XIII - 13

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Cette tragédie, mentionnée par le sorcier, paraissait oubliée de tout le monde, mais pourquoi ? J'avais lu tous les livres dans l'enceinte de l'orphelinat et jamais un tel évènement n'avait été évoqué, écrit dans ces ouvrages. Il est vrai que c'était les professeur et responsables de l'endroit qui décidaient des livres que nous pouvions lire, mais si une guerre avait ravagé une ville entière, n'aurait-il pas des bouquins traitant sur le sujet ? De plus, traitant presque exclusivement sur les races divines, ils n'y auraient pas pu m'en apprendre davantage sur Nohmira. Étais-ce l'œuvre de magie qui serait à l'origine de cet oubli ? Ou tout simplement le temps ? Un millénaire c'était long, mais je ne me résolu pas à accepter qu'il en soit la cause. Malgré la ruine de la cité et la végétation l'ayant avalée, ce n'en étais pas moins étrange. Le draconien huma les arômes de sa boisson, puis but goulûment. Une bouchée de croissant plus tard et il s'apprêta à continuer, mais se stoppa en me regardant attentivement. Sentant la faim me tirailler les entrailles, je me risquai à tendre le bras la tarte aux pommes qui me faisait de l'œil depuis que les plats avaient magiquement apparut. L'homme afficha un sourire victorieux lorsqu'une part se posa dans mon assiette.

— Si elle avait été empoisonnée, je ne te l'aurais pas dit. Tu ne risques rien comme je te l'ai dit tout à l'heure.

Encore hésitante, j'approchai ma fourchette, surmontée d'une magnifique bouchée de pommes bien cuites saupoudrées de cannelle, puis l'engloutis à l'instant où elle toucha ma langue. C'était délicieux ! Pendant un bref instant, j'oubliais la présence d'Urelian et m'empiffrai de toutes les pâtisseries tombant sous mes mains. Me rappelant que je n'étais plus seule, son rire mélodieux résonna à mes oreilles comme un carillon de verre. Je levai mon regard vers le sien, mais le détourna rapidement en sentant le rouge me monter aux joues. Moi qui s'étais dit de ne pas perdre mon sang-froid devant lui, ces douceurs avaient été à bout de moi bien rapidement. Je devrais plus avoir peur de ces confiseries que du sorcier, me dis-je en mastiquant toujours de la nourriture.

— Mange autant que tu le souhaites : ces gâteaux et tartes ne disparaitront que lorsque je le voudrai. Ne te retiens surtout pas. À voir la maigreur de ton corps, il est évident que tu n'as jamais mangé à ta faim. Je sais ce que c'est de ne pas manger assez. J'ai passé par là moi aussi alors il serait bien dommage que tu t'effondres au milieu de la rue, n'est-ce pas ? me dit-il, un rictus moqueur sur les lèvres.

Honteuse, je baissai mon regard vers mon assiette. Il avait raison même si je ne voulais pas l'admettre. En y repensant, j'ai toujours eu l'air d'un squelette ambulant. Avoir l'air d'un cure-dent ne donnais aucun avantages surtout si l'on prévoit de s'enrôler en tant que chevalier. Maintenant que j'étais sortie de l'orphelinat, plutôt le camp dans la forêt, j'étais presque certaine de pouvoir manger à ma faim malgré le peu de nourriture que possédait Daserion. Je connaissais son attitude méchante et froide, mais je doutais qu'il irait jusqu'à m'en priver. Affichant un air désolé, le draconien cessa de manger pour me regarder dans les yeux. Son air jouer et fier semblaient s'être envolés en un instant.

— Je veux que tu saches ceci avant de retourner à Mhala : malgré l'apparence, ce n'est pas parce que je suis du côté des races maléfiques que je suis pour cette guerre stupide. Je jouerai mon rôle, mais je ne suis qu'un pantin exécutant les ordres de son roi.

Avant que je ne puisse placer un mot, Urelian se leva et fit disparaitre les tables ainsi que les chaises, emportant la nourriture avec elles. Une brume noire commença à se former sous nos pieds, puis un courant froid traversa ma nuque. Je fermai les yeux en n'espérant pas me retrouver ailleurs qu'à la capitale. Lorsque je les rouvris, j'étais de retour dans la ruelle, seule. Le draconien s'était volatilisé. Nous étions partis depuis quelques heures déjà, car le soleil s'appétait à décliner lentement dans le ciel pâle parsemés de nuages aux formes cotonneuses. En me dirigeant vers la demeure du général, je ne pus m'empêcher de repasser les dernières phrases du sorcier dans ma tête. J'étais mitigée : était-il un allié ou un ennemi ? Je n'avais pas les réponses que je cherchais. Si je n'étais pas une Asura, peut-être aurais-je été en mesure de choisir mon camp ? Je ne pouvais pas me défaire de la prophétie alors je devais me mettre du côté des races divines même si je n'en avais aucunement envie.

La Dernière Éclipsal - La ProphétieWhere stories live. Discover now