Chapitre 5: Cristalline

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Cristalline: votre regard me glace

~*~

Après l'altercation avec Eren, le caporal Levi était parti du réfectoire. Armin avait proposé de raccompagner Mikasa jusqu'à sa chambre, mais celle-ci avait envie d'être seule. Sa tête lui faisait affreusement mal et elle avait le vertige. Tous ses repères étaient en train de vaciller. Eren l'attaquait alors que le caporal arrogant qu'elle détestait il y a quelques semaines la défendait... Ça n'avait aucun sens.

Les sentiments de Mikasa l'écrasaient, elle était ensevlie sous toutes ces émotions qu'elle ne parvenait pas à identifier. Cela faisait longtemps que sa vie intérieure n'existait plus.
Devenue étrangère à elle-même, elle ne faisait qu'agir selon un credo, le même depuis maintenant six ans: protéger Eren au prix de sa vie s'il le fallait. Elle ne vivait plus, elle ne pensait plus: elle exécutait.

Toute son existence était régentée par cette volonté inexplicable de protéger Eren, comme une machine se trouvait réglée par un rouage. Et d'ailleurs, c'était ce qu'elle était: une machine. C'était ce qu'elle devait être. Pour tuer, on ne peut pas ressentir, et c'était justement ce pourquoi elle était faite: tuer sans se soucier de rien ni personne d'autre qu'Eren. Elle le savait.

Et pourtant...la culpabilité de la mort de la population de Stohess la hantait. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas ressenti de sentiments aussi forts pour quelqu'un d'autre qu'Eren, Armin, les Jäger, ou ses propres parents. Mais voilà qu'elle commençait à s'attrister sur le sort de parfaits inconnus. Elle n'était plus elle même, et cela l'inquiétait. Combien de temps pourrait-elle tenir ainsi dans l'armée si son esprit se fragilisait ?

L'image du caporal Levi s'imposa alors dans son esprit. Elle savait qu'ils avaient vécu les mêmes choses, peut-être même avait-il vu plus d'horreurs qu'elle. Mais lui, il ne cillait pas.
Mikasa avait l'impression de voir une autre version d'elle-même lorsqu'elle le regardait agir: il était plus fort, autant mentalement que physiquement, et elle se rendit compte qu'elle le respectait et dans un certain sens, l'admirait aussi. Son escouade était morte dans d'affreuses conditions et il avait surêment dû voir leurs cadavres. Pourtant, il avait réussi à se maîtriser et à entreprendre une opération pour sauver Eren qui avait fonctionné.
Par ailleurs, il avait aussi secouru Mikasa. Deux fois. La première, lorsqu'il l'avait attrapée par la taille: qui sait ce que le titan aurait pû lui infliger dans l'état de colère aveugle et irresponsable dans lequel elle se trouvait ? Pire, il s'était ensuite blessé à la jambe pour empêcher le titan de la broyer dans sa main. La soldate continuait de se demander pourquoi. Elle était un bon élément mais elle avait agit de façon têtue, irresponsable et dangereuse. Sauver quelqu'un comme elle ne valait donc pas le coup de priver le bataillon de son meilleur soldat.

Une idée farfelue germa alors dans l'esprit de la jeune femme: il avait eu peur qu'elle meurt.
Mais à quoi pensait-elle donc ? C'était ridicule ! Le caporal n'avait pas de sentiments, il n'avait pas pû éprouver de la peine pour elle, il ne la connaissait même pas à cette époque.
Pourtant, même si elle tentait de se convaincre de cela, Mikasa savait qu'elle se mentait à elle-même: les images de la soirée qu'ils avaient passé sous l'arbre lui revenaient en mémoire, elle n'oubliait pas la chaleur de ses bras lorsqu'il l'avait réconfortée. Seul un être humain était capable de ça, et non pas une machine.
Et elle avait beau essayer de se convaincre qu'elle aussi en était une et que ses sentiments étaient des paramètres défectueux, au plus profond d'elle même elle était consciente qu'ils n'étaient que les derniers rayons de lumière de son âme, emprisonnée dans cette coquille de pierre.
Ses sentiments étaient ce qu'elle était réellement. Et même si elle s'empêcher d'y penser et refuser de les laisser paraître, elle ne pouvait pas les supprimer.

[ RIVAMIKA ] MirrorsWhere stories live. Discover now