VIII - 8

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 Une douce odeur de café me tira de mon sommeil. L'esprit encore embrumé, je repoussai la couverture en laine, puis me levai lentement du fauteuil dans lequel je m'étais endormie la veille au soir. Le salon était remplit d'effluves de bois brûlé, de cuir et de poussière. Les rayons de soleil tentaient, en vain, de passer au travers des rideaux bleu marin. Hier, on aurait dit que l'endroit était abandonné, mais comme si le temps s'était figé dans la maison, le feu crépitant dans la cheminé semblait avoir levé le sort imaginaire. Je ne pouvais pas dire que j'étais à l'aise en dormant dans cette chaumière, mais presque. C'était aussi la première fois que je dormais dans une vraie maison donc c'était assez nouveau. À l'orphelinat, nous n'avions qu'une petite pièce avec un lit, un minuscule miroir et une commode. L'ambiance était différente, mais d'une bonne manière. Je ne m'attendais pas du tout à ce genre de maison pour le général. Puisqu'il était probablement souvent sur les fronts, il ne devait pas passer beaucoup de temps dans sa demeure. Alors que mon esprit quittait lentement l'état brumeux dans lequel il se trouvait, je me dirigeai vers la cuisine pour y prendre mon déjeuner. Telrym était assis à la table, une tasse fumante de café dans les mains et un journal ouvert se trouvait devant lui. Il était simplement vêtu d'un peignoir foncé et ses longs cheveux d'ébène retombaient sur ses larges épaules. Ils formaient une auréole sombre autour de son visage aux traits durs. Ses pupilles sévères, couleur de la mer, trahissaient la fatigue qui se reflétait sur son visage. Le voyage l'avait-il épuisé ? Il avait été blessé par ma faute lors de notre halte à Amselume, alors peut-être en étais-je la raison ? Si ce n'était pas moi, était-ce la longue marche effectuée ce mois-ci ? Je croyais qu'il était habitué aux voyages en raison de l'éternelle guerre. Il termina sa tasse, puis la posa près de l'évier.

— Je t'ai fait une tasse de thé aux feuilles de Naryn. Si tu as faim, il y a des fruits et du pain, me dit-il en montant les escaliers.

 Je m'installai avec ma tasse de thé et une poignée de fruit. Une tranche de pain tartinée de beurre accompagnait le reste. J'humais l'odeur de ma boisson chaude et reconnus les arômes de noisettes et de menthe poivrée. Un délice pour les narines. Puisque j'étais affamée, je devais faire avec ce que j'avais, car Telrym ne semblait pas posséder beaucoup de nourriture. C'était déjà mieux que les bouts de pain dur et sec ainsi que le bol du gruau sans goût que nous mangions à l'orphelinat à tous les matins. Je supposais que j'allais peut-être finalement manger un peu à ma faim.

 Rapidement, dans la salle de bain, j'enfilai une tunique de rechange que j'avais mise dans mon sac après avoir pris une gorgée de thé fumant. Lorsque j'en sortis, le général était assis sur le canapé, une autre tasse de café dans les mains. Il avait revêtu une armure en cuir couverte d'une seule plaque de métal au niveau de la poitrine. Je devinais que c'était sa cuirasse de haut gradé en raison de l'or incrusté dans le métal ainsi qu'à cause de son insigne de général gravé dessus : une tête de lion. Seul les supérieurs ldans l'armée avaient droit à avoir un animal représentant leur rang sur leur habits. Ce n'était pas la même protection que lors de notre voyage. Celle-là était très grosse et limitait probablement ses mouvements, car il n'y avait que peu de cuir et beaucoup de métal. C'était complètement l'inverse de celle qu'il portait en ce moment. Il avait noué ses longs cheveux derrière sa nuque grâce à un ruban noir. Ses traits fatigués paraissent s'être effacés simplement en mettant l'armure. Son habituel regard de glace avait aussi refait surface. Comme lui, je nouai mes cheveux, puis retournai à la cuisine pour terminer mon thé et mon déjeuner. Une fois mon repas engloutit, je rejoignis le général Daserion dans le salon, prête à partir.

— Je dois rencontrer trois régiments aux baraquements dans une vingtaine de minutes. Par la suite, nous irons au terrain d'entrainements pour commencer ta formation. Je suis conscient que tu ne peux, en aucun cas, rejoindre l'armée avant l'âge de dix-neuf ans, mais mieux vaut commencer tôt que tard. Si l'ennemi est à nos portes dans sept mois, tu sauras au minimum te défendre.

La Dernière Éclipsal - La ProphétieWhere stories live. Discover now