Chapitre 17: Colchique

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Colchique: « Quand vient la fin de l'été »

~*~

Une voiture noire, tirée par deux chevaux au pelage tout aussi sombre, arriva en cahotant dans une rue déserte et obscure. Comme les autres rues de la cité souterraine, elle n'avait pas de nom. Elle n'en méritait pas.

Il résidait quelque chose d'étrange dans ce contraste original entre le décor misérable et l'élégant fiacre, contraste qui ne fit que s'accentuer, lorsqu'un couple d'individus masqués aux tenues soignées apparut sur le perron d'une maison main dans la main, et commença à descendre les marches de l'entrée.
Une petite silhouette leur courut après, ses longs cheveux bouclés flottant derrière elle comme une bannière.

- Mikasa ! S'exclama-t-elle, poussant ainsi la femme masquée à se retourner. Si des femmes de la cour te parlent, contente toi du strict minimum pour leur répondre, d'accord ? Si tu ne comprends pas, souris.

- Je ferai de mon mieux. Cette mascarade ne devrait pas trop durer, de toute façon.

Les deux femmes se regardèrent dans les yeux, le regard rendu humide par l'émotion.

- Nous nous reverrons, n'est ce pas ? Murmura la plus petite.

- Oui. Oui, nous nous reverrons. Très bientôt.

- Je compte sur toi, Ian, déclara solennellement l'homme au costume noir.

Le dénommé Ian hocha la tête et observa ses hommes qui démontaient et rechargeaient déjà leurs fusils: ils se tiendraient prêts. Grâce au travail que l'asiatique avait effectué ces dernières semaines, passant de commerces en commerces, les armes et la motivation ne leur manquaient pas.

- Il faut y aller, là ! s'exclama soudain le chauffeur du fiacre d'un ton bourru.

Il avait été bien payé pour ce travail car il avait promis de ne pas poser de questions, mais cela ne l'empêchait pas de s'agacer de la lenteur de ses clients. Qui sait ce qui l'attendait si on le surprenait à escorter ces deux individus louches vers le canal de Mithras dont l'accès était interdit...
On racontait que le baron de Brösel, le noble qui gérait son district, donnait ses prisonniers en pâture aux ours qu'il avait eu la fantaisie de domestiquer...et il n'avait vraiment pas envie de finir en goûter pour carnivore.

Sans un mot, ses deux clients montèrent avec agilité les marches du fiacre, qui s'affaissa un instant sous leur poids. Ian le vif, l'homme qui l'avait engagé, referma la porte derrière eux et s'approcha de lui.

- Pas un mot, dit-il simplement.

- Bien entendu.

- Tant mieux. N'oubliez pas que j'ai amplement les moyens de vous faire coudre les lèvres ou de clouer vôtre langue aussitôt qu'elle aura fourché si jamais vous veniez à me trahir, poursuivit-il avec une expression calme et féroce.

Le chauffeur tressaillit: comment le regard de cet homme, si chaleureux il y a quelques instants, pouvait-il être devenu si dur et inquiétant ? Il chassa ses interrogations et hocha la tête. De toute façon, ce monde rendait les gens fous. Lui le premier. Il avait mis sa vie en jeu pour de l'argent...c'était absolument stupide, irrationnel. Et pourtant, il l'avait fait. Il ne fallait pas chercher à comprendre pourquoi, c'était comme ça, c'est tout.

[ RIVAMIKA ] MirrorsWhere stories live. Discover now