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Mon corps est paralysé, je suis incapable de faire le moindre mouvement. Les secondes qui défilent paraissent être des minutes. Je fixe le flingue braqué sur le crâne chauve de Joe. De grosses gouttes de sueur perlent sur son front. Une armoire à glace m'empêche de voir le détenteur de l'arme. Tout cette situation me dépasse complètement. Joe est à genou, tremblant de tout son corps, devant son bureau un canon braqué sur la tempe.

Moi qui ait toujours eu des envies de meurtre à son encontre, le voir ainsi me retourne l'estomac. J'ai beau le déteste du plus profond de mon être pour toutes les crasses qu'il m'a fait depuis un an, je ne souhaite pas réellement qu'il meure. Je ne suis pas un putain de monstre.

Alors que je plisse les yeux pour mieux voir ce qui se cache derrière la porte, l'armoire à glace se décale sur la droite me laissant enfin voir celui qui braque son flingue sur mon patron. Mon coeur rate un nouveau battement. C'est lui. Je le reconnais. Le tatoué.

L'expression de son visage ne laisse rien transparaitre, elle est froide. Comme de la glace. Sa veste en cuir noir ne l'a pas quitté depuis notre première rencontre. Celle ci lui donne un look de bad boy mais je me rend compte à cet instant précis que ce n'est pas juste un look.  Ce mec est  un criminel, je le vois à son regard. Peut-être un tueur à gage? Mais pourquoi vouloir tuer Joe? Peut-être qu'il trempe dans des sales business? Je me souviens de la fois où j'avais trouvé une arme à feu dans son tiroir lorsque je cherchais une paire de ciseaux. J'avais pensé que ce n'était que par précaution, étant donné la dangerosité du monde de la nuit. Mais ce soir je me rends compte que cette arme est une protection. Probablement contre ce mec.

Quand l'homme tatoué appuie sur la détente, je vois le corps de mon boss tressaillir simultanément avec le mien.

- Pensavi di potermi sfuggire? Lance le tatoué d'un ton dénué d'émotions.

- Il y a sûrement un moyen de s'arranger, supplie Joe dans ma langue.

Est ce qu'il comprend ce que dit le tatoué? Probablement sinon ce dernier aurait fait l'effort de parler dans notre langue.

- Tu as passé tellement de temps ici que tu n'es même plus capable de parler italien?

Le tatoué retire l'arme de la tête de Joe et lui assène un coup de pied violent dans l'estomac. Ce dernier se tord aussitôt de douleur tout en crachant du sang par terre. J'observe la scène complètement tétanisée, le corps tremblant.

- Tu as creusé ta tombe lorsque tu as quitté le sol italien. Je dois avouer que tu m'as donné du fil à retordre, j'espère que tu as bien profité de ton semblant de liberté. La fête est finie.

- Per favore! Ezio..!

- Per favore? Tu me supplies maintenant? Tu aurais dû réfléchir à tout ça avant de me trahir...

- Je n'ai pas eu le choix! J'avais des dettes et...

- Addio.

- No! No! Ti supplico!

En une fraction de seconde l'arme se retrouve de nouveau sur le crâne de mon patron. J'ai à peine le temps de battre des cils que le coup de feu part brusquement. Un cri strident s'échappe de ma gorge lorsque je vois le corps sans vie de mon patron  tomber lourdement au sol. Le regard du tatoué se dirige vers l'entrebâillement de la porte derrière laquelle je me trouve.

Quand il pose ses iris sombres sur moi la noirceur que j'y vois me percute de plein fouet. Putain! Il l'a buté! Il a tué Joe! Sans aucune hésitation. Aucun état d'âme. Je réprime un haut le coeur en voyant la flaque de sang s'étendre sous le corps de Joe. Mes jambes se ramollissent d'un coup ne pouvant plus supporter mon poids.

Alors que je suis pétrifiée sur place, la porte du bureau s'ouvre à la volée et dévoile quatre autres hommes. Ces derniers sont habillés en costards sombres et me fixent d'un air menaçant. Comprenant ce qui est sur le point de se passer mon corps se remet à répondre. D'un coup mon instinct de survie prend le dessus. Il faut que je sorte d'ici ou je serais la prochaine à me prendre une balle en pleine tête. Une vague d'adrénaline me submerge et je fonce en direction des escaliers. Mes poumons me brûlent tant j'ai l'impression de suffoquer.

