Chapitre 31-2

1.8K 281 71
                                    


Sans hésiter, même si je savais qu'il y avait un truc qui clochait chez ce Cooper, j'aidai Gabriel à se mettre debout et sans ménagement, le poussai sur la banquette arrière. La gamine suivit le mouvement sans discuter, puis Cooper et moi installâmes Allistaire sur leurs genoux avant de grimper à notre tour dans le véhicule. Cooper mit les gaz et nous quittâmes le parking de l'hôpital sur les chapeaux de roues, un groupe d'humains enragés criant des propos haineux aux basques. Ils stoppèrent dès que nous atteignîmes l'asphalte, bien qu'un téméraire ne nous balance un morceau de maçonnerie qui rata la voiture de plusieurs mètres !

— Il ne manquait que les fourches et les torches ! commenta Cooper dans un grondement sourd, tandis qu'il slalomait entre les rares véhicules circulant à cette heure.

Son commentaire aurait pu être drôle, sur un autre ton, et si nous avions été moins sonnés par tout ce qu'il venait de se passer. Avisant l'autoradio, j'avançai la main et tournai le bouton. La voix étudiée et policée d'un des présentateurs interchangeables des infos emplit l'habitacle, finissant de nous plonger dans le désarrois et l'horreur.

« ... le nombre des victimes ne cessent de s'alourdirent, tandis que les attaques, aussi violentes qu'injustifiées, se poursuivent dans toute la région de Détroit. Pour le moment seule cette ville et ses alentours semble viser. Mais les autorités et les plus hautes instances du pays craignent une généralisation des passages à l'actes et ont d'ores et déjà décrété l'état d'urgence et la mise en place d'un couvre-feu. Tous les métamorphes respectueux déclarés et respectueux des lois sont priés de se présenter de leur plein gré aux autorités et ce, dans les plus brefs délais. En outre, tous les contrevenants pris dehors après la tombée de la nuit, seront abattus sans sommation, ont déclaré il y a à peine une heure, le ministre et les responsables des armées. Voici pour les derniers développements de cette terrible nuit. Nouveau flash spécial dans quinze minutes. »

Un silence horrifié régnait dans l'habitacle lorsqu'un morceau pop rock remplaça la voix nasillarde et déprimante du présentateur. Le morceau, enjoué et à la mode, paraissait tellement déplacé après les précédentes déclarations que Cooper éteignit le poste dès que les premières notes parvinrent à nos oreilles.

— Ils n'ont pas perdu de temps, on peut au moins leur accorder ça ! persiffla Cooper alors qu'il tournait brusquement dans une ruelle obscure, quittant les grands axes et réduisant sa vitesse. Vu qu'il fait encore nuit, il vaut mieux la jouer profil bas, me dit-il avant de reporter son regard sur la route. Où va-t-on, au fait ?

— Au commissariat...

— Vous plaisantez, là ?! Vous n'avez pas entendu ce qu'ils viennent de dire ?

—Tant que vous êtes avec moi, cela ne devrait pas poser de problème, répondit Worth à Cooper d'une voix atone et sans force. De toute manière, du peu qu'a réussi à me dire Allistaire avant de sombrer dans le coma, il n'en reste pas grand-chose.

— Pourquoi vouloir y aller dans ce cas ?

— Un de mes hommes est toujours porté disparu... je dois savoir...

Je comprenais son point de vue. Même si je ne portai pas Monroe dans mon cœur, loin de là, ne pas lui venir en aide, si elle en avait besoin, me paraissait inconcevable. Néanmoins Cooper avait raison, c'était plus que risqué.

— Tu es déclarée ? demandai-je à la jeune fille, qui n'avait pas prononcé une parole depuis que nous avions démarré.

— Non, me répondit-elle, son regard braqué sur la vitre obscure. Ma tante non plus, elle attendait de voir...

— Et toi ? demandai-je à Cooper.

