Chapitre 28-2

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Pendant de longues minutes, seul le lancement douloureux et lancinant sourdant de mon épaule, mais aussi des autres blessures que j'avais récolté, monopolisa mon attention. Malgré l'épuisement qui habitait mon corps, je ne parvenais pas à me distancier assez de la douleur, ni à me détendre suffisamment pour m'assoupir.

Je dus pourtant y parvenir, car lorsque je rouvris les yeux, la poche de sang était vide et je me sentais un peu moins mal. Comme la table d'examen était tout sauf confortable, je me redressai doucement, ravie de ne pas ressentir d'étourdissement. Je ne devais pas avoir dormis longtemps puisque le doc n'était toujours pas revenu, me dis-je pile au moment où mon regard tombait sur le plateau en plastique défraîchit posé sur l'une des piles de cartons. Même si l'aspect de la collation n'avait rien de très appétissant, je savais que mon corps en avait besoin. J'enlevai donc la perf de mon bras d'un geste vif et basculait mes jambes sur le côté de la table pour me lever.

Mon impression de mieux-être s'évapora à l'instant où je posai le pied par terre. Ma jambe blessée céda sous mon poids dès que je m'appuyai dessus et mon cœur me remonta dans la gorge comme si j'étais une simple humaine. Je n'avais ressenti cela qu'une seule fois auparavant, lorsque j'avais failli mourir, blessée par une lame spéciale forgée dans un métal que le métabolisme des métamorphes ne pouvait éliminer. Ce pourrait-il que Kane et ses sbires utilisent des munitions de ce type ?

Nauséeuse et le souffle court, je me forçai à faire les quelques pas qui me séparait de la table roulante et du bassin en inox, mais ce dernier était vide. Je me retournai d'un bloc lorsque la porte s'ouvrit dans mon dos et faillis tomber, terrassée par un brusque accès de faiblesse. Je tentai de me raccrocher à la table derrière moi, mais cette dernière roula, m'empêchant de me stabiliser. Cooper, car c'était lui, fut près de moi sans que je n'aie la sensation de l'avoir vu bouger, renforçant mon malaise et la sensation que quelque chose clochait salement.

— Vous n'auriez pas dû vous lever si vite, me gronda-t-il d'une voix assourdie en me retenant in-extremis avant que je ne m'écroule.

Encore sonnée par le contre-coup, je le laissai m'entraîner vers la table d'examen, trop occupée à tenter de focaliser ma vision sur un point fixe pour m'en offusquer, ça se serait certainement pour plus tard !

— Je vais vous trouver une chambre, vous ne pourrez pas récupérer ici...

— Non ! Je dois rester discrète et puis... je ne récupère pas comme il faudrait...

— Vous vous êtes juste levée trop rapidement après une blessure grave et une intervention traumatisante sans anesthésie ! Je ne vois vraiment pas ce que cela a d'étonnant ! bougonna-t-il en m'aidant à m'assoir sur la table surélevée.

— Vous plaisantez, j'espère ? lui balançai-je, mon effarement et l'énervement que je sentais enfler en moi, m'aidant à retrouver mes esprits. J'étais toujours plus efficace lorsque j'étais en rogne ! Rassurez-moi, vous avez déjà soigner des métamorphes avant moi ?

Le regard rogue mais mâtiné de gêne qu'il me lança, ne me rassura pas. Comment pouvait-il être aussi ignare sur la régénération des métamorphes tout en en étant un lui-même ?

— Personne ne sais ce que je suis et... je viens tout juste de reprendre mon interna, tenta-t-il de se justifier.

— Donc, vous n'avez soigné que des humains jusqu'ici ? lui demandai-je, néanmoins certaine qu'il y avait une autre explication à son comportement et à son odeur étrange.

— Pour le moment et jusqu'à vous... oui.

— Donc, pour votre information et formation, ma réaction n'est pas normale. A moins d'être très gravement blessé, vous ne verrez jamais un métamorphe faire un malaise, surtout après une transfusion, il y a quelque chose qui cloche, lui expliquai-je d'une voix essoufflée tandis qu'un éclair de douleur me transperçait l'épaule, me laissant carrément haletante. Quel aspect avait la balle ?

— C'était une balle fragmentée, c'est pour cela qu'elle a fait autant de dégâts.

— Je vous parle de l'aspect du métal. Était-il normal ou comme corrodé ?

— Il m'a paru tout à fait ordinaire. Hannah, métamorphe ou non, vous vous êtes pris trois balles ! Vous avez beau me prendre pour un incompétent, je crois toujours que le seul problème qu'il y ait ici c'est que vous avez présumé de vos forces et que la transfusion n'a pas suffi. Alors, mangez quelque chose et laissez-moi vous trouvé un endroit plus confortable pour vous reposer, termina-t-il d'un ton assuré et limite exaspéré en posant d'autorité le plateau à côté de moi.

— Combien de temps j'ai dormi ? lui demandai-je alors qu'il s'apprêtait à sortir une nouvelle fois de la pièce.

— A peine trente minutes. Ce qui ne doit pas être étranger à votre état ! me balança-t-il avant de claquer la porte derrière lui.

Me mettre le doc à dos, ne me faisait ni chaud, ni froid. Après tout, il y avait peut-être une part de vérité dans son discours. Se pouvait-il que je surestime mes capacités ? Worth m'avait aidé à supporter la douleur, cela avait peut-être masqué la véritable étendue des dégâts ? Quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas perdre de temps dans un lit d'hôpital, pas avec la catastrophe qui était en train de nous tomber dessus.

Sans plaisir j'avalai le jus d'orange chimique et mangeai le muffin industriel et insipide en trois bouchées. L'apport de sucres et de matières grasses se fit presque instantanément sentir et j'éprouvai un petit regain d'énergie. J'attendis néanmoins quelques minutes, histoire de ne pas réitérer le fiasco précédent, avant de me lever. La douleur était toujours présente, mais au moins je pouvais rester debout sans tanguer, un gros progrès.

Inquiète pour Worth, je tentai de me projeter vers lui, mais me heurtai à un mur. Comme je ne savais pas m'y prendre, c'était peut-être uniquement dû à mon inexpérience. A moins que les choses n'aient empiré de manière dramatique et qu'il ne se coupe de moi pour ne pas m'inquiéter. L'anxiété et la colère commencèrent à augmenter au creux de mon estomac, tandis que j'étais coincée dans cette pièce, blessée et surtout en soutien-gorge. Une tenue tout sauf décente pour déambuler dans les couloirs d'un hôpital, d'autant plus en pleine crise majeure !

« Ils ont besoin de toi »

Les mots, éthérés et aussi inconsistants qu'une brise, s'imprimèrent dans mon esprit semblant venir de nul-part et couvrant mon corps de chair de poule. Jamais je n'avais possédé le don de télépathie. Seuls Christina et Jude y parvenaient à ma connaissance et ce dernier avait hérité ce don rare de sa compagne. Ce pourrait-il que ce soit eux ? Non c'était idiot, s'ils voulaient me joindre ils m'auraient appelé, à moins que...

« Va le rejoindre... vite »

Mon cœur me remonta dans la gorge et mon cœur se mit à battre la chamade tandis que mon angoisse se muait en peur et qu'une urgence absolue s'emparait de moi, je devais rejoindre Gabriel immédiatement. Sans réfléchir, j'attrapais ce qui restait de mon tee-shirt et m'en drapait tant bien que mal, histoire de cacher l'essentiel, puis je me ruais dans le couloir, nauséeuse, blessée et sans arme. 

Elémental - Transfiguration Tome 1Where stories live. Discover now