassé un peu plus tôt. C'est notre seule chance.

Il s'empressa de jeter un coup d'œil circulaire, cherchant le véhicule des yeux. Ce dernier se trouvait à quelques mètres de là, mais à l'instant où nous commençâmes à nous diriger vers lui, les tirs reprirent de plus belle. Gabriel m'entraina derrière une voiture, pour nous protéger momentanément du sniper.

— Restes là, me dit-il avant de s'élancer sans hésiter au milieu des balles.


Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant