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Abel


Je n'arrive pas à dormir, dès que je ferme les yeux, l'image de mademoiselle Martins sans maquillage me hante. C'est affreux ! Heureusement, que je suis en vacances et que je n'ai pas à aller travailler avec cette gueule de déterré. Je déambule dans les pièces de la maison, comme si j'étais un zombi. J'ai l'impression de n'avoir aucune faculté, ma tête est dans un brouhaha constant, mes membres ont du mal à bouger,... Si je ne trouve pas une solution pour dormir, je crois que je vais me retrouver à l'asile, plus maître de mon corps.

J'ai cru qu'avec le temps, que cela deviendrait moins perturbant, mais c'est tout le contraire. J'ai l'impression de la voir partout, même dans les toilettes, vous y croyez ? Je suis en train de perdre la tête !

Je retourne dans ma chambre après avoir bu un verre d'eau, espérant trouver le sommeil. Je m'allonge, me recouvre de ma couette, j'ai froid, je tremble, et attends patiemment que les bras de Morphée m'emportent.

Dix minutes se sont écoulées... vingt... quarante... plus d'une heure... et toujours rien ! Si ! Je suis toujours éveillé. Rien n'y fait ! Je ne parviens pas à dormir. Mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?

Je me mets sur le dos et contemple le plafond en comptant de deux en deux. J'ai lu ça sur Internet, que cela aidait les personnes insomniaques à retrouver le sommeil. Mais les secondes défilent, les minutes aussi et même les heures... Et quand mes paupières se ferment enfin, je sursaute de peur, cette image m'effraie. Pourquoi Dieu m'afflige une telle épreuve ? Je n'ai vu Inès qu'une seule fois avec son vrai visage, sinon fardé, elle est resplendissante, merveilleusement belle. Alors pourquoi seule cette ignoble figure m'obsède, car il n'y a pas d'autre mot. Ce portrait hideux d'elle ne me quitte pas. Il est comme incrusté dans mon esprit. Il doit bien y avoir un moyen de l'effacer, mais comment ?

Je me lève, sans avoir fermé l'œil de la nuit pour ne pas changer. Il est déjà près de huit heures du matin. Je m'asperge la face d'eau froide afin de donner un semblant de bien-être. Mais je sais pertinemment que je ne tromperais personne, avec mes petits yeux fatigués, mes cernes enflés, mon teint gris... On croirait que je sors de l'hôpital après une lourde opération, tellement je suis dans un piteux état.

Je me dirige vers la cuisine où l'odeur du bon café me chatouille déjà les narines. Il va m'en falloir des litres, si je veux tenir debout toute la journée, surtout qu'on est le vingt-quatre décembre et que j'ai promis à mon père d'aller avec lui à la messe de minuit. La barbe !

J'arrive devant le plan de travail où mon père est déjà installé avec le nez plongé dans son journal.


— Ah ! Tu es déjà debout ?

— Oui !

— On dirait plutôt que tu ne t'es pas couché, mon garçon ? me scrute t-il de la tête aux pieds.


Si seulement il savait...


— Tu es malade ?

— Non ! J'ai des insomnies !

— Tu sais que le père noël ne passe que cette nuit ? Rien ne sert de veiller les autres nuits, il est impossible de le voir ! plaisante mon père.


Mais malheureusement pour lui, je ne suis pas d'humeur. Non ! Mais alors pas du tout ! Je sais ce qu'il tente de faire, mais c'est peine perdue !

Je ne réponds pas et vais m'asseoir à l'opposer. Je veux pouvoir boire mon café tranquillement, sans qu'on me prenne pour un gamin.


— Abel ? Qu'est-ce qui se passe avec toi ? Ces derniers jours, je te sens fatigué et nerveux. Des problèmes ?

— Rien ! Je suis juste fatigué !


Je ne veux pas lui parler d'Inès. Je sais déjà ce qu'il en pense, et cela ne me plaît pas du tout. Je ne suis pas amoureux d'elle, loin de là ! Et mes visions d'elle le confirment ! Le fait d'y penser me donne des frissons d'horreur.


— Je sais reconnaître quand quelque chose te tracasse ? Qu'y a t-il ?

— Elle me hante !


Voilà ! Il est content ? Moi, pas ! Je veux pouvoir dormir et non parler de ça avec lui. Mais je sais comme il est, il n'en démordra pas tant qu'il ne saura pas toute l'histoire, je suis comme lui, on est de vraies têtes de mule ! Mais je n'ai rien à lui raconter, je ne sais pas pourquoi je suis aussi obnubilé par l'image d'Inès.


— Qui ? Ta mère ?

— Non ! Qu'est-ce que tu vas chercher ?

— Si ce n'est pas ta mère qui c'est ?

— Mademoiselle Martins...


Il pouffe de rire. Sérieusement, je lui dis que cette fille me hante, et lui, il ne trouve pas mieux, que de rire de mon malheur.


— C'est bon, je n'aurais jamais dû t'en parler. Comment j'ai pu croire instant que tu pouvais m'aider ?


Je me lève avec ma tasse dans les mains et vais en direction du salon, où je serais sûrement en meilleure compagnie avec mon énorme téléviseur.


— Je sais pourquoi ! me stoppe mon père dans ma course.

— Quoi ?

— Tu as des remords la concernant ?

— C'est absurde !

— Vraiment ? Je crois que cette fille est ton âme sœur, et tu es le seul à ne pas t'en apercevoir. Tu n'arrêtes pas de la voir car c'est plus fort que toi, elle te manque !

— Non ! Je ne vois que ses horribles cicatrices ! je proteste.


Pour mon père, c'est forcément dû aux sentiments que je refuse d'admettre. Mais il a tort ! Je ne sais plus comment lui dire qu'il se fait des films ! Je ne suis pas intéressé en la personne qu'on nomme la bête !


— Tu te l'imagines terrifiante, mais il n'en est rien, et tu le sais au plus profond de toi. Tu l'aimes et tu es surtout effrayé vis à vis de ça. Tu devrais aller la voir et discuter. Peut-être qu'elle trouvera les mots pour t'apaiser...

— Tu veux dire pour me tourmenter encore plus !

— Abel ! Non ! Je pense vraiment que ça ne peut que te faire du bien ! Viens avec moi, boire un verre après l'office chez les Martins ? Tu en profiteras pour lui parler et voir si tes peurs sont légitimes ou pas.

— Je vais y réfléchir ! je prononce en quittant la pièce, mais la réponse est toute faite, c'est non !


J'en ai marre des gens qui croient tout savoir mieux que moi. Hier, c'est Marcio qui me prenait pour un idiot, et aujourd'hui mon père. Qui sera le prochain ? 




Publié le jeudi 22 juillet 2019


ABEL ET LA BÊTEWo Geschichten leben. Entdecke jetzt