- Presto! Crie une voix grave derrière moi.

Je descend les marches quatre à quatre manquant de tomber à plusieurs reprises. Lorsque j'entends plusieurs pas me poursuivre, j'accélère comprenant que le prix de cette course c'est ma vie. J'atteins aisément le rez de chaussée mais avant que je fasse le moindre mouvement en direction de la porte d'entrée du bar deux bras musclés m'attrapent sans aucune douceur. Je pousse un hurlement, si fort que j'ai l'impression que mes cordes vocales ne sont pas loin de se briser. Une main froide se referme sur ma bouche, je ne peux ni bouger ni crier, emprisonnée de cette prise d'acier. Le dénommé Ezio entre dans mon champ de vision, une expression indéchiffrable sur le visage.

- Cosa ne facciamo di lei? Dit la brute qui me tient fermement.

Je ne comprends rien à ce qu'il dit ce qui ne fait qu'accentuer mon angoisse. Je savais que j'aurai dû choisir l'italien et non le japonais en deuxième langue à l'école. Ezio se penche légèrement en avant pour se mettre à ma hauteur et plonge ses yeux noirs dans les miens. Il me détaille quelques secondes puis se redresse.

- Lei viene con noi. Répond ce dernier. C'est quoi ton p'tit nom bambina?

- Allez vous faire foutre!

Je le regarde droit dans les yeux sans ciller. Il peut toujours rêver pour que je lui dise. Il a peut-être l'avantage à cet instant précis mais je ne compte pas lui faciliter le travail. Alors que je pensais qu'il allait s'énerver face à ma réplique, il me sourit. D'un sourire sadique. Puis il claque des doigts et je suis tirée brusquement jusque l'extérieur du bâtiment. Je me débat comme une furie, bien décidée à ne pas me laisser faire. Alors que la brute tient fermement mes poignets dans mon dos, je parviens à lui mordre le bras avec férocité.

- Porca puttana! Crache t-il en me poussant violemment à même le béton.

Je serre des dents en sentant ma peau surchauffer à cause des éraflures provoquées par ma chute. La brute se rue de nouveau sur moi dans un élan de fureur mais il est stoppé net par le tatoué, Ezio. Je me remet rapidement sur mes pieds en position de défense.

- Mi occupi di lei, lance Ezio en plaçant sa main sur le torse de la brute.

Il prend son flingue dans la ceinture de son jean et le braque devant lui. Mon coeur est au bord de la crise cardiaque et je peine à respirer en voyant la mort traverser devant mes yeux. Ezio m'attrape avec vivacité et me colle à son torse. Il pose aussitôt le canon de son arme sur ma tempe, ce dernier est encore chaud, venant à peine d'être utilisé. Ma soudaine audace retombe vite laissant de nouveau place à la terreur.

- Tu vas rester tranquille ma jolie, je ne suis pas quelqu'un de patient, murmure t-il à mon oreille.

Je ne bouge pas d'un millimètres. Son souffle chaud dans mon cou me donne la chair de poule. Il me pousse jusqu'à une audi noire garée juste devant le bar. Non! Non! Non! Une vague de panique me submerge toute entière. Où est ce qu'il m'emmène?! Mon corps se raidit de nouveau et mes bottines s'encrent dans le bitume. Un des hommes de main d'Ezio ouvre le coffre de la voiture juste sous mes yeux. Je m'éloigne subitement du véhicule en comprenant ce qu'ils comptent faire de moi.

- Hors de question que j'entre là dedans! M'écrié-je d'une voix paniquée.

Un grognement guttural résonne aussitôt dans le silence de la nuit. D'un coup une poigne brutale m'attrape et me plaque contre la portière de la voiture. Mes larmes roulent le long de mes joues lorsque je comprend que je ne peux pas m'en sortir. Ils sont bien trop nombreux pour que je leur échappe.

- Je t'avais prévenu bambina, je ne suis pas patient! Gronde une voix que je commence à connaître un peu trop bien à mon oreille.

Ezio écarte mes longs cheveux de ma nuque et je ressens aussitôt une piqûre au niveau de celle ci. Je tente de bouger mais suis fermement bloquée entre l'italien et la voiture. A mesure que les secondes passent, je sens mon corps ramollir. Ma vision se teinte petit à petit de tâches noires et je m'engouffre rapidement dans une obscurité totale.

The Maestro - Partie I ( Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant