Chapitre 11: Dahlia

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Dahlia: instabilité

~*~

Le monde avait changé autour d'elle. Les odeurs, les sons, les couleurs...tout lui paraissait tellement amplifié qu'elle en avait le tournis.
L'état passif dans lequel Mikasa s'était réfugiée depuis six ans avait disparu: elle vivait; et elle avait du mal à s'y habituer.
L'impression de s'être réveillée d'un long sommeil sans rêves l'envahit, et la pensée qu'elle aurait mieux fait de rester endormie la traversa avant de disparaître aussitôt: elle ne pouvait plus faire semblant d'être vide maintenant qu'elle savait qu'elle ne l'était pas.

Faire marche arrière était d'ailleurs impossible: lorsqu'elle avait suivi les recommandations de son propre coeur, lorsqu'elle avait décide d'assassiner cet homme, elle était parfaitement consciente des conséquences que cela impliquerait. Simplement, peut-être n'en avait-elle pas vraiment saisi l'ampleur, car libérer la bête ne l'avait pas simplement secouée comme elle l'avait cru. Non. L'impact avait été beaucoup plus important, car à l'instant où la vie avait quitté les yeux de sa victime, sa renaissance avait commencé.

Mikasa se rappela soudain d'un oiseau légendaire dont Armin lui avait parlé un jour avec enthousiasme après avoir terminé un livre de mythes: le phénix.
Ce volatile fait de flammes mourait pour finalement renaître de ses cendres, encore et encore, devenant plus fort à chaque cycle.
Elle trouva qu'elle ressemblait désormais à cet oiseau, à la différence près que ses plumes à elle étaient tâchées de sang, et que c'était des cendres de ses ennemis, et non des siennes; qu'elle renaissait.
C'était déjà arrivé avant aujourd'hui, dans cette cabane au milieu de la forêt, quand sa puissance s'était éveillée pour la métamorphoser à jamais, transformant son être et son existence tout entiers.

Elle ne savait pas depuis combien de temps elle marchait: son corps avait beau fonctionner et suivre Levi à travers les rues, son esprit lui, était absent.
Il ne faisait que voguer parmi les pensées chaotiques qui agitaient sa boîte crânienne. Elle revoyait son enfance dans les montagnes, ses moments passés avec Armin et les Jäger à Shinganshina, les excès alimentaires spectaculaires de Sasha, leurs entraînements lorsqu'elle était entrée dans l'armée...et surtout les moments particuliers qu'elle avait récemment passés avec Levi. À présent, tous ses sentiments lui paraissaient plus clairs, plus limpides, plus forts.
Il l'avait éveillée. Ses mots avaient brisé ses chaînes pourtant si solides, si vieilles. Cela relevait de l'exploit. Le même sang tâchait à présent leurs mains, les liant d'une manière si forte que Mikasa ne parvenait pas à la concevoir.

- C'est ici, annonça Levi.

Sa voix avait un timbre particulier, elle était grave et dégageait un certain charisme. La jeune femme frissonna: elle ne s'en était jamais rendue compte auparavant, et elle se demanda pourquoi elle se mettait à remarquer des détails aussi insiginfiants. Peut-être était-ce ça la vie, après tout: une accumulation heureuse ou malheureuse de détails insignifiants.
Elle se força à sortir de ses pensées et leva la tête pour finalement apercevoir une grande bâtisse.
Des lumières orangées filtraient à travers les carreaux fins des fenêtres, illuminant l'obscurité, et la soldate remarqua que la maison était isolée, ce qui lui sembla inhabituel puisque jusqu'ici, elle n'avait vu dans la ville souterraine que des habitations enchevêtrées, s'écrasant les unes sur les autres dans un chaos architectural.
La perspective de ne pas se retrouver jetée au milieu de la population la rassura: dans cette cité, elle avait la désagréable impression d'être entourée de charognards.

Levi, lui, se força à ne rien laisser paraitre lorsqu'il vit cet endroit où il avait si longtemps vécu. C'était dans cette maison que se trouvait autrefois le Q.G de son organisation illicite. C'était là qu'un jour Isabel était apparue et que Farlan et lui étaient venus à son secours, c'était là aussi qu'ils avaient tous trois accepté la mission qui allait bouleverser sa vie à lui et mettre fin à celles de ses deux amis.
Mais il ne pouvait pas flancher, il n'en avait pas le droit: il savait que la soldate aux cheveux noirs était tourmentée; il ne pouvait donc pas se permettre de faiblir. Il l'avait poussée à tuer cet homme, à libérer ses sentiments: s'il cédait maintenant, elle chuterait aussi. Il devait maintenant porter cette responsabilité sur ses épaules, être un roc pour elle, quelqu'un auquel elle pourrait s'accrocher. Leurs existences étaient à présent dépendantes, parallèles, identiques, comme si chacune était le miroir de l'autre.

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