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Abel 


— Abel, c'est toi ? me demande mon père alors que je franchis à peine la porte de la maison familiale.

— Qui veux-tu que ce soit ?


Sérieusement ! Il sait que c'est moi, personne d'autre à la clé de l'entrée.


— Ça tombe bien, je voudrais te parler !

— Ce n'est pas le moment !

— Tu as bu ?

— Non ? j'ironise.


Ça ne se voit pas peut-être ? Il est aveugle ?


— Pourquoi tu t'es mis dans cet état déplorable ? Ce n'est pas dans tes habitudes de boire !

— C'est de ta faute ! je le pointe du doigt. Toi, tu savais ! Tu as dû bien rire, derrière mon dos !


Il fait celui qui ne comprend rien. Mais je sais qu'il sait ! Et cela me met hors de moi ! Je suis son fils après tout ! Jamais, il aurait dû me mettre dans une telle position.


— Mais de quoi tu parles mon garçon ?

— C'est un monstre ! Et toi tu m'as laissé me rapprocher d'elle ! je le bouscule un peu. Quel genre de père fait ça ?

— De qui parles-tu ?

— Mademoiselle Martins, ta petite protégée ! je m'énerve.


Je suis à bout ! Je n'arrive pas à croire ce qui m'arrive... Il me regarde avec compassion, ou peut-être est-ce de la pitié. Comment a-t-il pu me... me faire ça ?


— Pourquoi ? je le somme de me parler en l'attrapant par le col de la chemise.

— Calme toi ! Viens t'asseoir ! tente t-il de m'apaiser, mais rien n'y fait.


Je suis remonté comme jamais je ne l'ai été.

Il se détache de ma poigne, je ne réagis pas, puis il se dirige vers le salon. Je le suis du regard interloqué. Pourquoi ne me dit-il pas tout ce qu'il sait ? Je m'approche et il me fait le geste de prendre place dans le fauteuil face à lui, je m'exécute mais en grognant.


— Elle t'a tout avoué ?

— Oui ! Non ! Enfin...

— Abel ? Qu'y a-t-il ?

— J'ai vu !... C'est horrible !

— Alors elle ne t'a rien dit ! Pourtant...


Ce n'est pas ce qui est important là ! Je veux savoir pourquoi il ne m'a rien dit, lui, et surtout si Inès a des chances de retrouver une peau normale...


— Comment peut-elle vivre avec ça ? Elle ne peut pas faire de la chirurgie esthétique ?

— Elle est passée sous le bistouri à plusieurs reprises ! C'est le mieux qu'ils ont pu faire ! Mais elle a ce produit miracle maintenant, qui cache toutes ses imperfections ! Personne ne dirait qu'elle a le visage tout balafré.


Sa figure aussi ? Non ! Ça doit être épouvantable de vivre avec ça tous les jours. Je n'y crois pas ! Elle est sortie tout droit d'un film d'horreur. C'est ça, on me fait une blague ? J'essaye de me rassurer du mieux que je peux. Mais étrangement ça ne fonctionne pas !


— Ah ! Tu n'as pas vu son vrai visage ? Elle n'a pas été gâtée la pauvre enfant ! Ce déséquilibré ne l'a pas manqué !


Non ! J'hallucine !... J'aurais dû l'écouter quand elle voulait tout me dire, ça m'aurait épargné bien des soucis. Qu'est-ce que je vais faire maintenant ?


— Abel, mon garçon ! Inès reste la femme que tu as côtoyée ! C'est une belle personne !


Belle ? Il n'en est rien ! C'est une belle escroquerie, oui ! Elle doit être monstrueuse...


— Qu'est-ce qui t'a pris de me la présenter ?

— C'est la femme qu'il te faut !

— Non, pas du tout ! Ma mère se trompait et toi aussi !

— Pourtant, quand tu es arrivé à la maison le premier novembre, tu ne disais pas du tout la même chose à son sujet ! Tu voulais même que je découvre qui elle était ?


Mais il a perdu la tête ! On parle de mademoiselle Martins, pas de la bombasse avec qui j'ai couché la nuit du trente et un octobre. Il confond tout à ma parole !


— Quoi ? Tu ne l'as pas reconnu ?


Ce n'est pas possible ! Ne me dîtes pas, que c'est la même personne ? Non ! Ça voudrait dire, tout d'abord, que je suis un véritable crétin qui ne sait pas reconnaître une fille avec qui il a baisé, et passé une des plus merveilleuse nuit de sa vie. Mais surtout, je n'arrive pas à croire que les marques qui m'ont tant intrigué et séduit durant la soirée de Halloween étaient réelles. Inès est donc bien la bête que tout le monde m'a décrite ! C'est incroyable, mais vrai...


— Abel ? Tu dois passer outre tes préjugés ! Cette femme est une perle ! Tu ne peux pas la quitter, seulement car la vie s'est acharnée sur elle !

— Tu t'entends ? je m'emporte encore. Comment veux-tu que je continue à la voir après tout ce que je viens de découvrir, c'est un monstre !

— Tu n'as vraiment que ce mot à la bouche ! Je te signale qu'on parle d'une personne, d'un être humain. Je pensais t'avoir élevé mieux que ça, mon garçon !

— Papa ! Comment peux-tu m'imaginer au bras de cette hi...

— Je te stoppe immédiatement ! me coupe t-il en plein milieu de ma phrase.


Pourquoi ? Pour prendre le parti de sa protégée.


— Inès est tout, sauf ce que toi et tous les abrutis de cette planète aimez la nommer. Elle est adorable, avec le cœur sur la main. Une femme qui j'en suis sûr, sera te rendre heureux. Ne passe pas à côté du grand amour, Abel, ce serait une énorme perte pour toi, je t'en conjure !

— Je ne suis pas amoureux ! je proteste.




Publié le jeudi 18 juillet 2019






ABEL ET LA BÊTEWhere stories live. Discover now