— Non plus, me répondit-il avec un petit rire cynique et désenchanté. Mais ce n'est pas pour cela que nous sommes à l'abri. Rien que traîner avec toi, ce n'est certainement pas très bon pour notre santé !

— Rien ne vous oblige à rester ! gronda Gabriel, d'un ton qui n'aurait rien envié à Jude.

A l'évocation du métamorphe, mon cœur se serra. Lui et les siens étaient-ils en lieux sûrs ? Ayant déjà eu maille à partir avec l'armée et le gouvernement, comme moi, ils seraient sans doute les premiers auxquels ils s'intéresseraient. J'avais essayé de les joindre pendant notre interlude à l'hôpital, mais sans succès. Avec les évènements, tous les réseaux étaient saturés.

— Tout doux, ce n'est pas ce que je voulais dire ! Je tentai juste de vous faire comprendre, qu'emmener Hannah Moore sur les lieux d'un attentat commis par des métamorphes en plein couvre-feu, n'est peut-être pas l'idée du siècle !

C'était sûr que vue comme ça ? A moins que...

— Qu'est-ce que tu sais de la situation sur place ? demandai-je à Worth en me tournant vers lui.

Voir son visage si marqué par l'épuisement et l'inquiétude, même partiellement dissimulé par la pénombre comme il l'était, me fit mal. C'était moi qui l'avais entraîné là-dedans, comme j'aurais aimé le savoir à l'abri, me dis-je en essayant de ne pas laisser transparaître mes sentiments.

— Pas grand-chose, hormis que jusqu'à présent, c'est le site le plus touché.

— Ils ont voulu vous atteindre.

— Mais vous êtes qui, vous, exactement ?

— Lorsque nous pourrons de nouveau communiquer avec l'extérieur, je demanderai ce que je suis en droit de vous dire, lui répondit Cooper d'une voix étrangement indécise tout à coup. Je pense qu'il y a des choses que vous avez besoin de savoir, même si ce n'est pas à moi d'en décider.

— Quel genre de choses ?

— De celles qui pourrait vite transformer cette catastrophe en apocalypse ! nous répondit-il d'une voix sinistre, qui ne donnait aucune envie de prendre ses propos à la légère.

— Vous connaissez un endroit sûr dans le coin ? lui demandai-je.

— Non et vous ?

— Plus maintenant. Ce serait trop risqué.

— Alors, on fait quoi ?

Durant quelques secondes, je me tus, réfléchissant à nos options. Continuer à rouler sans but dans une ville en état de siège était le plus sûr moyen de nous attirer des ennuis. J'avais un plan, mais Worth et moi étions épuisés et blessés et il était inenvisageable de tenter ce que j'avais en tête avec la gamine. Nous devions la mettre en lieu sûr.

— Comment tu t'appelles, lui demandai-je brusquement, réalisant que personne ne s'était encore soucier de son prénom.

— Leah, et quoi que vous décidiez, je reste avec vous ! affirma-t-elle d'un ton qu'elle espérait sans doute intraitable, mais dont le tremblement de sa voix gâcha l'effet.

Je soutins son regard durant de longues secondes et ce que j'y vis n'aurait jamais dû se trouver dans les yeux d'une enfant. La douleur, le chagrin, la terreur mais surtout la peur de se retrouver seule, perdue dans ce nouveau monde effrayant et instable. Je me contentai de lui faire un petit hochement de tête et cela paru lui suffire, puisqu'elle se rencogna dans son siège et recommença à scruter les ténèbres.

— Quelle est ton idée ? me demanda Gabriel avec perspicacité, me sortant de mes tristes pensées.

— Dans l'esprit du gouvernement et des habitants de cette ville, à l'heure actuelle, je dois symboliser pour eux, l'ennemi public numéro 1 !

— ça c'est certain ! intervint cyniquement Cooper, s'attirant les foudres oculaires de Worth.

— Et si au lieu de m'enfuir pour me terrer dans un trou, je me rendais sur le site le plus touché pour aider à retrouver les survivants ? 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant